La santé mentale est la marotte de ces dernières semaines. Après les annonces fédérales et régionales sur de nouvelles mesures (lire nos précédentes éditions), voici maintenant le Conseil supérieur de la Santé (CSS) qui alimente le débat avec dix leçons retenues pendant les deux ans de crise sanitaire.
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Les ministres Dermagne (Travail) et Vandebroucke (Santé) ont chargé le CSS de répondre à deux questions. La première, quels enseignements peut-on tirer de la gestion de crise ainsi que de la gestion des risques concernant la santé mentale? La seconde concerne les initiatives politiques sur les rails. Quels sont les idées qui peuvent être transmises par le travail du CSS et qui peuvent guider les politiques que le gouvernement entend développer ?Pour répondre à ces questions, le CSS a compté sur un groupe de travail composé de spécialistes en psychologie, psychiatrie, pédopsychiatrie, médecine du travail, sociologie, et virologie. Des spécialistes qui se sont par ailleurs déjà penché sur l'évaluation l'impact du Covid-19 sur la santé mentale pendant la crise. L'avis est basé principalement sur les avis précédemment publiés et sur la mise à jour du Référentiel belge de données sur la santé mentale.L'impact du Covid-19 sur la santé mentale de la population belge suit le schéma de la pandémie et des mesures prises. Plus les mesures à suivre sont strictes et/ou plus nous devons les maintenir longtemps, plus l'impact négatif sur le bien-être est important. " Nous constatons que le malaise général augmente de manière significative au cours de la deuxième période de confinement et que pour la majorité de la population, le bien-être se stabilise lorsque les mesures sont assouplies ", analyse le groupe de travail du CSS. " L'incertitude élevée à propos des paramètres de la pandémie augmente l'anxiété et les problèmes de santé mentale. Le manque d'interactions sociales pendant les périodes de confinement y contribue également. Notre bien-être mental suit donc très clairement les évolutions de la pandémie. Bien que la majorité de la population semble se rétablir en termes de résilience et de bien-être, les groupes fragilisés sont encore plus à risque. "La population générale se porte néanmoins bien et reste stable. Cependant, ce qui n'allait pas bien avant la pandémie va encore plus mal aujourd'hui. " La pandémie a créé une division profonde en termes de bien-être : les personnes qui étaient déjà vulnérables avant la pandémie le sont encore devenues davantage et ne peuvent pas se rétablir par elles-mêmes. La pandémie n'a fait que creuser les disparités existantes en matière de bien-être. Plus cette crise perdurera, plus la pression sur le bien-être mental augmentera et plus cette inégalité persistera, voire s'accentuera. "Divers groupes auront besoin d'un soutien accru. Les jeunes et les personnes souffrant d'affections préexistantes et/ou d'un statut socio-économique moins élevé, souffrent davantage de problèmes de santé mentale. Le CSS y ajoute les personnes qui travaillent dans le secteur des soins. " La pression est élevée et cela se manifeste par un mal-être, un nombre croissant de conflits, des départs et un équilibre perturbé entre vie professionnelle et vie privée. Les principales difficultés rencontrées sont la peur, le manque de ressources pour faire le travail et le sentiment d'être insuffisamment formé ou préparé pour faire face aux défis particuliers. Autre élément d'inquiétude : le nombre croissant de professionnels de la santé qui veulent quitter le secteur (des données supplémentaires seraient nécessaires pour évaluer l'impact de l'obligation vaccinale pour le personnel soignant à cet égard). " Pour répondre à ces défis, le Conseil supérieur de la Santé propose dix points d'action pour améliorer l'avenir des soins de santé mentale :Organiser les soins de santé mentale selon le modèle des soins échelonnés : accessibles à tous, ancrés localement, et avec des systèmes de triage et d'orientation solides. Le CSS estime qu'il faut en outre accorder une attention particulière aux groupes vulnérables et être attentif à la prévention.Faire de la santé mentale une partie intégrante de la santé publique.Utiliser la communication comme un facteur de motivation plutôt que comme une charge supplémentaire. Le CSS propose par exemple de mettre fin à l'infodémie, à la surcharge d'informations concernant la pandémie. Informations qui de surcroît ne sont pas toujours correctes.Être attentif à la chronicité de la pandémie, organiser un monitoring régulier et donner des feedbacks.Renforcer la résilience individuelle et collective. Cela passe par la prévention et le soutien social.Promouvoir la protection sociale et reconnaître le rôle du (retour au) travail.Accorder de l'attention à la perte et au deuil.Se préparer aux futures vagues et/ou aux nouvelles pandémies.Apporter un soutien supplémentaire au secteur des soins. Le CSS conseille de surveiller de près les professionnels de santé de première ligne en termes de stress, de charge mentale et de comportement d'évitement. Le conseil estime également nécessaire un soutien psychosocial préventif et l'identification des personnes qui peuvent être plus à risque. Plus largement, investir dans la formation et le développement est nécessaire afin que le secteur des soins soit mieux préparé à faire face aux situations de crise. Enfin, il faut assurer une valorisation adéquate du secteur des soins.Impliquer les experts de manière proactive dans les choix politiques.Le CSS recommande de se concentrer sur un système qui exploite pleinement l'expertise du milieu professionnel mais qui, surtout, reste simple. Un accueil chaleureux en cas de détresse mentale, près de chez soi, avec des contacts avec d'autres personnes souffrantes et en partant de la prévention en constitue la base. La reconnaissance des facteurs de vulnérabilité peut aider à définir les groupes cibles, à fixer les priorités et à déterminer les besoins de soins sur mesure. Des indicateurs simples et validés permettant de mesurer la résilience de la population peuvent rendre possibles un travail de recherche, de suivi et de communication, permettant ainsi au système de continuer à s'améliorer.Enfin, la vision de la santé mentale doit être proactive et axée sur ce que souhaite chaque Belge, et pas seulement les personnes en situation de détresse mentale. " Une société qui se soucie collectivement de sa santé mentale et de celle de ses citoyens et qui apprend à s'en occuper contribue à des gains durables en matière de santé globale. "