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La littérature récente s'est beaucoup intéressée à la mortalité liée à la BPCO. Et c'est justifié, dans la mesure où cette affection reste la troisième cause de décès par maladie au niveau mondial. Le journal du Médecin: Outre par la prévention du tabagisme et la lutte contre la pollution, quels nouveaux éléments thérapeutiques pourraient contribuer à faire baisser cette mortalité? Pr Renaud Louis : Ce qui s'est précisé sur le plan thérapeutique, c'est l'intérêt de la corticothérapie inhalée, qui est actuellement reconnue utile à condition qu'il y ait un minimum d'exacerbations et d'éosinophilie. Toutes les données pointent en ce sens. En 2021, on ne peut pas prétendre prendre en charge correctement un patient BPCO si on ne tient pas compte de son taux d'éosinophiles. C'est le minimum. Il s'agit là d'un changement profond. Or, je pense que beaucoup de praticiens ne l'ont pas encore à l'esprit. Le journal du Médecin: Y a-t-il du neuf sur le plan de la corticothérapie chez un patient BPCO? R. L: Clairement, il faut administrer le moins possible de corticoïdes systémiques - en dehors des phases d'exacerbation évidemment, mais c'est alors pour une durée limitée. Lorsqu'on le fait, c'est souvent en posologie dégressive, mais cette pratique reste assez empirique: il n'existe pas beaucoup d'études à large échelle pour valider les différents schémas de prescription en la matière. Du reste, une étude réalisée chez des patients ambulatoires en exacerbation et à qui des corticoïdes systémiques étaient administrés montre que leur récupération était plus lente lorsque leur taux d'éosinophiles était inférieur à 2%. Autrement dit, cette administration se montrait désavantageuse pour ces patients. Comment le taux d'éosinophiles peut-il guider le traitement? R. L.: Je pense que les choses peuvent être relativement simples en termes de traitement pharmacologique de la BPCO: la double bronchodilatation, c'est pour tout le monde, et la question qui se pose vraiment est de savoir à quels patients prescrire la triple (donc, l'association avec un corticoïde inhalé). Aujourd'hui, les études suggèrent incontestablement que la triple association est utile lorsque le taux sanguin d'éosinophiles est au-dessus de 150/µL. Non seulement pour réduire la fréquence des exacerbations, mais aussi pour la mortalité. Il s'agit là d'une donnée nouvelle et importante, qui provient de l'étude Ethos, et plus particulièrement d'une sous-analyse publiée en mars dernier: l'administration d'un corticoïde inhalé est associée à une réduction de la mortalité même si le patient n'a subi aucune exacerbation sévère de sa maladie au cours de l'année précédente. Pour les auteurs, il faudrait peut-être y voir là un effet des ICS sur l'inflammation systémique et, en conséquence, sur le système cardiovasculaire. Il convient d'ailleurs de rappeler que les patients BPCO sont nombreux à décéder d'un problème cardiaque, plus que de leur insuffisance respiratoire. Pendant longtemps, on a pensé qu'il fallait qu'il y ait des exacerbations sévères et un taux d'éosinophiles élevé pour justifier la prescription d'un ICS. Actuellement, on en vient à penser que le seul taux d'éosinophiles élevé dans la BPCO, indépendamment des exacerbations sévères, justifie la triple association. Il est par ailleurs bien possible aussi que la prise de corticoïdes inhalés puisse réduire la vitesse de déclin de la fonction respiratoire chez les patients BPCO éosinophilique, comme cela a été démontré dans des analyses post hoc de grandes études cliniques." Les nouvelles recommandations GOLD sont-elles incontournables pour le praticien? R.L.: Je trouve personnellement que GOLD est trop compliquée, et qu'elle ne passe pas la rampe en pratique quotidienne. Il faut conserver des recommandations simples pour les praticiens, pour éviter de les voir s'y perdre. Le message peut être simplifié: il convient de prescrire un LABA + un LAMA comme, d'ailleurs, beaucoup de médecins l'ont fait pendant de nombreuses