Les placements dits " sûrs " ne rapportant plus rien, il faut prendre un peu de risque en jetant son dévolu sur les actions, affirme-t-on à juste titre. Même si l'on n'est pas passionné par la Bourse et que l'on choisit sagement d'acheter des fonds bien diversifiés, il n'est pas inutile de comprendre le langage utilisé par les professionnels quand ils justifient leurs choix. Voici les principaux ratios qu'ils utilisent.
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Le rapport cours/bénéfice est LE ratio de base historiquement utilisé pour juger tant un marché boursier dans son ensemble qu'une action en particulier. Il est noté C/B en français et (plus souvent) P/E en anglais, pour price/earning. Pour calculer le C/B d'une action, on divise simplement son cours par le bénéfice net réalisé par l'entreprise, celui-ci étant lui-même divisé par le nombre d'actions existantes. Inutile de faire le calcul pour ce dernier : une entreprise cotée publie en principe toujours son " bénéfice par action ". À quoi correspond ce P/E (il faut s'habituer au sigle en anglais, aussi vrai que c'est lui qu'on rencontre le plus souvent ! ) ? Quand on achète une action, on devient propriétaire de la partie de l'entreprise qu'elle représente et on a par définition droit à la partie du bénéfice qui lui revient. Le P/E répond donc à la question toute simple : " Combien de fois est-ce que je paie ce bénéfice et cela en vaut-il la peine ? " Précision : le bénéfice par action retenu pour le calcul sera, non celui de l'an dernier, ainsi que publié officiellement par l'entreprise (c'est du passé et ceci n'intéresse plus la Bourse), mais celui que les analystes financiers prédisent pour l'exercice en cours. Ce P/E n'a guère de signification dans l'absolu. Son intérêt vaut surtout par comparaison, et ceci sur deux plans principalement. D'un côté, si le rapport cours/bénéfice d'une action est aujourd'hui de 15, alors que sa moyenne des dix dernières années est de 12, on peut logiquement se demander si le titre n'est pas devenu trop cher. De l'autre, si les entreprises du même secteur affichent en moyenne un P/E de 17, on peut au contraire imaginer que l'action est plutôt bon marché. Le P/E donne donc une première indication. À charge pour les analystes financiers d'apprécier ce ratio : est-il justifié qu'il soit plus élevé que sa moyenne ou moins élevé que celui des concurrents ? Si leur examen de l'entreprise arrive à la conclusion que la progression du bénéfice va s'accélérer durant les prochaines années, il est normal que les investisseurs soient prêts à payer l'action plus cher. Osons la question basique : pourquoi donc ? Parce qu'avec un bénéfice par action en forte hausse, on est " remboursé " plus vite du prix payé pour l'action. On pourrait ainsi considérer qu'en dépit d'un C/B passé de 12 à 15, l'action est moins chère que naguère ! Si les investisseurs ne la payent pas plus cher dès à présent, c'est parce que cette forte progression du bénéfice n'est pas encore certaine et qu'ils prennent quand même leurs précautions... À l'inverse, un P/E inférieur à la moyenne du secteur ne signifie pas nécessairement que l'action est meilleur marché. Peut-être l'entreprise est-elle moins en forme que ses concurrentes et ses perspectives de bénéfice inférieures ? Dans ce cas, un P/E plus bas est parfaitement justifié. Un analyste pourrait fort bien conclure qu'en dépit d'un P/E de 15 contre une moyenne sectorielle de 17, l'action est trop chère... On se saurait passer sous silence une autre " astuce " à propos du P/E : il peut se révéler fantasque pour une entreprise très cyclique. Le cas du sidérurgiste Arcelor Mittal est édifiant. Au milieu de l'année 2008, alors que la conjoncture était exceptionnelle et que les producteurs d'acier " gagnaient de l'or en barre ", l'action affichait un P/E de 8,6. Bon marché ? Non : le cours planait à plus de 240 dollars, un record absolu. C'est que le bénéfice par action était stratosphérique : plus de 28 dollars. Neuf mois plus tard, le P/E s'était écrasé à 4 seulement, mais le cours avait plongé à 50 dollars, en raison d'un bénéfice divisé par plus de 2. Vraiment bon marché, cette fois, non ? À première vue seulement, car ce cours est aujourd'hui inférieur à 20 dollars... Le P/E est une intéressante notion de base, mais il doit être complété par une étude de la situation ! De toute manière, le bénéfice n'est pas tout, il s'en faut de beaucoup. Tout comptable sait en effet qu'on peut le " manipuler ", en toute légalité s'entend. Il est trop bas ? On va dégager une plus-value en réserve. Il est trop élevé ? On va réaliser une provision. Or, quand on achète l'action d'une entreprise, on veut être sûr qu'elle marche bien. Un investisseur se fiche (presque) de savoir que la société a dégagé un joli bénéfice en vendant ses anciens bureaux, puisque cela ne pourra par définition pas se reproduire. Ce qui lui importe, c'est ce qu'elle gagne en exerçant son activité, industrielle ou commerciale. Et si le bénéfice ne reflète pas fidèlement cette réalité, il faut trouver autre chose. On va dès lors remonter dans le compte de résultats, jusqu'à l'Ebit, acronyme anglais de earnings before interest and taxes, soit bénéfice avant charges d'intérêt et impôts. Souvent qualifié de bénéfice opérationnel, ou bénéfice d'exploitation, l'Ebit approche la vérité... mais pas tout à fait. Ne faudrait-il pas encore gommer les effets éventuellement pervers des amortissements et des dépréciations ? C'est pourquoi les analystes sont remontés plus haut encore en visant l'Ebitda, soit earnings before interest, taxes, depreciation and amortization. On a donc ajouté à l'Ebit les réductions de valeur et les amortissements, postes sur lesquels une entreprise peut " jouer " pour enjoliver (ou éventuellement ternir) sa situation. Souvent traduit par cash-flow brut d'exploitation, parfois par flux de trésorerie opérationnel, cet Ebitda est dès lors le ratio reflétant le plus fidèlement ce qu'une entreprise a gagné en exerçant son activité. Il est donc devenu le chouchou des analystes. Ceux-ci vont non seulement l'utiliser pour juger la performance d'une entreprise d'une année à l'autre, mais ils vont aussi l'accommoder à plusieurs sauces. Retenons en particulier le ratio VE/Ebitda. VE signifie valeur d'entreprise ; c'est l'addition de la capitalisation boursière et des dettes financières, dont on soustrait les liquidités et les investissements à court terme. Mais peu importe ; il faut en retenir que plus bas est ce ratio, plus attrayante est l'action, du moins par rapport aux autres du même secteur. Ce dernier point est capital : on ne peut pas comparer des pommes et des poires. Cela vaut aussi pour le ratio cours/valeur comptable, également devenu fort à la mode. Ce n'est pas parce qu'une banque affiche un ratio de 1,2 seulement qu'elle sera jugée moins chère qu'une entreprise technologique dont le ratio est de 12. Par contre, elle sera a priori jugée plus attrayante qu'une autre banque se situant à 1,8. Sous réserve, comme toujours, de vérification de leur situation par les analystes.