Patients précarisés : "Lagardère est là"

Le Dr Bouillon et sa femme, Elisabeth Befumo, fourmillent d'idées pour aider les personnes précarisées. Ils ont lancé il y a quelques mois une "pharmacie solidaire" permettant aux SDF et aux patients à très faibles revenus de recevoir gratuitement des médicaments non-utilisés, rassemblés par des bénévoles et apportés par des patients et leurs proches au centre médical. Avant leur délivrance, ces médicaments sont contrôlés par un pharmacien. Depuis une semaine, ils proposent d'aller soigner sur place les patients indigents et ou qui ne peuvent se déplacer chez les généralistes, aux postes de garde ou à l'hôpital. Leur motorhome médicalisé a été entièrement financé sur fonds propres. "Quand nous le pouvons, nous appliquons le tiers-payant pour les actes remboursés", précise le Dr Bouillon. Ce cabinet médical sur roues est équipé d'une table d'examen et du matériel permettant de réaliser un diagnostic, de prendre une série de paramètres, de prélever des échantillons et de réaliser des soins et des dépistages. Actuellement, un binôme médecin- infirmière prend en charge le patient. A l'avenir, un pharmacien pourrait accompagner le tandem. "La semaine passée, nous avons secouru un SDF, en compagnie d'un éducateur et d'un bénévole du centre de jour l'Escale." L'unité médicale intervient dans un rayon de 30 km autour de Ghlin. Les usagers peuvent l'appeler en contactant le numéro gratuit 080012505 ou par tout autre moyen de communication parvenant à l'équipe mobile."En synergie avec nos projets de pharmacie solidaire, d'une banque de dons (nourritures, vêtements...) et d'un hôtel de soins palliatifs, ce véhicule permet des interventions en temps réel, sur le terrain de la pauvreté-précarité, d'une équipe pluridisciplinaire auprès des personnes en difficulté", explique le Dr Bouillon. Le généraliste de Ghlin se défend de vouloir entrer en concurrence avec les confrères de la région. "Au contraire, nous conseillons toujours aux patients de prendre contact après notre intervention avec leur médecin généraliste. Nous informons toujours de notre visite le médecin traitant ou les services publics renseignés par le patient. Malheureusement, de nombreuses personnes précarisées n'ont pas de généralistes ou éprouvent des difficultés pour se rendre chez eux". Et le Dr Bouillon d'ajouter que "ces interventions rapides permettent de détecter et de traiter les maux et difficultés de ces populations avant qu'elles ne prennent de graves proportion tant sur le plan médical que celui des coûts de santé. Elles permettent également d'éviter l'aggravation ou la complication de la situation sociale, psychologique ou financière du patient déjà en difficulté. Ce projet ne pratiquera ni médecine d'itinérance, ni foraine et ne transportera pas de patients, ce n'est pas un service ambulancier." Les promoteurs de Lagardère souhaitent collaborer pleinement avec un maximum d'acteurs de terrain (médecins, infirmières, CPAS, police, écoles...). Ils aimeraient étendre ce projet, actuellement essentiellement actif sur le territoire de Mons-Borinage, à l'ensemble du territoire wallon.Soutien du cdH "Il y a déjà une interaction du projet Lagardère avec les différents acteurs de terrain, explique Pascal Baurain, député wallon (cdH). Le Dr Bouillon a la volonté de voir si son projet local a vocation à pouvoir s'étendre au-delà de Ghlin et de Mons. Comme j'estime qu'il est nécessaire de répondre aux besoins cruciaux de santé, je vais essayer de porter ce projet au niveau régional en suscitant un intérêt de la part des autorités et réfléchir à une généralisation de ce projet. La ministre wallonne de la Santé, Alda Greoli, a déjà manifesté son intérêt par rapport au projet du Dr Bouillon." Rappelons qu'en 2017, Médecins du Monde a lancé un Médibus dans la province du Hainaut. Cette navette médicalisée va à la rencontre des personnes les plus isolées, celles qui ne se déplacent plus pour recevoir des soins. Le Médibus Hainaut concentre son travail aux alentours de la ville de Charleroi (Heppignies, Gilly et Marchienne-au-Pont) grâce à des partenariats avec différentes associations : Entre 2 Wallonie, Le Comptoir, l'Asbl Sida-IST Charleroi Mons, le Relais Santé de Charleroi et le CPAS de Charleroi. A l'inverse du projet Lagardère, il n'y a pas de médecin à bord du Médibus. L'équipe y propose des soins infirmiers, mais aussi des dépistages rapides (VIH, Hépatite C, syphilis) et la possibilité de recevoir du matériel d'injection stérile. Les usagers peuvent être réorientés et accompagnés vers les services médicaux, sociaux ou juridiques adéquats, selon leur situation.L'équipe de Largardère espère que d'autres prestataires de soins vont les rejoindre pour pouvoir multiplier leurs interventions dans de nombreuses communes wallonnes. "Nous sommes déjà soutenu par un laboratoire d'analyses médicales, un hôpital, des pharmaciens...", souligne l'enthousiaste Dr Bouillon.