Alors qu'un remboursement à l'assistance au sevrage tabagique était jusque-là réservé aux femmes enceintes et à leurs partenaires, il est à présent également possible lorsqu'une telle assistance est prise en charge par un tabacologue reconnu.

Seul peut être reconnu tabacologue, le professionnel de la santé2 ou le psychologue qui a suivi et réussi une formation en tabacologie agréée par le roi.

Cette extension est louable. Elle résulte de la volonté de mettre sur pied une mesure permettant de lutter efficacement contre le tabagisme ; le législateur ayant constaté qu'une hausse substantielle des moyens de prévention du tabagisme et d'accompagnement des fumeurs, combinée à des mesures fortes contre le tabagisme, avait permis à certains pays, dont la Belgique, de faire reculer davantage le tabagisme 3.

Elle préjudicie cependant les professionnels qui ont une expérience utile en matière de tabacologie, ont réussi les épreuves finales d'une formation spécifique, mais qui ne sont ni professionnels de la santé ni psychologues pouvant être reconnus.

En effet, ceux-ci ne pourront pas faire profiter leur clientèle d'une intervention de la mutualité.

Arguments

Partant de constats, une tabacologue non reconnue par la loi a introduit un recours faisant valoir qu'elle n'a notamment plus aucune possibilité d'exercer ses fonctions en milieu hospitalier dès lors que ces institutions souhaitent que leurs patients puissent bénéficier d'un remboursement de la mutualité et préfèrent dès lors recourir aux services de tabacologues reconnus.

Selon elle, la différence de traitement instaurée par la loi entre les tabacologues selon qu'ils sont ou non reconnus n'apparait pas justifiée, quand bien même l'objectif serait de garantir la qualité de l'assistance au sevrage tabagique.

En effet, d'autres tabacologues que les licenciés en psychologie et les professionnels de la santé qui ont réussi les épreuves finales d'une formation spécifique et justifient d'une expérience utile comme tabacologue sont à même de garantir la qualité de cette assistance.

Elle juge la législation extensive discriminatoire ce qui conduit la Cour d'appel à soumettre ce point de vue à la Cour constitutionnelle4.

Devant cette juridiction, le conseil des ministres soutient que la disposition querellée n'a nullement pour objet de priver quiconque de la liberté d'exercer la profession de tabacologue.

Il rajoute que le traitement de la dépendance au tabac comprend des aspects médicaux et psychologiques de sorte qu'il n'est pas manifestement déraisonnable de limiter le remboursement des prestations qui y sont liées aux spécialistes de l'art médical ou de la psychologie.

Enfin, il rappelle que la loi dont question n'a retiré aucun droit aux tabacologues non reconnus, qu'elle ne les a simplement pas inclus dans la liste de ceux qui, nouvellement, entraient en ligne de compte pour pouvoir offrir des soins remboursés de sevrage tabagique.

Absence de discrimination

Saisie de cette problématique, la Cour constitutionnelle commence par souligner que la disposition en cause crée effectivement une différence de traitement désavantageant les tabacologues qui ne sont ni professionnels de la santé ni psychologues et qui ne peuvent donc être reconnus.

S'il est exact qu'ils peuvent continuer à pratiquer leur activité, force est de constater que l'absence de remboursement de la mutualité est de nature à dissuader les patients de faire appel à leur aide en matière de sevrage tabagique et constitue dès lors un frein à l'exercice de leur profession.

Ce constat n'est cependant pas suffisant pour conclure au caractère discriminatoire de la disposition entreprise.

En effet, afin de limiter et de conserver la possibilité de maîtriser les dépenses de l'assurance maladie-invalidités, il relève en principe du seul pouvoir du législateur de décider quelles sont les prestations de santé remboursables à condition, bien sûr, que celles-ci soient dispensées par des personnes compétentes et qualifiées pour ce faire.

En l'espèce, la Cour relève qu' " il n'est pas sans justification raisonnable d'avoir limité le remboursement des prestations d'assistance au sevrage tabagique à celles qui sont accomplies par, outre les docteurs en médecine, les personnes qui possèdent une formation de base soit en tant que professionnels de la santé au sens de l'arrêté royal n°78 du 10 novembre 1967, soit en tant que psychologues et qui ont suivi avec succès une formation spécifique.

La problématique du sevrage tabagique a en effet des liens avec la santé ainsi que des aspects psychologiques, de sorte que le législateur a pu considérer que les professionnels de ces secteurs présentent les compétences les plus indiquées pour assurer une aide au sevrage de qualité.

La disposition querellée qui n'est pas dépourvue de justification raisonnable n'est donc pas discriminatoire.

Conclusion

Le dommage collatéral résultant de la législation dont question ne suffit pas à établir son caractère discriminatoire.

Le législateur pouvait, pour des raisons budgétaires notamment, limiter les prestations d'aide au sevrage tabagique remboursables aux professionnels de la santé et psychologues ayant suivi une formation spécifique.

La problématique du sevrage tabagique est avant tout une question qui relève de la sphère médicale et de la psychologie.

Notes

1. Article 37§20, alinéa 3, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, inséré par l'article 140 de la loi-programme du 22 décembre 2008.

