D'après l'Aviq, la répartition des MG sinistrés par les inondations est la suivante, a souligné Frank Vandenbroucke, ministre de la Santé publique à la commission Santé publique de la Chambre: "La vallée de la Vesdre et de la Hoëgne, de Limbourg à Pepinster compte 24 médecins généralistes sinistrés. La vallée de la Vesdre, de Trooz à Liège, en compte 21. La vallée de l'Ourthe, de Aywaille à Tilff, en compte 11. Cela représente un total d'au moins 56 médecins généralistes sinistrés."
Solidarité envers les MG sinistrés
Le 15 juillet, alors que la phase fédérale de crise était toujours en vigueur, des textes avec des directives post-inondations ont été remis par la Santé publique au service du Centre de crise, a expliqué le ministre. "Du matériel de premier soin a été fourni pour faire fonctionner les postes de soins dans lesquels la médecine générale a effectué des permanences. Des containers ont été fournis à certains médecins généralistes pour qu'ils puissent effectuer des consultations de médecine générale sur demande de l'inspecteur d'hygiène fédéral. En outre, différents praticiens ont pu bénéficier de dons de médecins traitants. Ces donations ont été coordonnées par la FAGW. La Croix-Rouge de Belgique a apporté son support pour le transport du matériel. Des dons effectués à la cellule de solidarité provinciale, notamment du matériel de soins, ont été distribués aux postes de soins et aux Outbreak Support Team (OST) par l'autorité provinciale. En attendant la reprise des activités des cabinets de médecine générale, des permanences médicales ont été mises en place. Une fiche reprenant les pathologies les plus courantes après des inondations et un guide de prévention du stress post-traumatique ont été distribués. Des infirmiers et psychologues de première ligne ont également été mobilisés "avec pour but une réintégration dans le tissu existant.""
"Certains cabinets médicaux sont totalement dévastés"
Le Dr Michel Meuris (Association des médecins généralistes de l'Est francophone), basé à Spa, fait le point avec le jdM sur la situation.
Le journal du Médecin: 56 MG sinistrés en Wallonie (ndlr: lire ci-dessus), c'est le chiffre dont vous disposez?
Dr Michel Meuris: dans notre région (vallées de la Vesdre et de la Hoëgne), nous comptons 24 MG impactés.
Ces médecins se sont retrouvés totalement sans cabinet médical?
Quelques-uns à Theux ont vu leur cabinet dévasté. L'un d'eux a vu sa voiture partir avec les flots. Toujours à Theux, deux autres MG ont pu réintégrer leur cabinet deux semaines après. A Pepinster, une maison médicale de deux médecins a finalement travaillé dans un conteneur mis à disposition par la Croix-Rouge. Ils y sont toujours. A Dolhain, une femme-médecin travaille en conteneur. Idem pour un autre médecin d'Ensival qui travaille à l'étage mais la salle d'attente est dans le conteneur.
Pour le moment, tous peuvent exercer plus ou moins...
Effectivement. La continuité des soins est assurée. Les habitants sinistrés reçoivent leurs médicaments.
Les MG sinistrés recevront-ils une indemnité pour se réinstaller?
Je suppose qu'ils sont tous assurés dans le privé. Les assurances couvriront leurs frais en principe.
Aucun médecin n'a été blessé ou hospitalisé?
Aucun. L'explication est simple: ils ne travaillaient pas nécessairement sur leur lieu de consultation. C'est le cas à Pepinster, ville qui a été inondée en soirée. Ils étaient rentrés chez eux.
Avez-vous dû gérer des patients blessés, par exemple, par des objets charriés par les flots?
Disons que la vallée de la Vesdre n'a jamais compté autant de morts (environ 30). C'est énorme. Il y a eu des petites plaies (lésions irritatives essentiellement) prises en charge par nos centres médicaux avancés à Verviers, Ensival et Pepinster. Il y a eu quelques jeunes enfants en soins intensifs et en dialyse aiguë car ils souffraient de gastroentérite sévère. Ils n'étaient pas nécessairement sinistrés mais ont bu de l'eau impropre.
