La manière dont Donald Trump a dirigé sa campagne a conduit le monde scientifique à deviner les contours de sa future politique, sans trop savoir à quoi réellement s'attendre. Les médecins sont de ceux-là. Malgré une réunion fin 2016 avec quelques leaders du secteur des soins de santé, les contours de la future politique de soins de santé américaine restent flous.

Le milliardaire américain n'a pas rassuré les sceptiques pendant les deux mois qui ont séparé son élection de son investiture. Citons par exemple le choix de Tom Price, un opposant à l'Affordable Care Act - plus connu sous nos latitudes sous le nom d'Obamacare - mais aussi à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, en tant que ministre de la Santé et des Services sociaux.

Ce climat pousse le monde médical à se politiser, ou, à tout le moins, à être plus politiquement actif que par le passé. "[Les médecins] sont de plus en plus activistes", a déclaré Thomas D'Aunno, directeur du programme de politiques et de gestion de la santé de l'École supérieure de la fonction publique Robert F. Wagner de l'Université de New York au Huffingston Post. "Les médecins ne veulent pas seulement connaître le système, mais ils veulent avoir plus d'un siège à la table dans la direction des changements."

Tom Price, des "pour" et des "contre"

La nomination de cet ancien chirurgien orthopédiste suscite des réactions diverses de la part du corps médical.

Certaines associations majeures se félicitent de ce choix, comme l'American Medical Association - la plus grande association médicale du pays avec quelques 250.000 membres sur les 916.200 médecins recensés aux États-Unis -, l'Association of American Medical Colleges et l'American Academy of Family Physicians.

Parmi les étudiants en médecine par contre, cela ne passe pas. L'American Medical Student Association s'est officiellement opposée à la nomination de Price, tout comme le Students for a National Health Program.

Vanessa Van Doren, étudiante en médecine de troisième année à la Case Western Reserve University et membre du conseil d'administration du Students for a National Health Program, a déclaré, il y a tout juste un mois, au magazine Inside Higher Ed qu'elle s'attendait à ce que la communauté médicale se réunisse pour s'opposer à la nomination.

"Qu'ils ne disent rien ou approuvent le choix est terrible", explique-t-elle, marquant une fracture entre le monde médical et le milieu estudiantin. "Si les organisations médicales prétendent se soucier de l'accès aux soins et protéger les populations vulnérables, elles doivent s'en tenir à cela et s'opposer aux personnes qui seraient un désastre pour ces causes."

À noter que la position prise par l'American Medical Association a fait débat. Manik Chhabra, médecin et chercheur clinique à l'Université de Pennsylvanie, a écrit une lettre publique avec ses collègues Penn Navin Vij et Jane M. Zhu expliquant que l'association "ne parle pas pour nous." Depuis, plus de 5.800 médecins et professionnels de la santé ont co-signé la lettre.

Cette minorité de médecins a grandi pour atteindre 8.000 médecins et étudiants en médecine en soutien au Clinician Action Network (CAN), une organisation formée à la suite de l'élection de Trump afin de plaider publiquement pour les patients vulnérables. Ensemble, ils ont rappelé leur "promesse fondamentale" de protéger leurs patients pour s'opposer à la nomination de Tom Price, il y a une semaine.

Ces 8.000 opposants représentent un petit pourcentage des plus de 916.200 médecins du pays, mais ils illustrent une communauté médicale qui est de plus en plus engagée sur le plan politique - et de plus en plus polarisée.

"Vous n'étiez pas notre candidat mais vous serez notre président"

Cette missive n'est pas un acte isolé. Aaron Stupple, Andrew Goldstein et Stephen Martin ont également écrit une lettre ouverte partageant leurs inquiétudes, lettre qui a été co-signée par plus de 600 médecins. "Vous n'étiez pas notre candidat mais vous serez notre président, et, plus important, le président de nos patients. Et donc nous insistons : d'abord, ne faites pas de mal."

Les trois médecins recommandent ensuite à Donald Trump d'améliorer la première ligne de soins, d'investir dans la santé publique, de fournir une assurance santé à moindre coût sans éliminer l'Obamacare à moins de fournir d'alternative viable pour ceux dont c'est le seul support, de réduire le prix des médicaments et, enfin, de viser des soins de qualité.

"Je suis un médecin démocrate, et je vote pour Donald Trump"

Ce sont les mots du Dr Anish Koka dans les pages du Modern Medecine. Preuve que le milliardaire américain ne provoque pas la méfiance de tous ses concitoyens. Pour l'homme, si les changements à venir seront abrupts et difficilement prévisibles avec certitude, il y a quelques indices qui le portent à croire que l'avenir des soins de santé américains sera radieux pour les patients et le corps médical.

