...

Dans le monde, alors que près de 10% des personnes de plus de 60 ans souffrent d'une forme de démence, la prévalence de la démence et des troubles associés tels que la maladie d'Alzheimer est en augmentation et une forte morbidité est associée à ces dysfonctionnements. Si on veut pouvoir traiter précocement la maladie, le diagnostic le plus prématuré possible s'avère essentiel. D'où l'importance pour la communauté biomédicale de mettre au point des tests diagnostiques plus fiables, moins invasifs et moins coûteux que les tests actuels. Des scientifiques de l'Université de Tokyo tentent d'y parvenir à l'aide d'une intelligence artificielle (IA). Ils ont eu l'idée d'appliquer la reconnaissance d'image pour détecter, dans les traits du visage, des signes indiquant un stade léger de démence. Il est vrai qu'à partir du moment où elle est installée, la maladie provoque des changements de faciès: regard vide, vieillissement prématuré, teint de la peau... Les chercheurs japonais ont réalisé une étude au cours de laquelle ils ont évalué la capacité d'une IA à faire la distinction entre les visages des personnes ayant une déficience cognitive et ceux des personnes sans démence. Pour ce faire, ils ont recruté 121 patients atteints de troubles cognitifs et 117 participants cognitivement sains Sur cinq modèles testés, l'un d'entre eux a montré une capacité prédictive particulièrement précise. Chose surprenante: alors que la démence est un trouble dont la probabilité augmente avec l'âge, l'algorithme est parvenu à des résultats prédictifs considérablement meilleurs en analysant le visage, plutôt qu'en étant informé de la variable âge. Sans aucun autre élément que le visage du patient, il a réussi à prédire avec une précision de 93% le score du test de Folstein, le test référence d'évaluation des fonctions cognitives et de la capacité mnésique. Comparativement aux dépistages classiques, cette méthode de diagnostic présente plusieurs avantages: elle s'avère plus rapide que l'évaluation psychologique, elle est peu invasive contrairement à l'examen du liquide céphalo-rachidien, et elle est moins chère que la tomographie par émission de positons amyloïdes. Les résultats de cette étude donnent donc du crédit à l'hypothèse selon laquelle des informations cruciales seraient contenues dans notre expression faciale pour détecter la démence. S'ils venaient à se confirmer, ce serait une réelle avancée dans la recherche de la maladie. Mais surtout cela permettrait de la détecter de manière très précoce et d'engager rapidement des thérapies cognitives, visant à en ralentir les symptômes. Toutefois, il serait intéressant, pour obtenir encore plus de précisions, de conduire des études avec des algorithmes de type arbre de forêt décisionnel, afin d'identifier si la variable visage est bel et bien une variable d'intérêt dans la prédiction de l'algorithme. En attendant, les auteurs se félicitent d'avoir jeté les bases du développement d'un outil de reconnaissance faciale comme biomarqueur de la démence et d'ainsi offrir un bel espoir à tous les malades et leurs proches. Alors que la technologie de reconnaissance faciale ne cesse de s'améliorer, soulignons encore que les recherches futures sur les outils cliniques basés sur cette reconnaissance devront faire attention à la protection des données et au respect de la vie privée.