La démence atteint souvent un stade où le patient n'est plus en état de gérer ses biens et ses intérêts. La tutelle, la mesure la plus courante, ne constitue pas la seule option. L'avocat Erik Langerock, spécialisé dans le droit médical, l'a rappelé lors du Belgian Dementia Day Symposium, à la fin de l'année passée.
...
Dans notre conception actuelle du respect de la personne, il est tout à fait normal qu'il existe un cadre légal dans lequel une personne atteinte d'un début de démence décide elle-même de ses biens et ses intérêts, dans la perspective d'une aggravation de la maladie, au point qu'il ou elle ne soit plus en état d'exprimer sa volonté. Il s'agit d'une procédure extrajudiciaire (ce qui veut dire qu'aucune instance judiciaire n'est impliquée) appelée mandat de protection extrajudiciaire. Celui-ci permet à la personne qui mandate (le mandant) d'attribuer certaines compétences à une ou plusieurs personnes (les mandataires), qui acceptent ces responsabilités. Il prend la forme d'un accord. La portée du mandat peut être limitée ou au contraire très large. Les mandataires peuvent ainsi se voir attribuer la mission de gérer les comptes, mais aussi, à un moment précis, de vendre des biens immobiliers. Les compétences peuvent être scellées dans un document informel. Maître Erik Langerock conseille toutefois de faire appel à un notaire. Il est en effet important que le document soit aussi détaillé que possible, afin d'éviter que le mandataire ne soit plus en mesure d'exercer certaines compétences et que celles-ci ne figurent en fait pas dans l'accord. Une formulation professionnelle du texte permet en outre une extrême précision. Une dernière chose: pour être juridiquement valable, le mandat doit être enregistré auprès d'une instance officielle, le Registre central des contrats de mandat. Il est confortable pour les intéressés que le notaire se charge lui-même de l'enregistrement. Un mandat peut être modifié ou complété par la suite, pour autant que la personne soit jugée apte à exprimer sa volonté et qu'aucun administrateur n'ait été désigné. La désignation d'un administrateur est une procédure judiciaire. Un mandat de protection extrajudiciaire dûment réalisé permet d'éviter cette procédure, mais parfois, celle-ci s'impose. Le désavantage du mandat, c'est qu'il ne permet aucun contrôle judiciaire sur son exécution. C'est pourquoi le mandant peut lui-même définir dans le mandat que certaines compétences incombent tout de même à un administrateur désigné. Il est également judicieux d'opter pour la procédure judiciaire quand les mandataires ne sont plus d'accord sur l'exécution de certaines tâches inhérentes au mandat de protection extrajudiciaire. Chaque partie peut introduire une demande de tutelle. Il peut s'agir des proches, mais aussi d'une maison de repos. "Il arrive souvent que la demande émane de la maison de repos, qui veut s'assurer d'être payée", ajoute Erik Langerock. La demande de protection judiciaire doit être introduite par écrit auprès du juge de paix du canton où la personne à protéger réside. La requête comprend, entre autres, la situation sociale et les avoirs de la personne à protéger, ainsi que son réseau social. De quoi permettre au juge de paix de désigner comme tutrice la personne la plus proche de la personne à protéger. Des formulaires types de demande de protection judiciaire se trouvent sur internet, entre autres sur www.tribunaux-rechtbanken.be. Le document s'accompagne d'une attestation d'incapacité à exprimer sa volonté, rédigée de la main d'un médecin qui connait la personne à protéger. Cette inaptitude constitue en effet une clause suspensive dans la demande de protection judiciaire. Quant à l'attestation médicale, un formulaire standard est disponible sur le site internet du SPF Justice. Le formulaire stipule que le médecin peut ajouter à son attestation toutes les annexes qu'il jugera nécessaires pour décrire les capacités et les limites du patient. La tutelle concerne en effet un nombre limité de compétences, fixées précisément par le juge de paix en fonction des besoins. En tout cas, le tuteur ne peut prendre certaines décisions au nom de la personne protégée (la souscription d'un prêt par exemple) qu'après concertation avec le juge de paix. La décision d'impliquer un tuteur est publiée au Moniteur belge. "En principe, chacun est supposé savoir ce qui parait au Moniteur", rappelle Maître Langerock. La réalité est tout autre, mais cela n'enlève pas qu'une transaction avec le patient dément peut être annulée par le tribunal s'il s'avère que cette transaction relève d'une compétence du tuteur. De quoi protéger la personne démente contre des décisions dont elle n'est pas en mesure de juger les conséquences.