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Pour cette étude en prépublication, des scientifiques de l'UGent ont collaboré avec l'Institut flamand de biotechnologie (VIB) et des chercheurs de l'Université du Texas à Austin et des National Institute of Health.Tout commence en 2016, lorsque dans le cadre d'un projet de recherche fondamentale, une femelle lama de neuf mois, prénommée Winter, qui vit avec quelque 130 lamas et alpagas dans un élevage à Anvers, s'est vu injecter des particules virales de deux célèbres coronavirus : le SARS-CoV-1 et le MERS-CoV. L'idée était de faire réagir l'organisme du lama en lui faisant produire des anticorps contre ces virus sans que l'animal ne soit infecté, sachant que les lamas produisent des anticorps spéciaux que les autres espèces ne fabriquent pas.Les chercheurs ont ensuite prélevé un échantillon de sang du camélidé et sont parvenus à isoler des anticorps dont l'un d'eux, appelé VHH-72, s'est avéré capable de neutraliser une version "pseudotypée" du SARS-CoV-1 qui présente des protéines de pointe provenant de cellules infectieuses en culture. Ces protéines de surface dites Spike (S) sont celles qui permettent au virus de se lier aux cellules hôtes humaines et de s'y répliquer.Lorsque le SRAS-CoV-2 est apparu et a déclenché la pandémie de COVID-19, l'équipe s'est demandé si l'anticorps qu'ils avaient découvert pour le SRAS-CoV-1 serait également efficace contre son cousin viral. L'intuition était bonne puisque les chercheurs ont découvert que l'anticorps se lie également à la protéine de pointe du SRAS-CoV-2, bien que faiblement. L'ingénierie qu'ils ont alors faite pour le rendre plus efficace implique de lier deux copies de VHH-72, dont ils ont ensuite montré qu'elles rendent inoffensif un virus "pseudotypé" portant des protéines de pointe provenant du SARS-CoV-2. Il s'agit du premier anticorps connu qui neutralise à la fois le SARS-CoV-1 et le SARS-CoV-2.La structure du VHH-72 étant beaucoup moins complexe que celle des anticorps produits par le corps humain, il peut être facilement isolé et reproduit à une échelle industrielle grâce aux techniques de biologie moléculaire. Ce petit anticorps est d'autant plus intéressant qu'il s'avère très stable dans le temps. Il pourrait donc être stocké facilement sous forme de médicament à injecter ou de spray à inhaler notamment pour soigner les infections respiratoires. Une thérapie sous forme d'inhalation paraît particulièrement prometteuse, puisque la muqueuse du nez serait justement la porte d'entrée du coronavirus qui attaque en premier lieu le récepteur ACE2, très présent dans les cavités nasales, avant de se multiplier dans les voies respiratoires. Des essais sur des hamsters vont débuter afin de voir si l'anticorps fonctionne sur un système complexe et s'il résiste à la réaction du système immunitaire. Des résultats sont attendus d'ici deux mois. S'ils sont concluants, des essais sur des primates non humains puis des humains présentant des symptômes modérés du COVID-19 pourraient commencer.L'objectif est de développer un traitement qui aiderait les gens peu de temps après l'infection par le virus en atténuant la gravité de la maladie. Cela serait particulièrement utile pour les groupes vulnérables tels que les personnes âgées, qui réagissent modestement aux vaccins. A titre préventif, les agents de santé et autres personnes à risque accru d'exposition au virus pourraient également bénéficier d'une protection immédiate.(référence : Cell, mai 2020, doi : 10.1016/j.cell.2020.04.031