Face à l'augmentation de cas sous nos latitudes, tant en collectivités qu'au cabinet des généralistes, l'Aviq, sous la houlette de Muriel van Durme, gestionnaire en santé, a organisé un webinaire à destination des médecins et autres professionnels de santé (ONE, services PSE et CPMS, etc.) susceptibles de se retrouver face à cet acarien 'enfouisseur' de tissus cutanés qui, malgré ces 0,3 mm à peine, peut rapidement faire des ravages.

Voici, pratico-pratique, ce qu'il faut en retenir pour sa consultation, ainsi que les liens pour s'informer/déclarer un cas.

Des lésions typiques

Si l'incubation exige trois à six semaines en primo-infection, un à trois jours peuvent suffire en récidive: "l'immunité n'existe pas!", rappelle le Dr Dominique Tennstedt, dermatologue. La gale ne guérit pas spontanément, il faut traiter. Les acariens ne survivent qu'un ou deux jours en dehors de la peau, ils ont donc besoin de nous.

© Aviq

Les lésions peuvent être caractéristiques et/ou suggestives. Typiques, de mini-sillons noirâtres, un peu tortueux: "Les femelles fécondées s'enfoncent, de 2 à 3 cm par jour, dans de petites galeries sous la peau, et y laissent des dépôts composés d'oeufs et d'excréments (scybales)", poursuit le Dr Tennstedt. En bout de sillon, de petites ailes en deltaplane, distinctives au dermatoscope (nettoyer l'appareil à l'eau, en frottant, pour le désinfecter).

Autres signes, un prurit, des nodules et petites excoriations sur l'ensemble du corps, avec des zones de prédilection: espaces interdigitaux et mains, poignets, aisselles, organes génitaux, pieds...

Les traitements actuels ne sont pas actifs sur les oeufs, il faut donc ABSOLUMENT les répéter dans les 8 à 14 jours, sous peine de devoir réitérer le cycle complet car de nouveaux acariens auront commencé à pondre entre-temps.

Chez l'enfant, le diagnostic, complexe car la pathologie est davantage polymorphe, peut prendre jusqu'à 60 jours. Prurit, nodules et vésicules sont très présents: "De manière étonnante, le visage peut être atteint, le cuir chevelu et, surtout, les pieds (plante et dos). Au niveau des aisselles, de petites boules dures font songer à de vieilles piqûres d'insectes, c'est assez pathognomonique", constate le Dr Tennstedt.

Quelques pistes de diagnostics différentiels: un prurit diffus peut signer une dermatite atopique (la maladie touche un enfant sur cinq) et les nodules, un prurigo, une histiocytose Langerhansienne (HL) ou une mastocyose (mais plus rares). Pour les pieds, des lésions semblables à celles de la gale mais sans sillons peuvent être dues à une acropustulose infantile.

L'Aviq a enregistré plus de 120 déclarations depuis l'entrée en vigueur de l'obligation début novembre (35 clusters confirmés en 2023, et 88 jusqu'au 29 mai 2024). Majoritairement chez des enfants, et plutôt dans le Hainaut et à Liège.

Options thérapeutiques

-Benzoate de benzyle (à 10% chez l'enfant, 25% chez l'adulte - Ascabiol®ou en formule magistrale): le soir après sa douche, le patient se badigeonne des pieds à la tête (derrière les oreilles, sur le visage en évitant le triangle yeux-coin des lèvres, dans le nombril, entre les orteils, mais pas sur les muqueuses), enfile des vêtements propres (lavés dix minutes au moins à 60°) et laisse en place 12 à 24 h (sans se laver pendant 8 à 12 h, remettre de la crème après lavage des mains / change de langes). Efficace, bon marché mais très irritant (surtout en cas d'eczéma)... Donc peu compliant et source d'échecs, mieux vaut le savoir.

-Permétrhine (5%, Zalvor®: en délivrance libre, moins irritant (parfois allergisant). Un tube entier (30 g) par personne et par traitement (demi-tube pour les 6-12 ans): peut revenir un peu plus cher si toute la famille est touchée.

