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Umélanome ! Voilà le genre de cadeau dont on se passe volontiers, encore plus le jour de la fête des amoureux. Et pourtant, c'est la mésaventure qu'a connue un couple venu en consultation dermatologique un 14 février pour une vérification de grains de beauté.L'histoire est très spéciale dans la mesure où l'examen clinique a révélé que les deux époux présentaient une lésion pigmentée atypique et suspecte au même endroit, au niveau de l'omoplate droite.Le temps de réaliser une dermoscopie, et le verdict tombe : les nævi enlevés sur les épaules de l'un et l'autre présentent bel et bien les caractéristiques d'un mélanome malin, le cancer de la peau le plus redouté.Le cas décrit ci-dessus est tout particulier. " En raison de cette coïncidence impressionnante, le jour de la Saint-Valentin, de deux cancers cutanés au même endroit dans un couple de conjoints, nous avons décidé de renommer le 'mélanome conjugal' ou ' connubial melanoma' en tant que 'mélanome de Saint-Valentin' ", expliquent les auteurs d'un article publié dans une revue scientifique1.Un trait d'humour pour quelque chose qui en réalité n'est évidemment pas drôle du tout et en plus, pas si rare que cela.En effet, si au sein d'un couple, donc des personnes qui ne sont pas unies par un lien de sang, la survenue d'un même cancer avec une localisation topographique identique est un événement exceptionnel, et s'il est rarissime que l'annonce soit faite aux époux le jour de la Saint-Valentin, en revanche, chez deux individus apparentés, de nombreux cas de cancers, dont des mélanomes, présents aux mêmes endroits, ont été décrits dans la littérature médicale.Comme le raconte le journaliste médico-scientifique Marc Gozlan dans son blog 2, c'est en 1959 qu'un premier cas de tumeurs similaires chez deux époux a été signalé. À l'époque les spécialistes ont émis l'idée que le mari et la femme avaient pu être exposés au même agent carcinogène domestique et ils ont aussi spéculé sur certaines habitudes provoquant l'apparition de ces pathologies mais sans apporter des éléments de preuve suffisamment convaincants.Douze années plus tard, en 1971, un dermatologue américain, Nash, a été le premier à rapporter la survenue d'un mélanome chez deux époux, mariés depuis 20 ans. Toutefois, le cancer n'est pas apparu au même endroit : jambe droite chez la femme, le dos chez son mari, diagnostiqué un an et demi auparavant. Mère de six enfants, la femme est décédée de son mélanome métastatique. L'homme est mort à cause de ce même cancer six mois plus tard.D'autres cas ont été répertoriés par la suite, notamment un mélanome cutané établi chez des époux et des métastases cérébrales d'un mélanome malin chez un autre couple dont la femme et son mari sont décédés en l'espace de deux ans. Cela s'est produit en 1975.Trois ans plus tard, des dermatologues et chirurgiens new-yorkais ont rapporté la survenue d'un mélanome malin au sein de trois couples mariés. Le mari du premier et celui du second couple sont décédés, victime de métastases.En 1980, des médecins américains ont indiqué la présence d'un cancer (mélanome, cancer du sein, cancer du rein, fibrosarcome, carcinome du plancher buccal, cancer colo-rectal et carcinome du nasopharynx) chez 11 couples mariés, à la fois chez le mari et la femme.En 1984, des ophtalmologues et oncologues américains ont mentionné un cancer de l'oeil chez deux conjoints. Le mari était atteint d'un mélanome choroïdien de l'oeil droit tandis que sa femme a développé la même tumeur à l'oeil gauche six ans plus tard. L'un et l'autre ont subi l'ablation du globe oculaire malade.Enfin, en 1987, une dermatologue new-yorkaise a relaté la survenue d'un mélanome superficiel chez une femme de 67 ans et son mari de 72 ans. Dans les deux cas, le traitement de la tumeur a reposé sur l'ablation chirurgicale large de la lésion.Une question se pose : comment des conjoints peuvent-ils contracter un mélanome similaire, localisé dans la même zone corporelle, si précisément ?La coïncidence n'est pas à exclure. Selon les auteurs de l'article concernant le cas le plus récent en Italie, " cette coïncidence tient probablement au fait qu'une personne a plus de chance de se faire dépister lorsque son conjoint présente des antécédents de tumeurs cutanées ou consulte régulièrement un dermatologue ".Au passage, rappelons toute l'importance de l'autocontrôle cutané mais aussi de la surveillance de la peau de la personne avec laquelle on vit. Détecter rapidement une lésion précancéreuse ou un cancer cutané accroît incontestablement les chances de survie.Pour en revenir au cas italien, que ce soit pour le mari ou la femme, les grains de beauté cancéreux ont été enlevés mais il était moins une. Chez l'homme, l'indice de Breslow, qui détermine l'épaisseur de la tumeur et donc sa capacité à atteindre les vaisseaux lymphatiques ou sanguins environnants, était de 1,3 mm et chez son épouse de 0,8 mm. Or, on sait que le pronostic du mélanome reste bon si cet indice n'excède pas 0,75 mm. En revanche, la survenue de métastases est quasi automatique s'il est supérieur à 1,5-2 mm. C'est dire s'il était plus que temps que le couple concerné consulte un dermatologue...