Le mois de janvier fut fort chahuté, mais au moins les investisseurs ont-ils maintenant une vue sur la hausse des taux d'intérêt en 2022. Quant à la baisse attendue de l'inflation, certains préviennent: pas d'illusions, l'énergie restera probablement (très) chère!
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On ne saurait prétendre que la situation épidémiologique s'apaise spectaculairement. En Belgique comme ailleurs en Europe, les contaminations s'envolent et les admissions à l'hôpital suivent malheureusement dans une large mesure. Seuls points positifs, mais essentiels: les unités de soins intensifs continuent de se dépeupler et le nombre de décès ne frémit guère. C'est bien pire aux États-Unis, où le variant Delta continue de faire des ravages. Le pays annonce régulièrement plus de 2.000 ou même 3.000 décès sur une journée, comme aux jours les plus sombres de janvier et février 2021. Le 26 janvier dernier, le sinistre compteur pointa à 3.895. Proportionnellement à la population, ceci équivaudrait à 136 morts en Belgique. Pourtant, depuis plusieurs semaines déjà, et plus encore ces derniers jours, nombre de commentateurs financiers affirment que les marchés sont entrés dans l'après- Covid! Mauvaise lecture de l'actualité? Non: il est exact que la Bourse anticipe depuis le début de l'année le "retour à la normale". Il y a par contre un petit malentendu sur cette expression. Certes, elle concerne en partie le plan sanitaire, avec un variant Omicron très contagieux mais moins dangereux, qui laisse entrevoir le bout du tunnel. Hypothèse confirmée par le fort allègement des mesures dans nombre de pays. Ce retour à la normale s'entend toutefois aussi et surtout sur le plan financier, en tout cas aux États-Unis pour l'instant. Mais on sait que l'Europe suit presque toujours un peu plus tard. Avec une économie en fort redressement après la crise de 2020, et alors que l'inflation affichait 7% à la fin 2021, il n'est plus question pour la banque centrale de pousser les taux d'intérêt artificiellement vers le bas. Rappelons que cette pression s'opère sur deux plans. D'abord, très classiquement, avec un taux de base (à court terme) proche de zéro. Ensuite, une nouveauté depuis la crise de 2008, en achetant massivement des obligations. Résultat: les cours montent et, par ricochet, le rendement baisse. C'est ainsi que la Federal Reserve américaine et plusieurs autres banques centrales, comme la BCE, font baisser les taux d'intérêt à long terme. Ces achats d'obligations par la Fed ont diminué dès le mois de novembre, comme prévu. Par contre, il n'était pas question d'augmentation à bref délai du taux de base... jusqu'au 5 janvier, quand la Fed publia le compte-rendu de sa réunion de décembre. Il apparut alors que cela pourrait se produire dès le mois de mars et que d'autres coups de pouce suivraient dans l'année. Mauvaise surprise pour Wall Street, qui perd 2%. Et alors que les Bourses continuent de s'inquiéter et connaissent un sérieux repli le lundi 21, nouvelle mauvaise surprise le 26: Jerome Powell, le président de la Fed, qui confirme au passage la hausse de mars, n'exclut pas un relèvement des taux à chaque réunion de la banque centrale. Or, il y en aura sept cette année! De plus, il signale que la Fed va arrêter ses achats d'obligations sans traîner. Wall Street n'apprécie pas trop, au point que les excellents résultats de Microsoft n'arrivent pas enrayer le repli. Est-ce toutefois si grave? D'abord, on sait à présent à quoi s'en tenir, ce qui est une bonne chose. Ensuite, même en hausse non négligeable, les taux d'intérêt américains resteraient négatifs! Ceci constitue globalement un fort soutien pour les actions, mais pénalise quelque peu les valeurs de croissance, ne l'oublions pas. Investment strategist chez Fortis, Xavier Timmermans signalait le lendemain sur la chaîne Canal Z ce que révèle l'étude des hausses de taux d'intérêt intervenues aux États-Unis depuis 1946. Quand la hausse est brutale, la Bourse se replie de 2,7% sur les 12 mois qui suivent. Quand elle est plus lente, les actions se bonifient au contraire de 11%. Rassurant... Ce qui est moins rassurant, du moins pour le consommateur, c'est l'évolution attendue du prix de l'énergie. Plusieurs économistes mettent en garde: l'inflation va baisser, soit, mais sans doute pas autant que généralement attendu. Pour diverses raisons, dont les prix de l'énergie. On retiendra à cet égard l'étude publiée la semaine dernière par Saxo Bank, la banque danoise qui s'est fait connaître dans plusieurs pays, dont la Belgique, en s'adressant aux investisseurs particuliers très actifs en Bourse. Son économiste en chef, Steen Jakobsen, n'y va pas de main morte: "Nous avons créé un monstre dans lequel la priorité politique - le passage au vert - alimente la crise énergétique". Le message est d'emblée fort clair: c'est la transition énergétique qui va soutenir les prix, un point de vue largement partagé du reste, certains soulignant que l'essor des énergies renouvelables n'est possible (rentable) qu'avec des prix soutenus. Plusieurs économistes avancent le mot greenflation pour qualifier cette évolution. Le problème est double, juge Steen Jakobsen. On a trop peu investi dans les énergies classiques, tellement décriées, alors que "les énergies alternatives seules ne suffisent pas pour assurer les besoins futurs au niveau de vie actuel". Rappelons au passage que le renouvelable a bu la tasse l'an dernier, après l'envolée de 2020. L'action du fabricant d'éoliennes Vestas a perdu pas loin de la moitié de sa valeur. Alors que celle du géant pétrolier Exxon Mobil gagnait 50%! L'économiste de Saxo Bank évoque une bouée de salut: la fission ou fusion nucléaire. Bonne nouvelle pour la planète: le fameux Massachusetts Institute of Technology a annoncé à la fin janvier avoir réalisé d'énormes progrès dans l'étude de la fusion nucléaire. Au point d'envisager des applications commerciales plutôt dans les années 2030 qu'en 2050. Un mot quand même pour revenir dans la réalité présente. Le pétrole a franchi la barre des 90 dollars le baril la semaine dernière, oui, mais il planait à 140 dollars en 2008!