Évaluation psychologique ou logopédique, addictions de toutes sortes, suivi du burn out, anxiété: les dernières assises de l'esanté sont revenues sur les révolutions permises par les nouvelles technologies en ligne. Le psychiatre ou le psychologue (clinicien) restent aux commandes, qu'on se rassure.
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Les visioconsultations permettent l'évaluation des patients à distance de manière aussi EBP (evidence-based practice) qu'une consultation en "live", assure Aurélie Wagener, psychologue clinicienne et première assistante (ULiège). L'enquête Discern a confirmé l'équivalence de la prise en charge à distance par des méta-analyses. En termes de santé mentale, il existe plus de 10.000 applications mobiles, un chiffre vertigineux qui ne compte pas les plateformes en ligne. La littérature renseigne des avantages substantiels de ces visioconsultations en matière de troubles du sommeil et d'abus de substances psychotropes. Les résultats sont comparables à distance et en présentiel pour l'anxiété, la dépression, les troubles alimentaires, les assuétudes, les TOC et les SSPT (stress post-traumatique). Les apps sont particulièrement utiles en matière de tests allergiques car elles permettent de "distraire" l'allergie, assure Aurélie Wagener. Celles qui offrent des relaxations virtuelles sont un outil efficace pour la prise en charge des troubles anxieux. Parmi les intérêts, notons: les coûts réduits (plateformes bon marché, voire gratuites), l'interactivité (notifications aux cliniciens des résultats aux exercices) et la possibilité d'utilisation dans l'anonymat. Le smartphone se prête particulièrement à cette technique de par son côté flexible et instantané. Quels sont les inconvénients? Outre l'absolue nécessité de respecter le RGPD (vie privée), des questions peuvent se poser quant à l'expertise des développeurs des apps (utilisent-ils vraiment un spécialiste, un thérapeute? ). Autre écueil, c'est "monotrouble": cela s'applique à un trouble à la fois. Or en matière de symptômes dépressifs, on travaille plusieurs troubles à la fois. Les applications ont été testées par les patients qui, majoritairement, les apprécient. "Les patients sont prêts à basculer vers ces visiothérapies. À tel point qu'après, ils ne veulent plus revenir en présentiel (notamment en raison des déplacements). L'interactivité est tout aussi grande, le concept a un côté ludique qui plaît aux patients."Les points de vigilance et d'intérêt sont les mêmes, qu'on parle des apps ou des plateformes. Les coûts sont réduits, inférieurs en tout cas à une consultation chez le psy. Pour ces derniers, le système de rémunération ne change pas fondamentalement. "''L'alliance thérapeutique'' est équivalente à la situation en présentiel. La relation mettra plus de temps à se développer mais ne sera pas moins bonne. Il faut juste rassurer les utilisateurs et ajuster le débit de paroles à la baisse, le plus souvent."Faut-il absolument combiner l'application avec la prise en charge d'un thérapeute? Selon Aurélie Wagener, ce n'est pas forcément plus efficace que sans thérapeute d'autant que les changements dans les applications sont extrêmement rapides. Le thérapeute ne peut pas toujours suivre. Il faut se fier à l'évaluation par les utilisateurs. On peut vérifier les taux de satisfaction en ligne... Fanny Weytens, docteure en psychologie, a créé l'application "Ciao Burnout". Le Dr Weytens a travaillé sur les patients épuisés en burn out et leurs proches, ainsi que les patients en réorientation professionnelle après évaluation d'un projet de vie. Selon elle, son application permet, en 30 minutes, d'évaluer le risque de burn out. Mme Weytens utilise la métaphore du réservoir d'énergie (voir schéma). "Le burn out est un déséquilibre entre les sorties et les entrées dans le réservoir. Quand le niveau est bas et que le réservoir se vide, on peut admettre que le réservoir est fissuré est qu'on est en situation de burn out."Pour connaître le risque de burn out, il faut essayer de le jauger avec l'énergie entrante et sortante du réservoir. S'il y a davantage de sortie que d'apport et si cela se pérennise le patient est à risque. "Il faut sentir que le réservoir se vide. Il faut intervenir pour freiner les sorties. Donc il faut une jauge interne. Il faut ''sentir'' la pile interne. Les personnes qui connaissent bien leur symptôme d'énergie interne sont avantagées. L'épuisement malheureusement nous déconnecte de notre jauge..."Ciao Burnout utilise un questionnaire qui permet de se situer par rapport au risque. Lors de la démonstration pendant la présentation, les résultats furent bien sûr hétérogènes. Peu de gens étaient complètement dans le rouge (épuisés) ou complètement en forme. La plupart se situaient dans la zone intermédiaire. "Parmi les symptômes de burn out, on distingue des émotions plus "labilles" par exemple des explosions de colère ou des nombreux problèmes de gestion de stress." Le patient a-t-il des crises de larme fréquentes? Lui arrive-t-il de faire fréquemment des erreurs, a-t-il des difficultés à planifier, à décider, à établir des priorités? Si