Henri Anrys, docteur en droit et spécialiste des réglementations et politiques de santé, réagit à l'article sur la volonté de Maggie De Block de créer 25 grands réseaux hospitaliers publié dans le jdM N°2469.
L'idée de réseaux hospitaliers n'est pas neuve. Depuis des décennies, les formules de coopération et de rationalisations se sont succédées comme les groupements ou associations de services, dont les projets sont axés sur des partages de tâches et sur la coordination. Les agréments de programmes de soins ont intégré ce principe sous une forme ou une autre, à commencer par le programme de traitements de pathologies cardiaques. Ces coopérations se présentaient à chaque fois comme des normes de qualité.
Le plan
Ce qu'il y a de neuf, c'est que le plan actuel est présenté comme un des leviers d'économies urgentes de 92 millions d'euros en 2017, à côté de mesures classiques de réduction du budget. Relevons la diminution des études pilotes et la suppression des interventions dans les primes RC des médecins (14,7 millions) ou dans l'indemnisation des médecins chefs.
Le moyen présenté se fonde sur la réduction des surcapacités au niveau du nombre des lits mais aussi du nombre des fonctions, services, appareils et campus. C'est dans ce contexte que 25 réseaux surgissent comme le moyen de répartition des tâches entre les hôpitaux de chaque réseau desservant 400 à 500.000 patients (ne s'agit-il pas plutôt d'habitants?).
Ce qui est neuf aussi, c'est que le plan prévoit dans les 2 mois un programme de réduction des activités de 9 services dont la maternité, la pédiatrie, les urgences, les soins intensifs et les soins intensifs néonataux, la technologie (exemple CT Scanner).
Par leur concentration, l'espoir est de diminuer les frais de personnel et d'infrastructures de ces services, peut-être en augmentant le seuil d'activité conditionnant l'agrément. Il postule des licenciements qui ne sont pas évoqués et des réductions d'avantages pour le personnel non soignant.
Complexité
La première remarque traduit la perplexité quant à la faisabilité juridique d'un tel plan dans des délais si courts. Si l'espoir d'économies à court terme découle de réduction de services ou fonctions, cela suppose une série d'arrêtés royaux (AR) de retraits d'agréments déjà en vigueur et l'adaptation de nouveaux règlements sur le prix, de la programmation et des normes. Ces AR devront s'inscrire dans la complexité institutionnelle actuelle qui partage les compétences entre législation organique confiée au Fédéral et agrément et financement des structures donnés aux Régions. Ce n'est pas gagné!
Des groupes de travail sont appelés à plancher à un rythme accéléré mais la concertation entre Fédéral et aux Régions ne sera pas triste. Rien ne permet de supposer la disparition des groupes de pression et d'intérêts, à l'exception des patients qui n'auront pas voix au chapitre même si, en réalité, le système pourrait entraîner un certain déplacement des coûts vers le budget des familles. La suppression de services de proximité de base, à commencer par la maternité et la pédiatrie par relèvement des seuils d'activité requis, devraient augmenter les frais de déplacements des patients, de leur famille. La rationalisation coûtera en transferts entre hôpitaux.
La réduction des services d'urgences - avec la diminution de leur accessibilité et les attentes plus longues liées à leur concentration - devrait les dégraisser des soins courants qu'on espère renvoyer aux généralistes. Cela devrait se manifester tout particulièrement par la garde généraliste au moins jusqu'à 22h ou à partir de 8h le lendemain matin. Le réseau pourrait inclure les possibilités de transferts vers des services A, T, SP ou les MRS ... mais le but du projet présenté se limite aux coûts hospitaliers plus qu'à la coordination des soins autour du patient.
Et les médecins?
Le plan évoque à peine les médecins hospitaliers dont la place sera pourtant centrale dans la répartition et la concentration des tâches, d'autant que ce plan est un modèle d'hospitalo-centrisme par la volonté de ramener toute la médecine spécialisée à l'hôpital. L'article 81 de la loi sera mis en oeuvre pour définir les actes interdits en cabinet. On verra sans doute réapparaître le projet de loi sur les prestations de santé, bloqué et évacué il y a quelques années, qui comportait une partie créant des normes d'agréments des cabinets et le contrôle de leur qualité.
Dans les réseaux projetés, la ministre annonce une "implication adaptée" des médecins au niveau du réseau. Actuellement, l'organisation et la coordination des services médicaux et du matériel, le cadre de personnel à charge des honoraires sont soumis à avis renforcé du Conseil Médical. Dans un réseau, cela signifie l'intervention du Conseil médical de chaque hôpital. Dans les groupements d'hôpitaux et les associations d'institutions ou de service, un organe de coordination est en place pour déboucher sur des codécisions. Avant même de déterminer si les organes actuels ne répondent pas à la nouvelle structure, il faut clarifier la nature juridique des liens entre hôpitaux du réseau. Seront-ils des composantes d'un ensemble désormais seul agréé ou des institutions autonomes unies par des liens juridiques et économiques dans un ensemble géographique?
On n'imagine pas que des services vont disparaître ou se déplacer sans impact fort sur les statuts, les contrats des médecins mais aussi les flux de patientèle. Tel hôpital qui croyait absorber non pas le personnel mais seulement les patients d'un hôpital les verra partir vers un autre hôpital, que ce soit pour suivre leur médecin ou par éloignement du service après fusion.
On imagine que c'est l'avenir, voire la survie de certains hôpitaux qui sera en jeu et que la concertation sur le partage des activités pourra en être d'autant plus dure que les intérêts politiques locaux comme les influences universitaires et mutualistes entreront en jeu plus encore que les droits des patients au libre choix de leur médecin et à l'accessibilité aux soins, particulièrement pour ceux qui dépendent des transports en commun.
