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Le déficit en alpha-1-antitrypsine (DAAT) est une maladie rare, caractérisée par l'apparition d'emphysème et parfois une atteinte hépatique, dégénérant en cirrhose. Le DAAT trouve son origine dans une structure déficiente de l'alpha-1-antitrypsine (AAT).L'AAT est produite dans le foie. En cas de DAAT, la protéine anormale transite moins facilement du foie vers le sang, ce qui entraîne une dégradation du premier et des valeurs sanguines d'AAT basses.L'AAT protège le tissu pulmonaire contre l'effet néfaste de l'élastase, une enzyme libérée par les neutrophiles en cas d'inflammation et qui dégrade les protéines. En cas de DAAT, les valeurs sériques en berne induisent à leur tour une insuffisance d'AAT dans le tissu pulmonaire, que l'élastase vient endommager, principalement en cas d'infections pulmonaires ou d'inhalation de vapeurs ou de fumées. Résultat : le patient fait de l'emphysème. Dans le cas du DAAT, ce trouble s'amplifie avec le tabagisme, mais peut également se déclarer chez des non-fumeurs.Le DAAT est une affection monogénétique. La maladie s'exprime chez les porteurs homozygotes, qui ont des valeurs anormalement basses d'AAT dans le sang. A l'inverse, les porteurs hétérozygotes ont des valeurs d'AAT juste au-dessus ou en-dessous de la normale. Actuellement, on ne sait toujours pas si ces personnes présentent un risque accru d'emphysème.Le DAAT appartient à la catégorie plus fréquente des maladies rares. Elle concerne une naissance sur 3.000 (environ 3.000 à 4.000 patients en Belgique). Une prévalence presque aussi fréquente en Belgique que celle de la mucoviscidose." Le diagnostic de DAAT n'est pas aisé, car nous avons tendance à attribuer l'emphysème au seul tabagisme, alors que chez les patients atteints de DAAT, l'emphysème n'apparaît qu'après relativement peu de paquets-années ", explique le Prof. Janssens. " Il est donc judicieux d'envisager le DAAT chez les jeunes fumeurs frappés d'emphysème, surtout quand le dommage pulmonaire prend un tour agressif. Chez les patients atteints de BPCO, on peut aussi mesurer les valeurs sanguines d'AAT au cours du premier test sanguin. " Dans tous les cas de figures, les directives recommandent la prise de sang dans les situations suivantes :emphysème chez de jeunes gens, chez les non-fumeurs, ou chez des personnes qui fument peuemphysème avec atteinte principale aux parties pulmonaires inférieuresantécédent familial d'affection pulmonaireaffection pulmonaire doublée d'une atteinte au foieaffection pulmonaire combinée à une panniculite (atteinte inflammatoire du tissu conjonctif sous-cutané), se traduisant par des nodules sous le derme sensibles à la pression.En présence de taux sériques diminués d'AAT, un diagnostic définitif de DAAT peut être posé si l'on détecte la mutation d'un gène. " Une fois le diagnostic posé, il faut encore envisager les tests génétiques sur la famille. Selon les directives, il faut tout particulièrement tester les parents au premier degré (frères, soeurs et enfants du patient zéro). Le DAAT reste pour l'instant incurable, mais sa détection précoce permet un meilleur suivi, un traitement et le redoublement des efforts pour arrêter complètement de fumer. "Un traitement de substitution par intraveineuse existe déjà. En extrapolant les données disponibles actuellement, celui-ci permettrait un gain de cinq à dix ans sur l'évolution sans traitement substitutif.Le médicament, certes onéreux, est remboursé dans de nombreux pays, mais pas en Belgique ! " Une situation dommageable pour le patient ", déplore le pneumologue de Louvain. " La question du remboursement est sans cesse reportée par l'Inami, car nos autorités estiment que le produit reste trop cher au regard du manque de preuves quant à l'efficacité de la thérapie de substitution, " déplore le Pr Janssens. " Il est vrai que nous ne disposons que d'études d'observation, mais aussi d'une grande étude clinique randomisée, qui montre, grâce au scan CT, que l'apparition d'emphysème peut être freinée par le traitement substitutif. Mais ce n'est toujours pas suffisant pour les autorités belges, qui exigent une évaluation sur base de preuves solides en termes de symptômes, de fonction pulmonaire ou de survie. Mais nous manquons d'études de plus grande ampleur et au suivi plus long, car ces paramètres sont un peu moins spécifiques. La mise en place de telles recherches pour une maladie rare est presque impossible. D'autres pays ont surmonté ces obstacles en utilisant des critères spécifiques aux maladies rares. "" L'absence de remboursement explique pourquoi le dépistage du DAAT en Belgique est si lent ", poursuit Wim Janssens. " Le traitement se résume actuellement à la poursuite ou la mise en place d'un traitement à base d'inhalations, comme ceux prescrits aux patients atteints de BPCO. " Il est pourtant essentiel d'envoyer les patients atteints de DAAT dans des centres spécialisés. Pas seulement pour le dépistage génétique, les conseils à la famille, l'abstinence en matière d'alcool et tabac, mais aussi pour le suivi de la fonction pulmonaire et hépatique et la mise en place rapide, le cas échéant, d'une transplantation. En outre, dans ces centres, les patients qui le souhaitent peuvent participer à des recherches en cours.