Pepinster ravagée
Rencontrez-vous des plaintes psychologiques?
Il y a pas mal de stress post-traumatique. Certains patients sont résilients, d'autres sont en état de détresse psychologique face au défi de remettre leur maison en ordre. Beaucoup d'enfants expriment leur désarroi verbalement. Nous avons organisé des entretiens psychologiques. Dans une première phase via les "maraudeurs". Puis ça a été des acteurs plus spécialisés, des psychologues vers qui on a renvoyé les patients.
Les médecins sinistrés vont-ils réintégrer exactement les mêmes endroits de consultation ou vont-ils déménager plus loin de la rivière?
Pepinster mis à part, la plupart veulent retourner dans leur cabinet médical d'origine. Les deux médecins de la maison médicale de Pepinster travaillent à Verviers. Pepinster est la ville la plus touchée. Énormément de maisons se sont effondrées. Les "Pépins" (ndlr: les habitants de la ville) se demandent si leur cité va s'en remettre un jour. Encore aujourd'hui, la ville offre une apparence de fin du monde.
Vous-mêmes êtes-vous encore angoissé lorsque vous entendez Monsieur Météo annoncer que "de fortes précipitations sont attendues"?
A Spa, j'ai été relativement épargné. Nous avons été les premiers à recevoir les pluies diluviennes qui ont dévalé dans les rues de Spa. Je n'ai jamais vu cela de ma vie! J'ai été bloqué trois heures dans mon cabinet et évacué par les pompiers. Mais nous n'avons pas connu l'angoisse de gens piégés à l'étage de leur maison et constatant la lente montée des eaux dans leur maison... Ceux-là en gardent des traumatismes.
Que dit-on dans la région des insuffisances des autorités qui auraient dû évacuer les habitants puisque, cette fois-ci, les météorologistes avaient clairement annoncé plusieurs jours à l'avance "autant de précipitations en trois jours qu'en deux mois" (ndlr: lire encadré) ?
On annonçait en effet des pluies très importantes. Mais elles se sont concentrées sur les vallées de la Vesdre et de la Hoëgne, moins Malmedy. D'après certains médecins de Dolhain, il y a eu deux vagues, dont une, fut énorme avec une force importante qui a percuté les bâtiments et les ponts. Celles-ci pourraient correspondre au vidage du barrage sur le lac d'Eupen dont la gestion préventive n'a pas été à la hauteur. D'autres spécialistes s'occupant du barrage d'Eupen expliquent que ce lac n'a pas tellement d'impact car c'est un simple lac de rétention. D'ailleurs, la Hoëgne ne contient aucun barrage et pourtant une vague a tout submergé pendant une heure. Il ne faut donc pas tout centrer sur le barrage. A Spa, où j'étais en contact avec la bourgmestre, il n'était pas question d'évacuation car ce n'était pas nécessaire. A Theux, c'est plus étonnant qu'on ait pas procédé à une évacuation préventive car on a dû y évacuer la totalité des pensionnaires d'une maison de repos. Des ponts y ont été déstabilisés voire arrachés. Je n'ai jamais connu ça et j'espère ne jamais revivre cette situation.
Une catastrophe annoncée et largement évitable
Le lundi 12 juillet à 00 h 00, "tous les modèles étaient d'accord. On savait qu'on allait être confronté à un épisode pluvieux extrême dans les Ardennes" et qu'il y aurait des inondations, a affirmé Xavier Fettweis, le directeur du laboratoire de climatologie de l'ULiège, lors de son audition, jeudi 16 septembre, devant la Commission d'enquête parlementaire sur les inondations de la mi-juillet. "Il est tombé en quelques jours deux fois ce qu'il tombe en moyenne sur tout le mois de juillet. Le lundi, tous les modèles prédisaient cet épisode pluvieux très important. Pourquoi aucune alerte rouge n'a-t-elle émise par l'IRM? Parce que ces dernières ne peuvent être lancées que 12 heures avant l'événement", a-t-il expliqué. Il faudra finalement attendre le 14 juillet à 09h00 pour qu'une alerte rouge soit décrétée...