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Apparue à l'entame des années soixante en même temps que le pop ou le photoréalisme et en réaction à l'abstraction, la sculpture hyperréaliste est un mouvement enclenché par George Segal, dont les héritiers suivront le même "moule": à savoir la représentation très réaliste du corps au moyen de matériaux comme la résine, le silicone, le bronze ou le marbre...D'abord monochrome chez Segal, un joueur de flippeur assez grossier, une dame en bleu sur un banc, voire chez d'autres, une femme brune chez Brian Booth Craigh (en bronze), une statue équestre rouge chez Xavier Veilhan, cet art de la représentation et de la reproduction sera encore amplifié chez John Deandrea qui dépeint dans un drapé sidérant de vérité une femme nue ou sa fille Ariel, ou dans les trois visions de la femme dans sa nudité et les jambes écartées chez ce provocateur de Paul McCarthy (vision 3D et triple de l'origine du monde). Duane Hanson qui est l'autre artiste avec Andrea à se mettre dans les pas de Segal, sculpte lui des gens ordinaires et habillés : par exemple le concierge et l'ouvrier travaillant dans le musée de Berlin qui lui avait passé commande et dont il a repris les vrais cheveux!Le Français Fabien Mérelle lui imagine une femme-tronc dont effectivement le bas du corps est découpé en rondelles d'arbre : pour une fois, un discours soustend l'oeuvre.Car pour spectaculaires qu'elles soient, ces performances d'artistes ne disent pas grand-chose: en effet, on en retourne à l'époque classique ou renaissante (il y a même un gisant de marbre signé Thom Puckey), et même si Hanson choisit les gens ordinaires, quel est le discours derrière? On cherche....Dans les années 80, certains artistes qui pratiquent l'hyperréalisme en sculpture choisissent de représenter des parties du corps, comme Carole A Feuerman qui s'en tient aux bustes ou Peter Land qui évoque le sort des SDF dans Back to square one, clochard dont seuls pieds et tête dépassent d'un demi-cercle de carton. Enfin un peu d'humour dans un art qui en manque souvent (les bras tendus de Maurizio Cattelan intitulé Ave Maria sont de la provocation, mais est-ce de l'humour? )Comme si la réalité n'était qu'émotions et tristesse: et c'est vrai que la partie centrale de l'exposition montrant les variations d'échelle de Ron Mueck, nouveau-né énorme, vieillard minuscule sous sa couverture, donne à voir un panel de situations, un couple enlacé de Marc Sijan, une grandmère tenant un bébé de Sam Jinks, émeuvent ou mettent mal l'aise.On a l'impression d'une version tridimensionnelle des peintures de Lucian Freud parfois, et le manque de variété entre artistes semble indiquer les limites du genre.Heureusement l'évolution de la science et du numérique, permettent à des plasticiens de s'aventurer dans des transformations corporelles, qu'il s'agisse du bébé éléphant de Patricia Piccinini ou d'Evan Penny qui lui déforme la vision du corps ou du visage. Parenthèse: la présence de Berlinde De Bruyckere semble complètement déplacée ; ses oeuvres, corporelles (Élie, notamment) certes, mais atrophiées renvoient à bien autre chose que le corps lui-même.Cette partie intitulée Réalité difforme permet enfin un peu d'humour par exemple chez Mel Ramos qui présente avec Chiquita Banana, une banane ouverte d'où sort une blonde platine. Une pop légère bienvenue ; même chose dans la dernière partie qui montre les dernières évolutions: Anna Uddenberg y présente la sculpture d'une baby doll dans une position acrobatique pour prendre un selfie de son derrière ou Santissimi avec In Vivo propose quant à lui une version contemporaine d' Hibernatus.Les derniers développements technologiques permettent à Glazer/Kunz d'imaginer une installation digne de Tony Oursler, dans laquelle un personnage dans une chaise roulante possède un visage animé et parlant.Expo aérienne dans sa présentation qui met en valeur le bâtiment de la Boverie, Hyperrealism Sculpture se révèle une exposition instructive, balisé de vidéos explicatives sur le travail des artistes, qui met en exergue un mouvement original, spectaculaire, mais dont les limites semblent très vites atteintes, comme la diversité de l'approche des différents plasticiens ; l'impression qu'il en reste d'ailleurs est celle d'une rétrospective d'un seul et même artiste.