L'idée de réseaux hospitaliers n'est pas neuve. Depuis des décennies, les formules de coopération et de rationalisations se sont succédées comme les groupements ou associations de services, dont les projets sont axés sur des partages de tâches et sur la coordination. Les agréments de programmes de soins ont intégré ce principe sous une forme ou une autre, à commencer par le programme de traitements de pathologies cardiaques. Ces coopérations se présentaient à chaque fois comme des normes de qualité.Ce qu'il y a de neuf, c'est que le plan actuel est présenté comme un des leviers d'économies urgentes de 92 millions d'euros en 2017, à côté de mesures classiques de réduction du budget. Relevons la diminution des études pilotes et la suppression des interventions dans les primes RC des médecins (14,7 millions) ou dans l'indemnisation des médecins chefs.Le moyen présenté se fonde sur la réduction des surcapacités au niveau du nombre des lits mais aussi du nombre des fonctions, services, appareils et campus. C'est dans ce contexte que 25 réseaux surgissent comme le moyen de répartition des tâches entre les hôpitaux de chaque réseau desservant 400 à 500.000 patients (ne s'agit-il pas plutôt d'habitants?).Ce qui est neuf aussi, c'est que le plan prévoit dans les 2 mois un programme de réduction des activités de 9 services dont la maternité, la pédiatrie, les urgences, les soins intensifs et les soins intensifs néonataux, la technologie (exemple CT Scanner).Par leur concentration, l'espoir est de diminuer les frais de personnel et d'infrastructures de ces services, peut-être en augmentant le seuil d'activité conditionnant l'agrément. Il postule des licenciements qui ne sont pas évoqués et des réductions d'avantages pour le personnel non soignant.La première remarque traduit la perplexité quant à la faisabilité juridique d'un tel plan dans des délais si courts. Si l'espoir d'économies à court terme découle de réduction de services ou fonctions, cela suppose une série d'arrêtés royaux (AR) de retraits d'agréments déjà en vigueur et l'adaptation de nouveaux règlements sur le prix, de la programmation et des normes. Ces AR devront s'inscrire dans la complexité institutionnelle actuelle qui partage les compétences entre législation organique confiée au Fédéral et agrément et financement des structures donnés aux Régions. Ce n'est pas gagné!Des groupes de travail sont appelés à plancher à un rythme accéléré mais la concertation entre Fédéral et aux Régions ne sera pas triste. Rien ne permet de supposer la disparition des groupes de pression et d'intérêts, à l'exception des patients qui n'auront pas voix au chapitre même si, en réalité, le système pourrait entraîner un certain déplacement des coûts vers le budget des familles. La suppression de services de proximité de base, à commencer par la maternité et la pédiatrie par relèvement des seuils d'activité requis, devraient augmenter les frais de déplacements des patients, de leur famille. La rationalisation coûtera en transferts entre hôpitaux. La réduction des services d'urgences - avec la diminution de leur accessibilité et les attentes plus longues liées à leur concentration - devrait les dégraisser des soins courants qu'on espère renvoyer aux généralistes. Cela devrait se manifester tout particulièrement par la garde généraliste au moins jusqu'à 22h ou à partir de 8h le lendemain matin. Le réseau pourrait inclure les possibilités de transferts vers des services A, T, SP ou les MRS ... mais le but du projet présenté se limite aux coûts hospitaliers plus qu'à la coordination des soins autour du patient.Le plan évoque à peine les médecins hospitaliers dont la place sera pourtant centrale dans la répartition et la concentration des tâches, d'autant que ce plan est un modèle d'hospitalo-centrisme par la volonté de ramener toute la médecine spécialisée à l'hôpital. L'article 81 de la loi sera mis en oeuvre pour définir les actes interdits en cabinet. On verra sans doute réapparaître le projet de loi sur les prestations de santé, bloqué et évacué il y a quelques années, qui comportait une partie créant des normes d'agréments des cabinets et le contrôle de leur qualité.Dans les réseaux projetés, la ministre annonce une "implication adaptée" des médecins au niveau du réseau. Actuellement, l'organisation et la coordination des services médicaux et du matériel, le cadre de personnel à charge des honoraires sont soumis à avis renforcé du Conseil Médical. Dans un réseau, cela signifie l'intervention du Conseil médical de chaque hôpital. Dans les groupements d'hôpitaux et les associations d'institutions ou de service, un organe de coordination est en place pour déboucher sur des codécisions. Avant même de déterminer si les organes actuels ne répondent pas à la nouvelle structure, il faut clarifier la nature juridique des liens entre hôpitaux du réseau. Seront-ils des composantes d'un ensemble désormais seul agréé ou des institutions autonomes unies par des liens juridiques et économiques dans un ensemble géographique?On n'imagine pas que des services vont disparaître ou se déplacer sans impact fort sur les statuts, les contrats des médecins mais aussi les flux de patientèle. Tel hôpital qui croyait absorber non pas le personnel mais seulement les patients d'un hôpital les verra partir vers un autre hôpital, que ce soit pour suivre leur médecin ou par éloignement du service après fusion.On imagine que c'est l'avenir, voire la survie de certains hôpitaux qui sera en jeu et que la concertation sur le partage des activités pourra en être d'autant plus dure que les intérêts politiques locaux comme les influences universitaires et mutualistes entreront en jeu plus encore que les droits des patients au libre choix de leur médecin et à l'accessibilité aux soins, particulièrement pour ceux qui dépendent des transports en commun.