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Le Pr Vanhaecht entame d'emblée: "Il y a quelques années encore, lorsqu'il était question de qualité des soins, l'accent était mis particulièrement sur la sécurité des patients. Qui plus est, les incidents liés à la sécurité des patients n'étaient généralement discutés qu'au sein de l'équipe médicale. Aujourd'hui, on constate qu'ils sont de plus en plus souvent discutés ouvertement avec les patients et leurs proches.""De nos jours, nous considérons en outre la qualité des soins selon une approche multidimensionnelle. Alors que la 'divulgation ouverte' est encore souvent associée à ce que l'on appelle les 'erreurs médicales', nous devons en fait y penser pour chaque question de qualité. Je préfère parler de 'soins sous-optimaux' plutôt que d'erreurs médicales. Le mot 'erreur' a une connotation juridique - il implique que le prestataire de soins est coupable de quelque chose. La divulgation ouverte offre certes la possibilité de gérer le 'sentiment de culpabilité' qui s'empare facilement des prestataires de soins, mais la question de la culpabilité n'est pas centrale.""En ce qui concerne la qualité des soins, outre la sécurité des patients et les dimensions 'dures' telles que l'efficacité et l'efficience, on a commencé à accorder plus d'attention aux dimensions 'douces'. Les quatre valeurs fondamentales pour des soins de qualité sont le respect mutuel, une approche holistique, le partenariat, ainsi que l'empathie et la gentillesse. Ces dimensions 'plus douces' constituent l'essentiel de bons soins médicaux. Et elles ne sont pas si 'douces' que cela: les études démontrent qu'il existe un lien entre, par exemple, la gentillesse et l'empathie dans les contacts avec les patients et les résultats des soins.""La recommandation dans la littérature, actuellement, est la suivante: en cas de soins sous-optimaux, il faut en parler avec le patient. Plus les conséquences sont objectives, plus il est clair qu'il faut en parler ouvertement. Une 'erreur de latéralité' lors d'une intervention est quelque chose que l'on ne peut pas nier. Mais que dire d'une hémorragie survenue au cours d'une intervention chirurgicale? Que communiquez-vous en cas d'infection nosocomiale? Quid si le patient reçoit le mauvais médicament? Il est également erroné de penser qu'il s'agit uniquement de chirurgie ou du médecin. Citons le cas d'un patient qui tombe pendant sa séance de kiné. Ou celui d'une infirmière qui administre un mauvais médicament.""Aujourd'hui, nous supposons que c'est précisément en parlant au patient de soins sous-optimaux que la confiance dans la relation de soins sera moins entamée. En effet, la plupart des plaintes déposées devant les tribunaux concernent une rupture de cette confiance. Les patients se plaignent de ne pas avoir été entendus, de ne pas s'être sentis compris."La divulgation ouverte permettra généralement non seulement de maintenir, voire d'améliorer la relation de confiance avec le patient et son entourage, mais aussi de 'faire son deuil' de l'incident ou des soins non optimaux pour le membre du personnel directement ou indirectement impliqué. Cela permettra également à ce dernier de mieux évaluer précisément où le processus a dérapé. "La divulgation ouverte est étroitement liée à l'histoire de la 'seconde victime'. Les prestataires de soins subissent les conséquences négatives de leur implication dans des soins non optimaux. Le fait qu'ils n'aient pas pu fournir les meilleurs soins qu'ils avaient envisagés n'est souvent pas de leur faute, mais de celle de facteurs organisationnels. Les prestataires de soins sont également victimes de l'incident. Mais ils se sentent souvent coupables du rôle qu'ils ont joué dans la prestation de soins non optimaux. Exprimer ses regrets, s'excuser, est tout à fait autorisé dans le cadre d'une divulgation ouverte.""Le fait que l'équipe s'entretienne avec le patient et son entourage a souvent une valeur curative pour le soignant également. Récemment, une chercheuse espagnole, la Dre Carla Martos, a montré l'importance de la divulgation ouverte pour permettre au prestataire de soins d'accepter un incident et de pouvoir se le pardonner [1].""Je connais beaucoup de médecins qui se sont justement améliorés professionnellement en tirant les leçons d'un incident. Ils savent d'autant mieux à quoi ils doivent faire attention lors d'une procédure, ce qu'ils doivent revérifier, ou encore demander en plus au patient et à son entourage, ou à un collègue.""Un exemple que l'on trouve souvent dans la littérature est celui d'un diagnostic tardif. Rétrospectivement, on comprend ce que l'on a raté. Mais là encore, il faut s'en tenir aux faits. Si, d'après les informations contenues dans le dossier, vous avez suivi la voie la plus logique compte tenu des informations disponibles à l'époque, tenez-vous en à cette affirmation et expliquez le raisonnement factuel que vous avez fait à ce