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Le journal du Médecin: Vous êtes professeur de Santé publique, un homme qui pendant longtemps a réfléchi à un meilleur fonctionnement du système de soins. Aujourd'hui, vous avez la possibilité de mettre en pratique vos réflexions théoriques. N'est-ce pas le Graal pour un académique? Yves Coppieters: C'est une véritable opportunité. Passer du monde académique à la politique me permet d'appliquer concrètement des concepts théoriques et des preuves scientifiques à la réalité du terrain. L'enjeu est de transformer ces connaissances en véritables changements sociétaux et en réformes du système de soins. Toutefois, la réalité politique est plus complexe que je ne l'imaginais. Ce n'est pas seulement une question de connaissances ou de volonté de réforme, mais aussi de gestion technique et stratégique. Mener une politique publique nécessite d'appréhender une multitude de facteurs interdépendants. L'attentisme ou la lenteur du processus politique sont des réalités auxquelles je n'étais pas préparé. En tant que chercheur, médecin et même acteur de terrain, je ne mesurais pas pleinement cette dimension. Ce qui est frustrant, c'est que l'on a parfois l'impression que les choses devraient avancer plus vite, surtout lorsque l'on a une vision claire des priorités et des objectifs à atteindre. Chaque jour, je pousse mes équipes à aller plus vite, mais elles me rappellent que certaines étapes sont incontournables. C'est un aspect que j'avais peut-être sous-estimé en arrivant: cinq ans, c'est très court pour mettre en place de véritables transformations. Yves Coppieters et sa vie politique, je m'en fiche. Ce qui m'importe, ce n'est pas ma carrière politique, mais de laisser une empreinte tangible, de pouvoir dire que nous avons réellement changé quelque chose. Si nous parvenons à mener à bien certaines réformes clés, comme l'assurance autonomie, la territorialisation de la première ligne de soins ou encore le décret sur l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap, alors nous aurons accompli quelque chose de significatif. Un autre enjeu majeur est la pénurie de personnel de santé. Même si mes leviers d'action sont limités sur ce point, cela ne signifie pas que nous devons nous en désengager. Nous devons proposer un véritable plan et avoir des ambitions claires. Enfin, la santé mentale est un sujet crucial. Si nous continuons à constater les mêmes problèmes sans apporter de solutions concrètes, nous risquons de nous discréditer complètement. Il faut absolument réussir à influencer positivement cette problématique.