Printemps 2022, l'Inami instaurera un nouveau cadre pour le remboursement des consultations à distance effectuées par des médecins. Ce cadre remplacera les codes temporaires créés au début de la crise du Covid-19. Mais cette mesure, bien que transitoire, n'est pas au goût de tous. Le 19 janvier dernier, le GBO a adressé une lettre ouverte au ministre Vandenbroucke (lire jdM n°2700). Depuis peu, une pétition bilingue circule pour demander à l'Inami "de retirer ce projet inapproprié".
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L'inami propose de rembourser, à partir du prochain printemps, quatre consultations téléphoniques et quatre vidéoconsultations par an, par patient et par médecin. Seules seront remboursées les consultations chez un médecin avec lequel le patient a déjà une relation thérapeutique ou les consultations après renvoi par un autre médecin. Christophe Dupont, médecin généraliste à Ganshoren à l'initiative de la pétition, estime que ce projet "sabote le système mis en place il y a deux ans - leur plus intelligente réforme des dernières années - et nous pousse vers la visioconférence, laissant planer le doute sur les réels intérêts en jeu. Tout profit en tout cas en perspective pour des sociétés commerciales qui n'attendent que ça pour se ruer dans le créneau (Proximus et son app doktr, ou AXA avec Qare en France).""Nous savions tous que l'Inami n'avait pas l'intention de poursuivre les consultations à distance sur le mode qui avait été lancé en urgence il y a maintenant deux ans", détaille le médecin bruxellois . "Comme c'est souvent de coutume dans ce pays, l'annonce de ce changement a priori peu populaire a été faite à un moment où les esprits sont ailleurs, à savoir juste au début de la trêve des confiseurs. Je suis en effet tombé par hasard sur leur newsletter parue le 23 décembre au soir. Quand j'ai lu le nouveau projet, je suis tombé des nues. J'étais surpris de ce que l'Inami proposait. C'est quasiment la mise à mort de la consultation à distance. Je pense que nous devons nous opposer à ce projet avec toutes nos forces, car il est imbuvable à plus d'un titre."Pour le généraliste, ce changement de cadre arrive trop tôt. "Tant que l'OMS ne décrète pas la fin de la pandémie, il est prématuré de mettre fin au système actuel de téléconsultation. Il faut comprendre que l'épidémie n'est pas terminée. Omicron surcharge les cabinets de médecine générale. Nous sommes envahis d'appels téléphoniques, de demandes de patients. Je pense même qu'on n'est pas à l'abri de nouveaux variants dans le futur."Les principaux griefs sont le nombre trop faible de téléconsultations remboursées par an, la distinction entre téléconsultations téléphoniques et visioconférences et l'impraticabilité du ticket modérateur. "Au téléphone, je peux demander au patient de me verser un euro sur mon compte en banque, mais je ne le verrais que quelques jours après, si le patient a bien effectué le virement. Neuf fois sur dix, le médecin sera le dindon de la farce. En dehors des systèmes automatisés de plateformes informatiques qui permettent de gérer les téléconsultations à distance, je ne vois pas comment nous pourrions gérer cela."Christophe Dupont souhaite qu'aucune décision ne soit prise dans l'urgence. "Il faut discuter beaucoup plus calmement et ne pas faire des changements inopportuns dans l'urgence. Cela demande une grande réflexion sur l'avenir. Entre-temps, il ne faut pas supprimer le code 101135 (avis médicaux à distance pour la continuité des soins, ndlr) car la pandémie peut encore nous réserver de vilains tours.""Il faut réfléchir plus loin que la crise du Covid", ajoute l'intéressé . "Bien que les médecins aient été contraints et forcés de recourir à la téléconsultation, force est de constater aujourd'hui ses bienfaits. Il faut donc la pérenniser." Supprimer le système actuel serait donc extrêmement fâcheux juge le médecin. "Cela fait maintenant deux ans que nous vivons avec ce système, au même titre que les patients. Et cela fonctionne. Il serait regrettable de jeter cela à la poubelle et faire marche arrière. Le cadre transitoire proposé revient à retourner à ce qui se faisait avant la pandémie. C'est ne rien apprendre.""En outre, la mobilité des médecins et des patients commence à poser de plus en plus de problèmes (y compris les enjeux climatiques, problèmes de parking,...): les consultations à distance apportent là aussi une solution dont il serait dommage de se priver", conclut le Dr Dupont.