Né en 1994 et désormais fort de plus de 120.000 spectateurs qui se pressent derrière leur écran pour suivre des dizaines d'interventions chirurgicales retransmises en direct (à revoir ici) pendant une semaine, le Festival ImagéSanté est mûr pour rêver plus grand. À commencer par celui d'être diffusé dans tous les auditoires des facultés de médecine, par exemple, comme le propose le Pr Philippe Kolh, chirurgien cardiovasculaire, ex- président de la Société européenne de chirurgie vasculaire (ESVS) et par ailleurs président du festival: "Notre festival est unique", rappelle-t-il, "pour le futur, on espère donc le voir encore se développer et rayonner, notamment auprès des étudiants en médecine, pourquoi pas jusqu'en France et en Suisse".
ImagéSanté, festival bisannuel qui exige deux ans de préparation, c'est également la projection de 22 films et documentaires santé soigneusement sélectionnés parmi 350 candidats, dont huit ont fait l'objet de débats encadrés par des médecins et professeurs de l'Université de Liège et de son CHU. L'événement a attiré plus de 50.000 spectateurs en présentiel, cette année. En parallèle, des ateliers ont drainé plus de 3.000 étudiants du secondaire et même, depuis cette année, du primaire. Au coeur du message, "l'éducation à la santé, parce qu'on accepte mieux ce que l'on voit", précise le Pr Kolh. Exactement le credo de Michel Cymes, invité d'honneur (lire ci-dessous) - une première - du festival qui s'est clôturé il y a quelques jours.

Quand le marketing d'influence s'invite en santé
Et pour rayonner, quoi de mieux que le marketing d'influence? Comment? Des influenceurs au coeur d'un événement ultra sérieux, organisé par une alma mater? Oui, vous lisez bien, et ce n'est pas un poisson, même s'il est écrit "1er avril" au pied de cette page. Nous aussi, cela nous a interpellé de voir des influenceurs dégainer leurs smartphones dans un hôpital. Nous avons donc voulu en savoir davantage.
Premier bémol, ces influenceurs ne sont en rien des électrons libres qui cherchent à placer des produits entre deux séquences au bloc op': ils ont été recrutés par Influenz, une agence 'd'influence digitale' - eh oui, cela existe -, elle-même officiellement engagée par les organisateurs du festival pour renforcer sa visibilité, tout particulièrement auprès des jeunes. Le but est limpide: intégrer à l'événement des créateurs de contenu qui le partagent en direct avec leur "communauté" sur leurs réseaux sociaux - principalement Instagram, TikTok et YouTube, qui héberge la WebTV qui diffuse les interventions chirurgicales en direct.
Comment s'assurer que ces contenus digitaux sont scientifiquement solides, et ne vont pas desservir la crédibilité chèrement acquise de l'événement? "Notre travail, justement, est d'aller chercher des créateurs de contenu qui travaillent correctement, qui font eux-mêmes partie du personnel soignant et dont on sait qu'ils ont une certaine expertise et ne vont pas parler de spécialités qui ne sont pas les leurs, ce qui est le risque avec internet où on trouve n'importe quoi", rassure d'emblée Adrien Sollami, directeur de l'agence.
Des influenceurs tous professionnels de la santé
Après analyse des besoins spécifiques du festival, Influenz s'est mis en quête d'influenceurs pertinents, locaux mais aussi à l'international puisque les interventions chirurgicales peuvent être suivies en distanciel. Ils sont quasi tous issus du domaine de la santé et, surtout, sont dignes de confiance. "On s'est rendu compte qu'il y en a vraiment beaucoup en santé, c'est en train de se développer très fort, d'où le besoin de cadre juridique", poursuit M. Sollami. La France dispose, depuis le 9 juin 2023, d'une 'loi influenceurs' pour tenter de réglementer le secteur du marketing digital. Dans la foulée, chez nous, Les Engagés avaient déposé une proposition de loi dans le même sens.