moment-là. Le médecin n'est après tout qu'un être humain, il ne peut pas en savoir plus que ce qui figure dans le dossier ou que ce que les informations dont il disposait à l'époque lui ont appris.""La divulgation ouverte n'est pas une conversation isolée, mais un processus dans lequel on entame un dialogue ouvert avec les différentes parties prenantes - le patient, son entourage, mais aussi le personnel - sur les gestes qui se sont déroulés de manière 'sous-optimale'.""En collaboration avec des partenaires tels que la Vlaamse Patiëntenplatform, l'Ordre et Assuralia, le LIGB a formulé une douzaine de règles de base, des éléments à prendre en compte lors d'une conversation de type divulgation ouverte. L'une de ces règles est la suivante: n'entamez jamais une conversation seul. Ensuite, préparez-vous bien mentalement à la conversation. En tout cas, faites en sorte qu'au moins quelqu'un d'autre soit là comme back-up. En effet, il faut s'attendre à ce qu'une telle conversation vous affecte profondément. Une deuxième personne constitue également une paire d'oreilles supplémentaire: quelqu'un qui sait après coup exactement ce qui a été dit au cours de la conversation.""Une deuxième règle de base est celle que nous avons mentionnée dans l'exemple précédent: tenez-vous en à une description factuelle. Racontez aussi objectivement que possible ce qui s'est passé. En particulier lors du premier entretien, il se peut que le déroulement exact des événements n'ait pas encore été entièrement clarifié. Ne soyez pas tenté de faire des déclarations hypothétiques ou de commencer à spéculer. Par exemple: vous avez peut-être pris trop d'anticoagulants. Ou: mon collègue aurait pu...""Les règles de base veulent également que la première conversation en mode divulgation ouverte ait lieu très rapidement, et que le médecin impliqué dans l'incident soit présent. Il est parfois difficile de combiner les deux, si en tant que médecin impliqué vous être encore trop affecté par l'incident. Si nécessaire, vous pouvez demander à un membre de l'équipe avec lequel vous travaillez étroitement d'avoir la première conversation avec le patient. Ce collègue pourra expliquer pourquoi vous n'êtes pas encore là, mais que vous parlerez vous-même au patient dès que possible.""Lors de la première conversation, expliquez que la procédure ne s'est pas déroulée comme prévu. Par exemple, que le saignement était imprévisible. Soyez clair et faites preuve d'empathie. Insistez sur le fait que l'équipe prend le cas au sérieux - elle en est également affectée - et qu'elle cherche à savoir exactement ce qui a dérapé: 'Nous comprenons que cela soulève des questions chez vous. Nous souhaitons également revenir avec nos informations lorsque votre famille sera présente. Nous suivons cette affaire de près.'""Expliquez les mesures que vous prenez pendant la phase aiguë pour continuer à surveiller le patient de près et pour remédier aux éventuelles conséquences ou les atténuer. 'Dès que nous en saurons plus, nous reviendrons vers vous. Si vous avez des questions entre-temps, vous pouvez toujours vous adresser à moi ou à l'infirmier'. Le patient sera également désireux de savoir ce que l'hôpital ou l'équipe fait pour réduire le risque que le même incident se produise pour d'autres personnes.""Nous incluons également la divulgation ouverte dans la formation. La littérature internationale nous apprend que les incidents de sécurité, même avec un bon niveau moyen de soins, ne sont pas si rares. Dans un grand hôpital, quelques centaines de patients sont impliqués dans un incident relativement grave chaque année. Mais même un hôpital plus petit doit régulièrement faire face à des incidents, surtout si l'on inclut les moins graves. Les futurs médecins doivent donc savoir que la divulgation ouverte ne sera pas un événement unique dans leur carrière et apprendre à la gérer de manière constructive.""La divulgation ouverte n'en est qu'à ses balbutiements. Nous avons encore beaucoup à apprendre sur la manière de l'aborder. Le LIGB s'est réuni avec des associations de patients (Vlaams Patiëntenplatform) pour établir un cadre sur la manière dont les hôpitaux devraient aborder la question. Des partenaires tels que Zorgnet-Icuro, l'Ordre, Assuralia (l'association faîtière des assureurs), l'association flamande des médecins chefs - et aussi des avocats - ont participé à l'élaboration de ce cadre.""Le cadre rassemble les différents points de vue dans une vision commune. Les hôpitaux flamands peuvent maintenant commencer à s'en servir. La direction, le conseil médical, les médecins chefs, la cellule qualité,... doivent transposer ce cadre dans leur propre organisation. Il décrit les règles de base, mais au sein de l'hôpital, les services doivent aussi les convertir en accords concrets. Nous organisons des ateliers pour les y aider. La Belgique francophone étudie également la possibilité d'adopter le cadre pour les hôpitaux de sa communauté."