L'Obamacare sera pour le Dr Koka, d'office remplacé par un modèle avantageux pour les médecins. "Il y a des signes encourageants qui montrent que le modèle de remplacement inclura plus que probablement des comptes d'épargne santé qui permettront de directement payer les médecins de première ligne via un système d'abonnement. Ce modèle met les médecins aux commandes et plus les organismes assureurs. Cela sonne comme une douce musique aux oreilles des médecins de première ligne qui ont besoin d'une bouée de sauvetage."

Dans le même ordre d'idée, le Center for Medicare & Medicaid Innovation ne survivra probablement pas sous sa forme actuelle. Une aubaine pour les médecins qui craignait des sanctions pécuniaires quant au remboursement.

"L'élection de Trump a complètement changé la teneur de la discussion dans les soins de santé. Nos précédents grands pontes de la politique de soins de santé qui ont longuement travaillé à transférer le pouvoir des médecins indépendants vers de larges réseaux de cliniques intégrées qui emploient des médecins sont en train de se poser des questions. L'idée que nous puissions entrer dans une ère qui donne plus de pouvoir aux médecins plutôt que les dévaluer devrait nous remplir d'optimisme."

Pourquoi l'arrivée de Trump pourrait tout de même nuire aux jeunes médecins

Les études universitaires coûtent chers aux États-Unis. La médecine ne fait pas exception, et coûte au carabin la bagatelle de 167.000 dollars en moyenne, selon l'International Business Times. Pour rembourser cette somme, les jeunes médecins peuvent poser leur candidature pour une bourse : the National Health Service Corps Scholarship, qui octroie un remboursement de 50.000 dollars des prêts chaque deux années de travail bénévole. Mais ce programme est remis en question par l'élection de Trump et la nomination de Tom Price.

Les associations montent au créneau

À peine élu, le milliardaire américain provoquait un sentiment de peur auprès d'associations telles que Physicians for Human Rights (PHR). "Je suis profondément inquiète sur ce que va représenter la présidence de Trump pour les Droits de l'Homme, la paix et la sécurité des autres dans le monde", explique Donna McKay, présidente de l'association. Il y a quelque jour, c'est le même son de cloche qui résonnait chez le psychiatre Jerry Sulkowicz, membre de l'association. "Le fait qu'il puisse virtuellement faire n'importe quoi ne devrait pas dire qu'il devrait faire ce qu'il veut", indique celui qui est inquiet du grand pouvoir confié au président américain. "Comment les présidents traitent ceux qui sont moins chanceux, ceux avec qui ils ne sont pas d'accord, et ceux qui ceux différents dans n'importe quel sens du terme, c'est à cela que l'on mesure un vrai leader. Le président élu, qui a dénigré les Mexicains, moqué les infirmes, vilipendé ses adversaires, et propagé la haine, a montré beaucoup d'insouciance et peu de leadership."

L'absence de sens moral, l'impulsivité mais surtout ce que le psychiatre appelle "la certitude pathologique" sont ce qui l'inquiète le plus chez le président. "La certitude pathologique est simplement la croyance que l'on a toujours raison. Je ne parle pas de confiance en soi ou d'un égo développé, qui sont tous deux importants pour avoir un leadership efficace. La certitude pathologique est une absence de doute, une non-admission de ses erreurs, le fait de ne pas s'excuser lorsque l'on heurte les sentiments d'autrui, et la réticence d'accepter les conseils de personnes qui ont un autre point de vue."

