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Le remboursement annoncé par le ministre Vandenbroucke concerne des patients diabétiques de type 2 qui doivent mesurer leur glycémie au moins quatre fois par jour et qui ont besoin d'une injection d'insuline au moins trois fois par jour. "Jusqu'à présent, les capteurs de glucose en continu étaient remboursés pour les patients diabétiques de type 1 (DT1) suivis en convention du diabète. La Belgique était un des premiers pays à accorder ce remboursement. Ce n'était pas le cas pour les diabétiques de type 2 (DT2), de façon un peu logique, vu les budgets limités, il fallait faire des choix et, à l'époque, on pensait que les DT1 en bénéficieraient le plus", explique le Pr Laurent Crenier, directeur de la Clinique de diabétologie au HUB hôpital Erasme et président de l'Association du diabète. "Actuellement, les pays voisins comme la France prennent en charge ces capteurs pour les patients DT2 traités par schéma d'insulines basales-prandiales, qui sont plus sujets aux hyper- et hypo-glycémies. Améliorer l'équilibre glycémique est le but principal de ces capteurs."Cependant, le diabétologue entend préciser les choses: "En fait, le remboursement n'est pas accordé pour l'ensemble des patients du groupe B de la convention. Le budget est insuffisant (sept millions d'euros par an) et représente moins de 10% de ceux-ci. On peut le proposer à plus de patients parce que le ministre a en même temps imposé que les centres conventionnés fassent des économies sur les autres groupes de la convention, en particulier sur le forfait que l'hôpital retouche sur la distribution des tigettes pour faire la glycémie capillaire. On pourra donc traiter les patients à la fois grâce au budget alloué par l'Inami et grâce à un effort financier des centres de convention."Autre restriction: le budget n'a pas été calculé pour pouvoir donner ces capteurs à tous les patients concernés, mais seulement à 30%. "C'est-à-dire à ceux dont on estime qu'ils en tireront le plus de bénéfices. C'est aux médecins et aux centres de convention de décider, en fonction des caractéristiques des patients et en discutant avec eux."Pourquoi cette limite de 30%? "Quand on regarde la pénétration de cette technologie par exemple en France où ils ont accordé le remboursement pour tous les patients DT2 sous quatre injections, on constate que seulement 30 à 40% y adhèrent. Or, dans le DT1, quasi 80% voire plus suivent leur glycémie par capteur. Pourquoi cette différence? Il y a plusieurs hypothèses: la population des DT2 est plus âgée et moins axée sur les technologies, les patients plus âgés ont des glycémies moins variables, font moins d'hypoglycémies et en ressentent donc peut-être moins le besoin. L'Inami a calculé son budget sur ces données, en tenant compte du bon sens et de la bonne volonté des diabétologues et des centres de convention pour sélectionner leurs patients, sans imposer de critères, ni de limitation par centre."L'Inami s'attend donc à ce que 30% de cette population adoptent ces capteurs, soit 18.900 des 63.000 patients qui faisaient partie du groupe B de la convention en 2021. L'expérience dira si cette limite est suffisante. "On verra si les patients que nous suivons en convention dans le groupe B seront comparables aux DT1: ont-ils autant de morbidités ou plus de complications? On peut discuter des critères qui pourraient indiquer ceux qui en auraient le plus besoin. Par exemple, il y a un an, on a fait une petite étude dans notre service et on a observé que quasi 30% des patients DT2 ne ressentent pas bien leurs hypoglycémies. C'est un chiffre assez élevé et assez similaire à ce qu'on retrouve dans le diabète de type 1. Probablement parce que sous quatre injections, on retrouve des patients qui ont une sécrétion endogène d'insuline très diminuée et on sait que dans ce cas, le ressenti des hypoglycémies est moins bon. C'est un critère qu'on pourrait utiliser mais il y en a d'autres: des moyennes glycémiques très élevées, des Hb glyquées élevées, des facteurs psychologiques... Il est donc sage de la part de l'Inami de ne pas avoir imposé de critères", reconnaît le Pr Crenier en misant sur une autorégulation de la répartition des capteurs entre les centres. Cette économie demandée sur les tigettes correspond-elle à celle qui sera générée grâce aux capteurs? "Non", répond-il. "Dans les centres, nous sommes très mécontents. L'Inami estime que le forfait attribué pour l'instant pour les tigettes est trop important et que la réduction proposée correspond au juste prix. Nous ne sommes pas d'accord parce que ce forfait n'est pas là que pour payer le matériel, il sert aussi à payer le personnel éducateur en diabétologie (infirmières, diététiciennes, podologues, psychologues...), le forfait convention censé couvrir ce personnel n'est pas assez important. Quand l'Inami évoque une 'réduction du forfait tigettes', pour nous, c'est une réduction globale du forfait de la convention qui nous met en situation difficile pour pouvoir continuer à garantir l'équipe pluridisciplinaire de qualité qui suit nos patients. L'utilisation de ces capteurs exige un certain apprentissage, ce qui demande du temps, d'autant plus que ces patients sont souvent âgés. Or, on n'a pas eu de budget pour engager du personnel..."Actuellement, très peu de diabétiques DT2 utilisent ces capteurs parce qu'ils doivent payer une quote-part correspondant à 50% du prix, soit environ 60 euros par mois. "La Belgique était un des derniers pays d'Europe où ces patients, traités comme des DT1, n'avaient pas droit au même remboursement pour les capteurs, ce qui était une injustice. L'Association du diabète avait milité pour ce remboursement l'été dernier, mais on n'avait pas dit d'aller chercher l'argent ailleurs!", se désole Laurent Crenier.