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Le Dr Renato Portocarrero Salas est péruvien. Après avoir passé un examen d'entrée de spécialisation en Espagne, il a choisi la médecine de famille à Valence. Une spécialisation qu'il a terminée en 2014. Par la suite, Il a exercé directement comme médecin urgentiste en milieu " extra hospitalier " en ambulance avec le 112." J'ai commencé à travailler les samedis avec le SAMU. Je faisais des gardes de 24h et je travaillais huit à dix jours par mois. Au début, j'étais un peu angoissé, car on est le premier à voir le patient et à le soigner. J'étais seul avec les infirmiers et un ambulancier. C'est tout à fait différent que de travailler en hôpital où il y a beaucoup d'aide autour de soi. " C'est là que notre docteur a pris goût au travail en urgence. En Espagne, les médecins de famille peuvent exercer dans de nombreux domaines. Aussi bien en première ligne en centre de santé, qu'en première ligne en résidence pour personnes âgés, ou encore aux urgences. Il n'existe pas de spécialisation d'urgentiste. Certains médecins font parfois deux à trois domaines en même temps, tellement le salaire est bas. Renato, quant à lui, a choisi de se dédier aux urgences. A la question de savoir comment il est arrivé aux îles Canaries ? Il explique que son épouse, valencienne, ne trouvait pas de travail dans sa ville, en tant que médecin analyste clinique. Elle obtient alors une place à Santa Cruz de Tenerife. " Je l'ai appuyée, et comme on avait des amis médecins là-bas, ils m'ont trouvé une place à Tenerife dans un hôpital privé en urgence, et je l'ai donc rejointe. Mais ensuite, j'ai continué à envoyer des CV, et justement, une clinique privée cherchait un médecin en hélicoptère, dans le domaine extra hospitalier." Cela fait quatre ans maintenant qu'il y travaille. "Je m'occupe d'urgences de première ligne et de seconde ligne ; de première ligne c'est-à-dire, un peu comme une ambulance mais en hélicoptère. Nous allons chercher des gens accidentés situés dans des endroits difficiles d'accès, comme des accidentés de bus en montagne. Il y a plus d'accès par la route aujourd'hui qu'avant, mais il y a malgré tout encore des endroits non accessibles." Quelques histoires ont été très marquantes dans son expérience d'urgentiste. Elles laissent des marques, comme celle d'un homme qui avait été encorné par un taureau au niveau de la cage thoracique. " Il avait un trou dans la poitrine et on a dû le transférer à l'hôpital. Un autre, un suicidaire, qui s'était perdu dans la montagne, on l'a retrouvé avec un poignard dans la poitrine mais heureusement le coeur n'était pas touché et on aussi dû le transférer. Ou encore une autre fois, un accident de trafic en moto dans la montagne, où plusieurs personnes sont décédées."Mais depuis quelques années, les aides d'urgences en hélicoptère ont dû être freinées. "On a dû un peu ralentir les secours en hélico et favoriser les aides en ambulance car il y a eu un grave accident. Le pilote était seul avec le médecin et les blessés, il n'y avait pas de copilotes. Personne n'a vu les câbles électriques devant eux. Ils sont tous morts sur le coup. Donc nous continuons, mais nous devons nous assurer qu'il y ait toujours assez d'équipiers."Depuis quelques temps, nous faisons plus de transferts de patients, ce qu'on appelle, la seconde ligne. Ces transferts se font d'île en île et parfois jusqu'à la péninsule, mais dans ce cas en avion car l'hélicoptère n'aurait pas assez de carburant et il faudrait s'arrêter au Maroc. Nous transférons des patients intubés, pour lesquels on doit surveiller la tension artérielle ou encore des prématurés en couveuses."" Quand on nous appelle pour une urgence, il faut être rapide et concentré et penser à ce qu'on pourrait avoir à faire. Car en réalité, on ne sait jamais exactement à quoi s'attendre. C'est comme en ambulance, on nous dit c'est un patient qui a perdu connaissance, mais en réalité on ne sais pas si c'est quelqu'un qui a eu un infarctus, s'il s'est simplement évanouit, ou s'il est déjà mort. C'est émouvant. Dans la montagne, en hélico, c'est très stressant aussi. Tout le monde doit regarder s'il n'y a pas d'obstacles, un arbre ou un câble par exemple,... Parfois l'hélico ne trouve pas d'endroit pour atterrir, et il se met alors en stand-by près du sol et on descend avec les sacs à dos et le brancard pour soigner le patient."Le ciel est devenu son quotidien. Même s'il aime son métier, il regrette qu'il ne soit pas assez valorisé et mal payé par rapport à ce qui se pratique dans d'autres pays. "Je fais 12 à 13 gardes par mois. Soit six ou sept en hélico et sept en avion. Avec l'hélicoptère, c'est 24h/24 à partir de 9h du matin et on a un petit appartement à disposition avec air conditionné près de l'aéroport. On y passe la journée en attendant les urgences. Et pour l'avion, c'est 12h : de 9h du matin à 21h. Parfois, quand on fait un transport vers l'Espagne, on doit y rester car les avions sont petits, vieux et lents.""Ensuite, il y a aussi quelque fois des gardes de chez soi, pour remplacer un médecin absent. Soit six jours de plus. Mais je suis aussi médecin ambulancier en plus, car je trouve qu'on s'enrouille à travailler en hélicoptère en seconde ligne. Il s'agit surtout de contrôle durant le voyage et le travail d'urgence me manque dans ces cas-là." "En ambulance, on arrive, on retrouve le patient dans son hôtel ou sur la plage et il faut tout faire pour le sauver. L'intuber ou lui faire un massage cardiaque par exemple. En réalité, une fois cette adrénaline ressentie, c'est difficile de s'en défaire. C'est un peu addictif et très émouvant."Carole Stavart