La manière dont Donald Trump a dirigé sa campagne a conduit le monde scientifique à deviner les contours de sa future politique, sans trop savoir à quoi réellement s'attendre. Les médecins sont de ceux-là. Malgré une réunion fin 2016 avec quelques leaders du secteur des soins de santé, les contours de la future politique de soins de santé américaine restent flous.Le milliardaire américain n'a pas rassuré les sceptiques pendant les deux mois qui ont séparé son élection de son investiture. Citons par exemple le choix de Tom Price, un opposant à l'Affordable Care Act - plus connu sous nos latitudes sous le nom d'Obamacare - mais aussi à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, en tant que ministre de la Santé et des Services sociaux.Ce climat pousse le monde médical à se politiser, ou, à tout le moins, à être plus politiquement actif que par le passé. "[Les médecins] sont de plus en plus activistes", a déclaré Thomas D'Aunno, directeur du programme de politiques et de gestion de la santé de l'École supérieure de la fonction publique Robert F. Wagner de l'Université de New York au Huffingston Post. "Les médecins ne veulent pas seulement connaître le système, mais ils veulent avoir plus d'un siège à la table dans la direction des changements."La nomination de cet ancien chirurgien orthopédiste suscite des réactions diverses de la part du corps médical. Certaines associations majeures se félicitent de ce choix, comme l'American Medical Association - la plus grande association médicale du pays avec quelques 250.000 membres sur les 916.200 médecins recensés aux États-Unis -, l'Association of American Medical Colleges et l'American Academy of Family Physicians.Parmi les étudiants en médecine par contre, cela ne passe pas. L'American Medical Student Association s'est officiellement opposée à la nomination de Price, tout comme le Students for a National Health Program.Vanessa Van Doren, étudiante en médecine de troisième année à la Case Western Reserve University et membre du conseil d'administration du Students for a National Health Program, a déclaré, il y a tout juste un mois, au magazine Inside Higher Ed qu'elle s'attendait à ce que la communauté médicale se réunisse pour s'opposer à la nomination."Qu'ils ne disent rien ou approuvent le choix est terrible", explique-t-elle, marquant une fracture entre le monde médical et le milieu estudiantin. "Si les organisations médicales prétendent se soucier de l'accès aux soins et protéger les populations vulnérables, elles doivent s'en tenir à cela et s'opposer aux personnes qui seraient un désastre pour ces causes."À noter que la position prise par l'American Medical Association a fait débat. Manik Chhabra, médecin et chercheur clinique à l'Université de Pennsylvanie, a écrit une lettre publique avec ses collègues Penn Navin Vij et Jane M. Zhu expliquant que l'association "ne parle pas pour nous." Depuis, plus de 5.800 médecins et professionnels de la santé ont co-signé la lettre.Cette minorité de médecins a grandi pour atteindre 8.000 médecins et étudiants en médecine en soutien au Clinician Action Network (CAN), une organisation formée à la suite de l'élection de Trump afin de plaider publiquement pour les patients vulnérables. Ensemble, ils ont rappelé leur "promesse fondamentale" de protéger leurs patients pour s'opposer à la nomination de Tom Price, il y a une semaine. Ces 8.000 opposants représentent un petit pourcentage des plus de 916.200 médecins du pays, mais ils illustrent une communauté médicale qui est de plus en plus engagée sur le plan politique - et de plus en plus polarisée.Cette missive n'est pas un acte isolé. Aaron Stupple, Andrew Goldstein et Stephen Martin ont également écrit une lettre ouverte partageant leurs inquiétudes, lettre qui a été co-signée par plus de 600 médecins. "Vous n'étiez pas notre candidat mais vous serez notre président, et, plus important, le président de nos patients. Et donc nous insistons : d'abord, ne faites pas de mal."Les trois médecins recommandent ensuite à Donald Trump d'améliorer la première ligne de soins, d'investir dans la santé publique, de fournir une assurance santé à moindre coût sans éliminer l'Obamacare à moins de fournir d'alternative viable pour ceux dont c'est le seul support, de réduire le prix des médicaments et, enfin, de viser des soins de qualité.Ce sont les mots du Dr Anish Koka dans les pages du Modern Medecine. Preuve que le milliardaire américain ne provoque pas la méfiance de tous ses concitoyens. Pour l'homme, si les changements à venir seront abrupts et difficilement prévisibles avec certitude, il y a quelques indices qui le portent à croire que l'avenir des soins de santé américains sera radieux pour les patients et le corps médical.L'Obamacare sera pour le Dr Koka, d'office remplacé par un modèle avantageux pour les médecins. "Il y a des signes encourageants qui montrent que le modèle de remplacement inclura plus que probablement des comptes d'épargne santé qui permettront de directement payer les médecins de première ligne via un système d'abonnement. Ce modèle met les médecins aux commandes et plus les organismes assureurs. Cela sonne comme une douce musique aux oreilles des médecins de première ligne qui ont besoin d'une bouée de sauvetage."Dans le même ordre d'idée, le Center for Medicare & Medicaid Innovation ne survivra probablement pas sous sa forme actuelle. Une aubaine pour les médecins qui craignait des sanctions pécuniaires quant au remboursement. "L'élection de Trump a complètement changé la teneur de la discussion dans les soins de santé. Nos précédents grands pontes de la politique de soins de santé qui ont longuement travaillé à transférer le pouvoir des médecins indépendants vers de larges réseaux de cliniques intégrées qui emploient des médecins sont en train de se poser des questions. L'idée que nous puissions entrer dans une ère qui donne plus de pouvoir aux médecins plutôt que les dévaluer devrait nous remplir d'optimisme." Les études universitaires coûtent chers aux États-Unis. La médecine ne fait pas exception, et coûte au carabin la bagatelle de 167.000 dollars en moyenne, selon l'International Business Times. Pour rembourser cette somme, les jeunes médecins peuvent poser leur candidature pour une bourse : the National Health Service Corps Scholarship, qui octroie un remboursement de 50.000 dollars des prêts chaque deux années de travail bénévole. Mais ce programme est remis en question par l'élection de Trump et la nomination de Tom Price.