La 58e édition du cycle de perfectionnement en sciences hospitalières de l'UCLouvain a démarré fin novembre. Au menu de la première journée de formation : la prévention.
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La prévention est de la responsabilité de tous, mais dans l'évolution de nos systèmes de santé, une question se pose : quel rôle pour les hôpitaux ? Est-ce une compétence d'avenir ou doit-elle être déléguée ?Le Pr Frédéric Thys, cheville ouvrière de la formation, a pour habitude de proposer ses réflexions en guise de conclusion. Pour lui, " la prévention est capitale "." Les chiffres sont parlants : nous n'investissons que 131 euros par personne pour la prévention, ce qui est terriblement insuffisant ", explique le chef de pôle clinique aigu du Grand hôpital de Charleroi (GHdC). " Ce chiffre est non seulement inférieur aux attentes, mais aussi à l'encontre des potentiels économiques, car "un euro dépensé intelligemment pourrait rapporter entre 1,7 et 2,4 euros". " Pour Frédéric Thys, cela montre que la Belgique est loin de maximiser le retour sur investissement possible en matière de prévention.Les hôpitaux devraient jouer un rôle de premier plan dans cette mission de prévention secondaire. Selon le Pr Thys, c'est " une évidence " que les établissements de santé doivent se positionner en chefs de file dans cette démarche. Cependant, il critique une progression lente et hésitante en Wallonie, comparant ce mouvement à un " réveil sur la pointe des pieds ", de peur, semble-t-il, " d'écraser une coquille vide ". Clairement, il faut plus de courage politique.Adrien Dufour, directeur général de Clinique St-Luc à Bouge, renforce le propos (lire davantage dans l'édition papier), expliquant qu'il est possible d'éviter 40.000 décès prématurés par an en Belgique. " L'hôpital est souvent le dernier rempart ", dit-il, soulignant que ce rôle de filet de sécurité traduit bien les échecs de la prévention en amont. Dans ce cadre, tant Adrien Dufour que Frédéric Thys appellent à un examen minutieux des soins prodigués et aux excès potentiels du propre système hospitalier.Face à ces défis, le Pr Thys est catégorique : " Nous avons un mode de financement qui n'est pas incitatif, une complexité organisationnelle énorme, et une méfiance notable du public. " Il critique ces obstacles qui freinent l'adaptation rapide des hôpitaux vers un rôle plus proactif en prévention. Et il regrette que, malgré une capacité indéniable à collecter des données précises et structurées, les hôpitaux aient un faible impact communautaire.Le débat s'est conclu avec une introspection sur la gouvernance fédérale et régionale. Bien qu'il salue certaines initiatives politiques, Frédéric Thys met néanmoins l'accent sur le fardeau immense des réglementations et des réformes complexes de l'État. " La tâche est énorme ", reconnaît-il, tout en appelant à un " plan de prévention wallon ambitieux d'ici 2030 ". Frédéric Thys est clairement septique quant à l'agilité du système pour s'adapter rapidement aux nouveaux défis.D'où sa conclusion critique : " Qui va se réveiller ? Qui doit se réveiller ? Comment pouvons-nous tous nous réveiller ? " Son pari repose sur un éveil collectif et individuel, où chaque professionnel pourrait contribuer activement à une transformation nécessaire, sensibilisant chacun à l'importance de " faire sa part, comme le colibri ", reprenant l'allégorie de l'essayiste français Pierre Rabhi.