Des résultats sans appel: 40% des personnes interrogées par Solidaris pour son enquête (1.314 francophones de 18+ ans, hors étudiants, pensionnés et personnes au foyer) déclarent que leur emploi a eu 'fréquemment' ou 'très fréquemment' un impact négatif sur leur santé, contre 35% pour qui cet impact a été 'rare' ou 'inexistant'. Au total, 83% considèrent que le travail peut être source de problèmes de santé.
Le travail est important dans la vie pour 90% des Belges francophones, et 70% des personnes en incapacité ou au chômage se disent frustrées de ne pas travailler. Mais elles souhaitent, dans la reprise d'une activité, exercer un autre travail, aspirant à des conditions de travail qui ne les rendent pas malades.
Des emplois qui usent, selon les travailleurs et les médecins du travail
45% des répondants rencontrent souvent ou toujours des contraintes physiques importantes (positions fatigantes ou douloureuses), tandis que 35% évoquent une exposition fréquente à des risques psychologiques dans l'exercice de leur métier. Un constat partagé par les médecins du travail:
-84% observent une hausse des troubles somatiques ou psychosomatiques, notamment les troubles anxio-dépressifs, les burn out et les troubles musculosquelettiques liés aux conditions de travail. Les médecins évoquent aussi des facteurs externes (société de plus en plus anxiogène et hausse des problèmes socio-économiques) ;
-92% notent une hausse de la fatigue intense due au stress ou aux tensions professionnelles;
-64% pensent que la santé des travailleurs belges ne sera pas meilleure dans dix ans ;
-79% estiment que leur rôle en matière de prévention n'est pas reconnu à sa juste valeur.
A peine 11% des médecins du travail estiment que la loi bien-être est vraiment respectée dans les entreprises à l'heure actuelle.
L'enquête montre également que le rôle des médecins du travail et des services externes de prévention et protection au travail n'est pas bien compris du public. Le système, complexe, fait confondre les rôles des différents médecins conseil/contrôle/du travail. La majorité des travailleurs voient l'examen de médecine du travail comme une visite de "contrôle" et 47% placent le médecin du travail clairement du côté de l'employeur.
Réformer l'organisation du travail
Afin de protéger leur santé physique et mentale, près de huit sondés sur dix demandent une réforme profonde dans la façon d'organiser le travail, et un renforcement de la prévention primaire: plus d'une personne interrogée sur deux considère que la manière dont les entreprises organisent le travail est le facteur qui influence le plus la santé. Par ailleurs, 17% seulement estiment que les décideurs politiques contribuent à garantir la santé au travail.
Il faut anticiper les soucis de santé professionnels mais, pour 55% des sondés, aucune mesure de prévention collective n'existe dans leur entreprise ou organisation, et 67% pensent que la médecine du travail n'intervient qu'une fois les problèmes déjà installés.
Solidaris: "Agir de manière proactive" plutôt qu'avec une "logique punitive"
Pour la mutualité socialiste, il faut changer de cap à travers un plan global. Il faut "abandonner les politiques publiques qui fragilisent encore davantage les travailleurs", comme l'exclusion du chômage ou la remise en cause des pensions anticipées.
Vouloir responsabiliser les malades sans prendre le problème à la source ne sert à rien: ce sont les mauvaises conditions de travail qui font augmenter les dépenses des indemnités. " - Jean-Pascal Labille.
L'enquête met en lumière un défi majeur pour réduire l'absentéisme de longue durée: l'amélioration des possibilités de réorientation de carrière et de l'accompagnement du retour au travail. Mais les spécialistes en prévention et les médecins du travail ne pourront s'y consacrer que si l'on trouve des solutions structurelles et légales pour leur libérer le temps nécessaire. Parmi les solutions, une approche multidisciplinaire à l'instar de celle de Fedris pour prévenir l'épuisement.
Solidaris souligne par ailleurs le problème de pénurie de médecins du travail, "un problème urgent" qui pourrait partiellement se régler par la délégation de tâches, et l'importance de réformer et revaloriser l'image du métier de médecin du travail.