2. Au sens de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé.

3. Doc. Parl., Chambre, 2008-2009, Doc. 52-1607/001, p.82.

4. Arrêt n°36 / 2016 du 3 mars 2016 de la Cour constitutionnelle (n° du rôle : 6169).

Alors qu'un remboursement à l'assistance au sevrage tabagique était jusque-là réservé aux femmes enceintes et à leurs partenaires, il est à présent également possible lorsqu'une telle assistance est prise en charge par un tabacologue reconnu.Seul peut être reconnu tabacologue, le professionnel de la santé2 ou le psychologue qui a suivi et réussi une formation en tabacologie agréée par le roi. Cette extension est louable. Elle résulte de la volonté de mettre sur pied une mesure permettant de lutter efficacement contre le tabagisme ; le législateur ayant constaté qu'une hausse substantielle des moyens de prévention du tabagisme et d'accompagnement des fumeurs, combinée à des mesures fortes contre le tabagisme, avait permis à certains pays, dont la Belgique, de faire reculer davantage le tabagisme 3.Elle préjudicie cependant les professionnels qui ont une expérience utile en matière de tabacologie, ont réussi les épreuves finales d'une formation spécifique, mais qui ne sont ni professionnels de la santé ni psychologues pouvant être reconnus.En effet, ceux-ci ne pourront pas faire profiter leur clientèle d'une intervention de la mutualité.Partant de constats, une tabacologue non reconnue par la loi a introduit un recours faisant valoir qu'elle n'a notamment plus aucune possibilité d'exercer ses fonctions en milieu hospitalier dès lors que ces institutions souhaitent que leurs patients puissent bénéficier d'un remboursement de la mutualité et préfèrent dès lors recourir aux services de tabacologues reconnus.Selon elle, la différence de traitement instaurée par la loi entre les tabacologues selon qu'ils sont ou non reconnus n'apparait pas justifiée, quand bien même l'objectif serait de garantir la qualité de l'assistance au sevrage tabagique.En effet, d'autres tabacologues que les licenciés en psychologie et les professionnels de la santé qui ont réussi les épreuves finales d'une formation spécifique et justifient d'une expérience utile comme tabacologue sont à même de garantir la qualité de cette assistance.Elle juge la législation extensive discriminatoire ce qui conduit la Cour d'appel à soumettre ce point de vue à la Cour constitutionnelle4.Devant cette juridiction, le conseil des ministres soutient que la disposition querellée n'a nullement pour objet de priver quiconque de la liberté d'exercer la profession de tabacologue. Il rajoute que le traitement de la dépendance au tabac comprend des aspects médicaux et psychologiques de sorte qu'il n'est pas manifestement déraisonnable de limiter le remboursement des prestations qui y sont liées aux spécialistes de l'art médical ou de la psychologie.Enfin, il rappelle que la loi dont question n'a retiré aucun droit aux tabacologues non reconnus, qu'elle ne les a simplement pas inclus dans la liste de ceux qui, nouvellement, entraient en ligne de compte pour pouvoir offrir des soins remboursés de sevrage tabagique.Saisie de cette problématique, la Cour constitutionnelle commence par souligner que la disposition en cause crée effectivement une différence de traitement désavantageant les tabacologues qui ne sont ni professionnels de la santé ni psychologues et qui ne peuvent donc être reconnus.S'il est exact qu'ils peuvent continuer à pratiquer leur activité, force est de constater que l'absence de remboursement de la mutualité est de nature à dissuader les patients de faire appel à leur aide en matière de sevrage tabagique et constitue dès lors un frein à l'exercice de leur profession.Ce constat n'est cependant pas suffisant pour conclure au caractère discriminatoire de la disposition entreprise.En effet, afin de limiter et de conserver la possibilité de maîtriser les dépenses de l'assurance maladie-invalidités, il relève en principe du seul pouvoir du législateur de décider quelles sont les prestations de santé remboursables à condition, bien sûr, que celles-ci soient dispensées par des personnes compétentes et qualifiées pour ce faire.En l'espèce, la Cour relève qu' " il n'est pas sans justification raisonnable d'avoir limité le remboursement des prestations d'assistance au sevrage tabagique à celles qui sont accomplies par, outre les docteurs en médecine, les personnes qui possèdent une formation de base soit en tant que professionnels de la santé au sens de l'arrêté royal n°78 du 10 novembre 1967, soit en tant que psychologues et qui ont suivi avec succès une formation spécifique. La problématique du sevrage tabagique a en effet des liens avec la santé ainsi que des aspects psychologiques, de sorte que le législateur a pu considérer que les professionnels de ces secteurs présentent les compétences les plus indiquées pour assurer une aide au sevrage de qualité. La disposition querellée qui n'est pas dépourvue de justification raisonnable n'est donc pas discriminatoire.Le dommage collatéral résultant de la législation dont question ne suffit pas à établir son caractère discriminatoire.Le législateur pouvait, pour des raisons budgétaires notamment, limiter les prestations d'aide au sevrage tabagique remboursables aux professionnels de la santé et psychologues ayant suivi une formation spécifique.La problématique du sevrage tabagique est avant tout une question qui relève de la sphère médicale et de la psychologie.Notes1. Article 37§20, alinéa 3, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, inséré par l'article 140 de la loi-programme du 22 décembre 2008.2. Au sens de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé.3. Doc. Parl., Chambre, 2008-2009, Doc. 52-1607/001, p.82.4. Arrêt n°36 / 2016 du 3 mars 2016 de la Cour constitutionnelle (n° du rôle : 6169).