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Dans le cadre du Salon soins & santé qui s'est tenu à Namur Expo les 30 septembre et 1er octobre derniers, le Dr Simon Benoliel est venu parler de la bouche âgée et de son rôle dans la transmission infectieuse. Un sujet que ce chirurgien dentiste connaît bien puisqu'il est actif dans Dentalmobilis, un service de consultations bucco-dentaires données directement au sein des maisons de repos et centre d'hébergements. Qu'est-ce que vivre en bonne santé bucco-dentaire? " C'est avoir la capacité de parler, de sourire, de goûter, de mâcher, de déglutir sans aucune peine, ni gène, ni douleur, répond-il. Or, 40% des personnes âgées ont une dépendance faible, 45% moyenne et 15% sont en dépendance forte. L'une des questions simples à poser est de savoir si la personne est capable de se brosser les dents seule ou pas." " Aujourd'hui, en institution (âge moyen 84-85 ans), 70% des résidents ont des dents naturelles (avec ou sans prothèse partielle) et 30% n'ont plus de dents, dont certains portent un dentier complet et d'autres rien. À partir de 75 ans, seuls 43% vont chez le dentiste mais, en institution, 75% n'ont pas vu de dentiste depuis cinq ans! Ça veut dire que 85% ont des caries, 95% du tartre et 90% une prothèse dentaire qu'il faut absolument entretenir." La carie dentaire est la pathologie la plus courante en bouche. " La salive a le pouvoir de faire remonter le pH, mais cela ne suffit pas parce qu'on grignote toute la journée. Face à cette problématique, une brosse à dent et un dentifrice fluoré permettent de rétablir l'équilibre.(1) Sans oublier de nettoyer la langue, sujette à la plaque dentaire comme les dents. Quant aux prothèses, elles se nettoient avec de l'eau et du savon. Pour compléter, le détartrage permet de retrouver une bonne santé gingivale." Le Dr Benoliel insiste encore sur le brossage du soir, le plus important de la journée, et rappelle qu'il ne faut pas se rincer la bouche après s'être lavé les dents: " S'il y a trop de dentifrice en bouche, ça veut dire qu'on en met trop. On peut le faire après 10-15 minutes si on veut, mais pas tout de suite." " Le traitement parodontal a un effet préventif bénéfique. La parodontite a en effet des relations avec le diabète et les maladies cardio- et cérébro-vasculaires, pulmonaires, voire les démences. Aujourd'hui, il n'y plus de raison de douter de ces associations. Le diabète a par exemple une relation bidirectionnelle avec la bouche: si quelqu'un est diabétique, il a une parodontite, et une parodontite accentue un diabète préexistant", indique-t-il. En 2019, une conférence de consensus a réuni cardiologues et parodontologues (Fédération européenne de parodontologie et World Heart Federation) pour réévaluer les preuves de l'association entre maladies cardiovasculaires et parodontite. Des recommandations ont ensuite été émises à destination du corps médical et du public.(2) Les données épidémiologiques et biologiques confirment en effet l'existence d'une association indépendante entre la parodontite sévère et plusieurs maladies non transmissibles, notamment cardiovasculaires. Ainsi, les cardiopathies ischémiques, la prévalence de l'infarctus du myocarde, le taux d'AVC et la mortalité cardiovasculaire sont accrus chez les patients atteints de parodontite. Le Dr Benoliel évoque ensuite le lien avec la pneumonie, première cause de décès chez les personnes âgées, notamment en institution: " Pour peu qu'il y ait des problèmes de déglutition, des fausses routes, les bactéries passent dans les poumons. Par conséquent, une hygiène buccale rigoureuse réduit la morbidité et la mortalité dues à la pneumonie d'inhalation." Enfin, un lien a également été établi entre la parodontite et plus spécifiquement la bactérie Porphyromonas gingivalis et la maladie d'Alzheimer. L'altération de l'état bucco-dentaire apparaît comme l'un des facteurs de risque de dénutrition: " 15% des personnes âgées sont à risque de dénutrition parce qu'elles ont la bouche sèche. Elles oublient de boire mais leurs glandes salivaires produisent également moins de salive et elles prennent des médicaments, dont 50% provoquent une hyposialie. Or, la salive c'est le premier stade de la digestion donc, s'il manque des dents, si on ne mastique pas, les aliments ne sont pas assimilés et on n'en tire aucun bénéfice nutritif. Par ailleurs, si on est en mauvaise santé bucco-dentaire, le risque de dénutrition monte à 40%: si j'ai mal aux dents, un abcès, les dents qui bougent, une prothèse mal adaptée ou une parodontite, je n'ai pas envie de manger, je ne peux pas manger, je modifie mes choix alimentaires...", ajoute-t-il. Dès lors, comment avoir une bonne hygiène dentaire? " Il faut d'abord être compétent (il faut avoir appris à se laver les dents) et il faut pouvoir le faire, sinon il faut que quelqu'un vous les brosse. Ce qui signifie qu'en institution, le personnel soignant doit être formé pour réaliser ces soins aux résidents. Il faut aussi mettre en place de bonnes habitudes d'hygiène dentaire et que ce soit protocolisé et inclus dans le projet de santé globale de la maison de repos, ce qui suppose d'avoir le soutien de la direction." Plus généralement, Simon Benoliel estime que les autorités de santé devraient plus soutenir la santé bucco-dentaire. " Organiser des campagnes régulières, des dépistages dans les écoles... Les professionnels de santé bucco-dentaire doivent participer de manière active aux campagnes de prévention. Et il faut une coopération accrue entre toutes les personnes qui s'occupent des personnes âgées..."