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Les images à la Gare du Nord à Bruxelles que les médias nous ont présentées les derniers jours ne laissaient que peu de place à l'imagination. Peu importe la raison : il est clair que certains passent à travers les mailles du filet.Pourtant, la Belgique dépense environ 10% de son budget aux soins curatifs et préventifs. Ce chiffre est légèrement plus élevé que la moyenne européenne, mais nettement inférieur aux États-Unis (18% !). L'assurance-maladie est un système hybride où les autorités supportent une grande partie de coûts, via les différentes mutualités avec des cotisations sociales obligatoires et des impôts, mais où le patient paie encore de 20 à 25% du coût de sa poche !Au fur et à mesure que la population vieillit et que le prix des nouveaux traitements augmente, l'accessibilité financière aux soins est parfois mise sur la sellette. Ce sont surtout les examens et les traitements basés sur des technologies de pointe ainsi que les médicaments personnalisés et les agents biologiques qui font que le prix de nos soins s'envole.Le coût et 1 organisation complexe des soins de santé sont un problème de taille surtout pour les plus faibles. Tel est un des enseignements du symposium sur la santé et la migration qu'organisaient conjointement l'Institut de médecine tropicale et le Centre de migration et d'études interculturelles de l'Université d'Anvers récemment.Que des sans-papiers aient droit à des soins corrects ne fait aucun doute. Marie Dauvrin (Belgian Healthcare Knowledge Center, UCL) voit trois raisons pour lesquelles nous nous devons d'assurer des soins adéquats aux migrants. Outre des arguments évidents de nature humanitaire, nous devons en effet faire en sorte que des pathologies infectieuses comme la tuberculeuse, le VIH et l'hépatite ne mettent pas en péril la santé de notre population autochtone. Enfin, prendre en charge dans les temps et adéquatement des maladies revient en fin de compte moins cher que traiter de graves complications qui en découlent plus tard.Le fait que l'accessibilité de nos soins de santé pour les patients étrangers n'est pas une évidence a été illustré au symposium par l'histoire de deux migrants. En raison de la barrière de la langue et de la complexité de notre administration, ils ont dû attendre des mois pour obtenir un traitement correct.Les patients detavonses ne sont pas une population uniforme et sont aussi définis par de très nombreux termes. On parle souvent de (trans)migrants, de réfugiés politiques et économiques, de sans-abris, d'alloch-tones, de sans-papiers, de marginaux, ... En Belgique, leur nombre est estimé entre 100.000 etl 50.000. Leur point commun est qu'ils ne sont pas assurés et qu'ils tombent donc entre les mailles du filet. Si le CPAS les reconnaît comme réfugiés ou demandeurs d'aide, ils ont normalement droit à de l'aide médicale urgente. Mais ce principe revêt une interprétation assez large. Les soins prénataux n'y sont par exemple pas inclus." Les critères de reconnaissance par le CPAS montrent de grandes différences selon les villes. Ainsi, à Anvers, 50 % des demandes sont refusées, alors qu'à Gand, les refus ne représentent que 5% des demandes", affirme le Dr Ri De Ridder, ancien patron de l'Inami et actuel président de Médecins du Monde.Les migrants proviennent souvent de pays où l'on ne consulte un médecin qu'en cas d'extrême urgence. Souvent, les généralistes ne sont pas habitués à leurs patho-logies, sans compter que la barrière de la langue vient encore en plus faire obstacle à une bonne communication et à une relation de confiance. En raison des situations de guerres dramatiques qu'ils ont vécues, avec la perte de membres de leur famille et d'amis, et des maltraitances dont ils ont aussi parfois été victimes, ils ont besoin d'aide psychologique. Or, s'ils ne peuvent s'exprimer dans aucune langue occidentale, cela devient vraiment très compliqué. En utilisant Google Translate ou des dessins, on n'arrive pas loin... Quant aux interprètes, il faut les payer...Pour des étrangers qui arrivent dans notre pays après toute une série de péripéties, décoder la structure et l'organisation de nos soins de santé n'est pas simple. Ils se retrouvent face à de nombreux obstacles administratifs et communicationnels. Le fait que les migrants soient parfois systématiquement rejetés entraîne des craintes, de la honte, de la culpabilisation et de la dépression. Les gens arrivent donc inéluctablement dans un cercle vicieux, où leur santé mentale et physique se dégrade encore davantage.Les moyens de l'assurance maladie ne sont pas toujours utilisés de manière adéquate. Il est vrai toutefois que pour la majorité de la population, les soins de santé deviennent de plus en plus performants. Mais un nombre croissant de personnes plus faibles dans la société passe entre les mailles du filet pour des raisons financières, administratives et culturelles. Elles ne reçoivent pas les soins auxquels elles ont droit. Renverser cette tendance demande un changement de mentalité des prestataires de soins, mais aussi du courage politique des décideurs politiques et des instances concernées. Telle était l'une des grandes conclusions de ce symposium.