Aux abris, le voilà ! On est averti de son arrivée dès son entrée dans la salle d'attente au mouvement perpétuel qui s'y installe aussitôt. Les patients qui le précèdent se révèlent anormalement crispés, irascibles, hypertendus. Ne cherchez pas : IL est arrivé. C'est la Bérézina sur la table des magazines, un poisson mort de panique, une chaise dépaillée, un tapis souillé par les emballages de Bounty ou les cosses de peanuts. La mère en sourit, puis s'énerve, puis rit à nouveau. Je les introduis dans le cabinet en balisant l'itinéraire comme on le ferait pour un groupe de hooligans un soir de match.
L'ausculter nécessite une immobilisation de quelques minutes, illusoire.
Il refuse d'ouvrir la bouche mais tire la langue sans se faire prier, dix fois même.
La mère rit et trouve qu'il est vraiment trop drôle. Il pète maintenant, et rit à son tour, cela met de l'ambiance.
Le passeport égaré retrouvé
Quelle est la dépense en watts d'un enfant hyperkinétique le temps d'une consultation ? Je l'aurais volontiers attaché à sa chaise, si j'avais pu. Mal m'en aurait pris : relâché, en moins de deux minutes, il retrouve sous le bureau mon passeport égaré, recherché partout depuis une semaine sans autre succès ni solution que d'en demander un duplicata à la commune. Deux minutes, une semaine, le différentiel entre l'énergie d'un enfant hyperkinétique et celle d'un médecin grand-père qu'on dit sage, mais plus lent. Je le remercie pour le service appréciable qu'il me rend, il demande une pièce de monnaie. Agité peut-être, mais pas innocent, il percera dans l'existence.