années - et à juste titre. Y ajouter un ICS ou pas serait principalement dépendant de la présence élevée ou non d'éosinophiles, qu'on détermine par l'analyse de l'hémogramme - ou même mieux dans les bronches mais la détermination à ce niveau n'est pas praticable à l'échelle de la population de patients BPCO. Bien sûr, le taux d'éosinophiles peut changer d'une semaine à l'autre, et je conseille donc personnellement de le vérifier à deux ou trois reprises au cours de périodes stables pour le patient avant d'opter ou pas pour la triple association. La décision doit également tenir compte des risques potentiels d'une corticothérapie inhalée, et il s'agit principalement du risque de pneumopathie infectieuse. Il convient donc d'être prudent chez les patients qui présentent des bronchectasies ou des antécédents significatifs de bronchite ou pneumonie infectieuse ou, encore, d'infections par des mycobactéries atypiques. Il arrive parfois que des patients aient à la fois des éosinophiles élevés et des risques accrus d'infection. Dans ces cas on donne avec prudence des corticoïdes inhalés lorsque le taux d'éosinophiles est au-dessus de 300/µL. Que penser de l'intérêt des mucolytiques en 2021? En fait, c'est assez difficile à dire, car nous manquons de grandes études. En tant que clinicien, j'observe que de nombreux patients en demandent, et qu'ils en semblent satisfaits. Il est clair que les mucolytiques fluidifient les expectorations, et les patients peuvent donc se sentir soulagés. On n'a pas montré de bénéfice clair en termes de fréquence des exacerbations avec l'acétylcystéine, mais bien une légère diminution de la CRF dans l'étude BRONCHUS (capacité résiduelle fonctionnelle), CRF qui est augmentée par un phénomène de trapping chez les patients BPCO. On peut donc imaginer facilement que cette amélioration donne aux patients l'impression de mieux respirer. En fait, ces dernières années, le focus a surtout été mis sur les exacerbations. Mais il n'y a pas qu'elles, qui comptent: il y a aussi, bien évidemment, la mortalité, mais également le ressenti du patient, qui n'a peut-être pas été apprécié avec les bons outils. Les choses s'améliorent progressivement, avec un raffinement des questionnaires portant sur la qualité de vie. Les petits débitmètres de pointe ont-ils une place dans la BPCO? R.L.: Ils ont plutôt leur place dans l'asthme. Mais sur le terrain, en première ligne, on constate un manque de réalisations de spirométrie, qui est pourtant fondamentale, simple à réaliser et pour laquelle une formation brève suffit amplement. Le débit de pointe est en quelque sorte un pis-aller par rapport à la spirométrie mais c'est toujours mieux que rien, et un mauvais chiffre peut constituer un signal d'alerte par exemple chez un fumeur de 40 ans (encore? ) sans BPCO. C'est une bonne idée, que de prendre cette mesure rapide au cours d'une consultation réclamée même pour un autre motif, tout comme on fait des mesures régulières de la glycémie ou des paramètres cardiovasculaires. On a mis le focus sur ces derniers au cours des 30 dernières années en médecine de première ligne, alors que le système respiratoire est lui aussi très important, que ce soit en termes de santé sensu stricto ou de qualité de vie. Je plaide pour une pratique plus généralisée de la spirométrie en médecine de première ligne. Au-delà de l'intérêt diagnostic et pronostic de la BPCO je rappelle d'ailleurs que la spirométrie fournit des éléments intéressants sur la vitalité d'un sujet. Un VEMS et une capacité vitale forcée (CVF) abaissés avec maintien d'un rapport VEMS/CVF mesurés par spirométrie dans une population générale est associé significativement à un surcroît de mortalité, et ceci indépendamment d'une maladie cardiovasculaire. Le pattern restrictif est donc aussi un facteur de mauvais pronostic ce qui a fait dire à certains que la capacité vitale était bel et bien vitale. Une mesure rapide du souffle devrait faire partie des investigations systématiques chez les patients arrivés à l'âge de 35 ou 40 ans.