c'est récurrent, il y a un signe d'épuisement et donc de burn out. L'application permet l'introspection de l'apparition de ces symptômes. Fanny Weytens parle de la "triade du burn out", faite de distanciation, de perte d'empathie et d'humeur déprimée. Si l'on revient au concept de réservoir, le tout est manifestement de placer le robinet au bon endroit. "Un ingénieur spécialisé dans la mécanique des fluides le placerait tout en bas. Mais le mieux est de le mettre à un endroit du réservoir qui permette de garder le niveau d'énergie. Personne ne le met vraiment tout en bas." Ensuite, la capacité à fermer le robinet relève du niveau d'assertivité de la personne. De sa capacité de dire 'non' à elle-même ou aux autres. "Il faut trier les sorties d'énergie. Éviter les aspirateurs d'énergie (soit: des circonstances ou des personnes qui sucent l'énergie). À l'autre bout, il faut remplir le réservoir, ce qui revient à prendre soin de vous en s'assurant d'un sommeil suffisant, de pauses suffisantes (de siestes, par exemple). Des exercices existent pour apprendre à augmenter l'énergie."Des obstacles peuvent se dresser sur notre route: des pressions exogènes (un patron qui exige toujours plus de vous) ou endogènes (les petites voix négatives dans notre tête). Enfin, le réservoir peut présenter des fissures. Celles-ci sont l'image de conditions psychologiques ou physiologiques qui font qu'un individu a des déperditions énergétiques. L'hyperthyroïdie et les troubles de l'attention, par exemple, consomment beaucoup d'énergie. 'Ciao Burnout' et ses vidéos-éducations en ligne proposent de sortir du burn out en minimum six semaines. Les patients qui préfèrent le papier reçoivent un colis de fiches en pdf qui leur permettent de faire les exercices sur papier. C'est une sorte de journal de bord. 'Ciao Burnout' s'entend en complément d'une thérapie individuelle avec un psychologue ou un médecin. Noël Schepers, psycho-clinicien indépendant, propose de travailler dans un métavers multisensoriel à l'aide d'un casque à 360°, de celui qu'utilisent les amateurs de jeux vidéos. Il est spécialiste de la thérapie psychologique en réalité virtuelle (soit: un ensemble de techniques qui permet d'explorer les sens de manière multisensorielle). La technique rencontre les exigences d'interactivité, 3D, réalité virtuelle, 360° et immersion. Le "patient" muni d'un casque 3D navigue librement dans un univers virtuel sensoriel (bâtiment, passerelle, parc public) particulièrement adéquat pour gérer les troubles anxieux mais aussi pour gérer ses envies de consommation. Pendant la balade on lui demande de regarder par exemple les papillons rouges parmi une nuée de papillons. Ou de traverser une passerelle dont on retire peu à peu les parapets pour le mettre en danger. L'application s'appelle C2CARE. Le design a été réalisé par une entreprise québécoise. Outre le poids du casque qui peut occasionner des désagréments aux petits enfants ou aux vieillards ou aux personnes sujettes au mal des transports, la technique n'est pas opérante pour les personnes souffrant d'épilepsie ophtalmique, de migraines, de troubles vestibulaires (vertiges) ou ceux qui risquent un malaise vagal La technique se prête par contre très bien aux stratégies d'apaisement, aux addictions, aux troubles alimentaires, à l'hypnose, TOC, TSPT et phobies diverses (des hauteurs, sociales, des animaux, du dentiste, des IRM...). Des matériels individualisés sont possibles. On peut faire se balader le patient dans son quartier via streetview. Le matériel (casque, tablette, pc, scénarios, services en ligne) coûte environ 3.000 euros, y compris les upgrades. Une mise en garde toutefois, en lieu de conclusion: "Il y a ce que la technologie permet et ce que la thérapeutique exige." Ces techniques ne sont donc pas la panacée et doivent être mises en pratique par des professionnels expérimentés. Angélique Belmont, psychologue clinicienne et coordinatrice de la plateforme d'aide en ligne www.aide-alcool.be, propose une application qui permet d'aider les alcooliques, dans la plus grande confidentialité, au sein d'horaires compatibles avec leur emploi du temps. La personne s'engage dans une parcours de soins à l'aide de modules qui répondent à une série de questions: comment gérer la consommation quotidienne d'alcool? Comment gérer l'envie de boire? Comment rester motivé? Comment identifier les problématiques? L'application propose un journal de consommation quotidienne d'alcool et une balance décisionnelle "boire ou s'abstenir". Est prévu un programme de rappel personnalisé. L'application est entièrement gratuite, financée par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle est disponible en horaires décalés (8 h - 20 h + samedi matin) et propose un accès à un forum privé et une auto-évaluation après six semaines, six mois ou un an. L'aide en ligne est également disponible pour les professionnels en tant que support pour aborder le problème avec leurs patients et orienter l'équipe de soins. L'offre bénéficie de dix ans d'expérience et entraîne une grande satisfaction chez les patients utilisateurs, dont 55% sont des femmes.