Quand parler de drogues aux enfants et que dire? Comment mener des stratégies de réduction de risque en festival? L'Observatoire européen des drogues (EMCDDA) vient d'organiser un webinaire autour de ces questions [1].
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C'est l'été, l'heure des festivals, lieux propices à la consommation de drogues et... à la prévention. Helena Valente, psychologue (Portugal), a présenté une intervention menée au ZNA Gathering, un festival psytrance qui s'installe pendant une semaine sur le site du lac Montargil. "Les festivals sont des contextes de sociabilité, de recherche de plaisir et de transgression pour de nombreux jeunes. La prévalence de la consommation de drogues est plus élevée chez ceux qui assistent à des festivals que dans la population générale, ce sont aussi des lieux où l'on peut encadrer la consommation de certaines drogues. Le nombre d'événements musicaux en plein air a considérablement augmenté au cours des 20 dernières années. Ceux dévolus à la danse, qui durent souvent plusieurs jours, peuvent présenter certains risques en raison des températures extrêmes, de l'exposition au soleil, de la foule et du manque de sommeil." Cette intervention de réduction des risques menée dans ce festival portugais consiste notamment à vérifier les produits illicites: les services de contrôle des drogues (DCS) permettent aux consommateurs de soumettre des échantillons de substances psychoactives pour analyse chimique et de recevoir des informations et des conseils. "L'objectif principal de ce type de service est de promouvoir l'adoption de pratiques de consommation de drogues plus sûres. Mais il permet également d'accroître la capacité du gouvernement et des organisations de la société civile à répondre aux changements qui surviennent dans le marché informel de la drogue, notamment en renforçant leurs compétences en matière de surveillance et leur capacité à offrir des informations ciblées. En outre, il permet d'entrer en contact avec des populations difficiles à atteindre." Que font les gens après avoir reçu les résultats du DCS? "Si le résultat était inattendu, 86% n'ont pas pris la drogue testée et 11% ont pris une dose plus faible. Si le résultat était attendu, 16% n'ont pas fait de mélange avec d'autres drogues et 7% ont réduit la dose prise." "Ce type de discussion nécessite d'avoir une information qualitative et accessible sur les drogues, leurs méfaits et la vulnérabilité des adolescents. Il faut répondre aux questions que les parents se posent fréquemment, illustrer avec des exemples cliniques issus de sa pratique, mais aussi décrire comment avoir une conversation sur la drogue avec ses enfants", explique le Pr Owen Bowden-Jones, psychiatre (Royaume-Uni). Pourquoi encourager les parents à parler des drogues à leurs enfants? "Parce que leur opinion est importante pour les enfants, parce que l'information influence le choix et qu'il y a beaucoup d'infos erronées. Enfin, c'est aussi une question de déstigmatisation en cas de problème ultérieur." Comment faire? "Ne pensez pas que tout doit être dit au cours d'une seule conversation", ajoute-t-il. "Il faut planter le décor et réfléchir si un parent ou les deux doivent être impliqués, il faut être clair sur l'objet de la conversation et cohérent, rester calme et écouter, ne pas accuser, ni interroger, ne pas prétendre être ignorant ou tout savoir. Il faut donner des informations (sans oublier l'alcool) et laisser suffisamment de temps pour les questions: préparez-vous à répondre à des questions délicates, laissez la porte ouverte à d'autres discussions et terminez par des félicitations." Quand? "L'idéal est de commencer avant que l'enfant n'ait été exposé aux drogues ou à des personnes qui en consomment. Vers 10-12 ans, c'est à peu près l'époque où ils en entendent parler à l'école." Quelles questions poser? Si l'enfant ne consomme pas, que sait-il sur les drogues? Où trouve-t-il des informations? Quel est son entourage (amis, réseaux sociaux)? A-t-il une vulnérabilité individuelle (génétique, santé mentale, physique et sociale)? S'il consomme (ou en cas de soupçon): pourquoi (curiosité, pression des pairs, automédication)? Veut-il continuer ou veut-il de l'aide pour arrêter? Sait-il comment réduire les risques? "Certains signes sont difficiles à différencier des signes habituels de la puberté", reconnaît le Pr Bowden-Jones, "néanmoins, certains sont spécifiques aux drogues, comme des plaies autour de la bouche ou du nez (inhalation ou sniff), conjonctivite (yeux rouges avec le cannabis), traces d'injection... Sur le plan psychologique, il peut avoir un comportement imprévisible, de l'automutilation (brûlure, coupure...). Sur le plan social, changer de groupe de pairs, en particulier fréquenter des consommateurs de drogues, un retrait social, trop ou trop peu d'argent (par rapport à ce qu'il devrait avoir), une détérioration importante et inexpliquée des résultats scolaires, parle de drogues sur les réseaux sociaux, n'est pas là où il a dit qu'il serait, a des accessoires de consommation de drogue (papier à cigarette, bongs, pailles pour sniffer...)." Quand faire appel à un professionnel? "S'il y a des signes d'injection, de consommation de drogues de classe A (héroïne, morphine, cocaïne, ecstasy, LSD...), si l'enfant demande de l'aide, en cas de pensées suicidaires ou d'automutilation répétée, de psychose, de prise de risque extrême (sexuel, conduite), de violence physique, d'un problème de santé mentale existant (dépression...), de problèmes antérieurs de drogue ou d'alcool (suggérant une rechute), d'antécédents familiaux importants, si les parents sont incapables de communiquer avec l'enfant et en cas de détérioration rapide du fonctionnement scolaire, social ou émotionnel." Pour le psychiatre, il est en outre essentiel que l'enfant connaisse au minimum deux choses relatives à l'alcool: la notion d'unités d'alcool et la position latérale de sécurité afin de pouvoir venir en aide à un camarade en détresse. "Pour prévenir la consommation de drogues, il faut commencer ce type de conversation tôt, fournir des informations précises, rester vigilant et décourager la prise de ces produits. En cas de consommation avérée, il convient de rester calme, d'essayer de comprendre le problème sous-jacent, de chercher de l'aide, sans oublier de prendre soin de soi", conclut Owen Bowden-Jones.