Philippe Huberlant est médecin généraliste dans l'entité de Modave. Collectionneur d'objets liés à l'aviation, ce peintre amateur et guitariste à ses heures, est également un grand fan de Geluck et de voitures anciennes. L'art médical de proximité l'a emmené à accompagner nombre de ses patients vers l'autre rive.
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Il pleut ce 30 octobre dans un village du Condroz, situé sur les hauteurs de Huy. Au 27, rue du bois Rosine se trouve une élégante maison en pierres du pays. Passé le portail, le MG se précipite à notre rencontre: "Permettez-moi tout d'abord de vous présenter mon cabinet pour que vous compreniez bien ma philosophie de médecin de famille", explique notre hôte. Il est vrai que son espace de travail, installé dans une dépendance du bâtiment a tout d'un petit musée. Dans une pièce devant faire 12 m2 se trouve tout le matériel utile à son gagne-pain mais surtout, il donne le ton sur la passion du Dr Huberlant. Une lithographie de Philippe Geluck, un dessin d'Hugo Pratt, une figurine de Tintin, une hélice bipale d'un ancien monomoteur et quelques plaques de rallyes entourent un bureau en pin. Différents objets suscitent la discussion. Dans ce lieu de travail, situé dans une ancienne boulangerie, l'Art, qu'il soit médical ou autre, semble s'unifier. "L'art est le plus court chemin de l'homme à l'homme" soutient le généraliste qui a souhaité une ambiance "permettant de mettre émetteur et récepteur en confiance". Le lieu idéal où donner des soins se ressent aussi comme prendre soin. "Peu de temps après avoir fini mes études, j'ai été confronté au décès de ma maman", confie Philippe Huberlant. Une expérience douloureuse où le médecin-fils se rend compte de ses lacunes médicales en ce qui concerne l'accompagnement de la fin de vie: "cet envol vers l'autre rive". Convaincu de devoir "mettre l'homme au centre du processus", le médecin alors attitré d'une maison de repos, décide de réaliser un questionnaire qu'il fait remplir aux patients quant à leur option de fin de vie. "Un acte qui est le dernier de cet homme ou de cette femme sur terre et qui ne peut être confié à quelqu'un d'autre", souligne-t-il. Pour ce médecin de campagne, il faut sortir de la notion de toute puissance médicale pour "comprendre que la nature est partie prenante du processus". "Le médecin est un chef d'orchestre qui permet d'accompagner un patrimoine génétique prédéfini.Bien entendu, certains médicaments permettent d'éradiquer les crises d'asthme, par exemple, et l'intervention urgente suite à un AVC est irremplaçable. Des traitements ont fait disparaitre certaines pathologies, mais la surmédicalisation et l'utilisation parentérale (alimentation, hydratation) en fin de vie ressemble plus à de l'acharnement thérapeutique qu'à de la médecine", exprime-t-il. Des solutés intraveineux préparés qui: "ne relieraient pas le patient en fin de vie au monde des vivants mais bien au monde médical" et le docteur Huberlant d'exulter: "qu'on laisse partir les gens!". Fort d'une dizaine de formations internationales sur le sujet, le docteur Huberlant, assis dans un large canapé que surplombe des photos d'avion, ose l'affirmer sans bémols: "cette façon d'entrevoir la fin de vie m'a permis d'accompagner des mourants sereins jusqu'au bout de leur voyage". "Je n'ai jamais été confronté à une demande d'euthanasie", confirme celui qui pense que cela se demande "lorsque les patients sont mal accompagnés". Pour lui, il faut utiliser les effets directs et indirects (potentiellement accélérateurs) que peut avoir un traitement anti-douleur sur la fin de vie. Et Philippe Huberlant de spécifier que les effets secondaires de l'urémie ou l'insuffisance hépatique peuvent par exemple rendre le patient "zen" et que cet état peut aider à partir "apaisé". Un accompagnement qui ne pourrait être possible qu'en impliquant l'ensemble du personnel, de la dame d'entretien au médecin traitant, qui "tous sont susceptibles de communiquer une information utile". Il est enfin important pour lui que la réflexion thérapeutique sur la fin de vie soit collégiale: "un acte qui consiste à tenir la main et non pas à souffrir à la place". "J'avoue ne plus me sentir en adéquation avec la vision sociétale et administrative de la médecine. Pour moi il devient temps de raccrocher", estime celui qui "après avoir tant donné considère qu'il est venu le moment de penser à soi". Rompre avec une histoire médicale pour se consacrer pleinement à la nature, sa passion pour les oiseaux, l'écriture, la guitare, dont il jouait adolescent, ou encore la peinture, dont quelques exemples décorent les murs de sa maison. Sans doute aura-t-il le temps de se pencher sur Saint-Exupéry qu'il admire énormément ou de relire la trentaine de "tranches de vie" qu'il a publié jadis dans le Généraliste. Lorsque l'on décroche, c'est à ce moment-là que les passions vrombissent. Au loin résonne le moteur d'une six cylindres, sur une route de campagne, au coucher du jour.