Parmi ces influenceurs, Jérémy Guy, infirmier anesthésiste Samu à l'hôpital Necker de Paris (121 k followers sur Insta, @lesminutesdejerem), Matthias, infirmier au bloc opératoire (@Mat_Ide, 58,8 k sur Insta), Rani Chamas, kiné spécialisé dans le sport de haut niveau (@rc.kine, 59 k sur TikTok), @stephane_carapelle, jeune kiné qui fait sa thèse universitaire à Liège sur les rêves lucides (135 k sur TikTok) ou encore Océane Sorel, que vous connaissez peut-être déjà sur Instagram (@Thefrenchvirologist, 253 k), une médecin française aujourd'hui installée aux États-Unis, qui a passé dix ans à Liège pour ses études et a accepté le challenge ImagéSanté par amour pour la Cité ardente.
Le casting ne fut pas simple, vu que ces influenceurs travaillent eux-mêmes dans le secteur des soins et ont donc peu de temps. "Certains prennent part physiquement au festival, comme Jérémy qui est venu lors de la projection du film "On the Edge" pour participer à un débat sur la crise du secteur de la santé mentale d'urgence, puis des dédicaces", illustre Adrien Sollami. "Eux vivent une expérience réelle, ils y trouvent leur compte et ont donc envie d'être généreux en contenu, de parler positivement de l'événement, dans leur réseau professionnel ou même en privé, par exemple pour dire qu'ils ont été super bien reçus à Liège. Et donc tout ça profite à l'événement."
Ce genre d'agences ne court pas (encore) les rues en Belgique. Influenz se distingue par sa spécialisation dans le domaine de l'événementiel: "C'est très différent des collaborations purement commerciales, on est là pour encadrer les influenceurs et accompagner leurs rencontres. Quand on parle d'influence, ça fait peur, on a des clichés en tête tout de suite", reconnaît le directeur de l'agence, "il faut pourtant passer par ces nouveaux médias qui touchent directement des jeunes. Ils peuvent être efficaces, donc prenons-les au sérieux et faisons les choses bien".
Michel Cymes va lancer 'Mieux', une chaîne TV dédiée uniquement à la santé
"Cela fait 35 ans maintenant que je fais de la télé, j'ai construit toute ma carrière sur l'image, il était donc tout naturel - et j'en suis très honoré, d'accepter d'être le parrain de ce festival, qui n'a pas d'équivalent en France", nous explique Michel Cymes, venu à Liège pour animer deux soirées du festival ImagéSanté. "En tant que médecin, je faisais des petits dessin et schémas pour expliquer au patient devant moi ce qu'il avait ou ce qu'on allait lui faire; l'image, pour moi, est quelque chose de tout à fait naturel et une aide incroyable pour vulgariser la médecine. Donc, quand j'ai commencé dans les médias, je ne me suis pas demandé "Comment vais-je faire pour rendre les choses simples?". J'ai naturellement appliqué ce que je faisais déjà en consultation dans le colloque singulier avec les patients, et donc j'ai involontairement trouvé l'accroche qui m'a permis d'avoir de l'audience."
Le médecin français - pour rappel spécialiste ORL et qui a pratiqué jusqu'à sa pension parallèlement à sa (forte) présence dans les médias - a visité l'Institut d'oncologie Arsène Burny (Icab) et l'Unilab, deux fleurons du CHU de Liège. Il a posé beaucoup de questions et s'est dit fort impressionné. Il s'est également montré fort intéressé par Baby Detect, le test de dépistage néonatal liégeois, pour en parler dans sa future chaîne de télévision dédiée à la santé - une première en Europe -, baptisée "Mieux", qui sera lancée en juin. "Le but est d'apporter de l'information sérieuse, vérifiée, militante par rapport à ce qui se passe aujourd'hui avec la désinformation sur les réseaux sociaux", explique-t-il, "les gens sont perdus, il faut des experts pour expliquer et démonter les fake news."
"La médecine évolue de façon incroyable: on gagne, par exemple, un mois d'espérance de vie par trimestre dans les pays riches. Mais le problème, aujourd'hui c'est la flambée des fake news. Prenons l'exemple du covid, vous vous rendez compte en combien de temps on a trouvé un vaccin? C'était incroyable, et pourtant des gens sont morts parce qu'ils n'ont pas voulu se faire vacciner. Donc, d'un côté, les progrès sont considérables, on sauve des millions de vies, et puis à côté, un petit poison s'installe et finit par faire doute. Ça, c'est une catastrophe..."
Second projet imminent de Michel Cymes, un nouveau téléfilm qui sera tourné en mai et où il aura un rôle "de composition", précise-t-il, puisqu'il incarnera... un chef de restaurant.