-Ivermectine (Stromectol®: ce traitement, oral, n'est pas encore remboursé, mais la hausse des cas, objectivée par les déclarations désormais obligatoires, va faire pression sur le remboursement. Le patient prend quatre comprimés (=12 mg) en une seule prise (six comprimés au-delà de 90 kilos, la posologie des traitements contre la gale doit être adaptée en fonction de la morphologie du patient). Pas recommandé chez les personnes âgées qui souffrent d'insuffisance cardiaque/respiratoire (préférer l'option topique).

Quel traitement choisir en première intention? "Cela dépend vraiment des médecins", explique le Dr Tennstedt, "le traitement oral est évidemment plus simple, et on risque moins de rater une zone corporelle qu'avec un badigeon."

Messages clefs

- La gale doit obligatoirement être déclarée en Wallonie depuis le 8 novembre dernier (en Flandre depuis 2019, à Bruxelles depuis juin 2022).

- Quand déclarer? Uniquement en collectivité, dès deux cas confirmés avec un lien épidémiologique dans un intervalle de six semaines (hors cas familiaux) OU s'il s'agit d'un cas isolé mais avec complications (gale profuse /hyperkératosique, "norvégienne").

- Comment déclarer? Via https://matra.sciensano.be/fiches/Gale.pdf (jusqu'à fin juin), puis via Trace in Wal à partir du 1er juillet (redirection automatique). À Bruxelles, dès deux cas ou plus, sur Vivalis.

Plus d'infos: pour joindre l'Aviq (direction de la surveillance des maladies infectieuses): 071/33 77 77 du lundi au vendredi 9-12 h et 13-16h30, ou par email à: surveillance.sante@aviq.be jusqu'à 20 h, 7j/7. Brochures disponibles sur le site internet de l'Aviq, d'Ediwall et de l'ONE. Fiche Matra sur Sciensano (jusqu'à fin juin).

Conseils

"Dans le cas où beaucoup de personnes dans la famille sont infectées, ou dans les cas graves / persistants, je n'hésite pas à donner un traitement local + oral", conseille le Dr Tennstedt. "Par ailleurs, les nodules post-scabieux peuvent subsister longtemps. On peut recourir aux corticoïdes, mais uniquement après les deux traitements contre la gale, pas en même temps."

"La réussite du traitement repose sur l'éducation du patient", insiste Muriel Van Durme. Le patient peut être déstabilisé à l'annonce de la maladie, stressé par tout ce qu'il va devoir faire... et donc n'écouter qu'à moitié. Or les recommandations sont essentielles: "Il faut prendre son traitement + traiter l'environnement + assurer la prophylaxie des contacts... simultanément dans les 24 h!" La spécialiste de l'Aviq attire l'attention sur les cas contacts entre meilleures amies qui dorment l'une chez l'autre, en milieu estudiantin, en kot/colocation, enfants de parents divorcés dont l'un n'assurera pas le second traitement...

Et le Dr Tennstedt de rappeler aussi que la gale est souvent une IST: "La localisation des premières lésions indique généralement le lieu de contamination: s'il s'agit des parties génitales, c'est sans doute par contacts sexuels ; si c'est aux pieds, c'est parce qu'on marche pieds nus à la maison, dès lors toute la famille risque d'être atteinte." Et d'ajouter: "Il est possible de prescrire l'application de la pommade via une infirmière à domicile pour les patients qui vivent seuls, pour badigeonner le dos."

L'acarien se nourrit de particules de peau, il se cache donc dans l'environnement: vêtements, linge de toilette, literie, chaussures et toutes surfaces potentiellement poreuses. Il est toutefois inutile de s'épuiser à frotter les murs et plafonds, le nettoyage doit être raisonné: il faut rassurer le patient qui ne doit pas développer une phobie, "ce n'est pas une maladie honteuse", soulignent les deux spécialistes. Mieux vaut éviter les acaricides dans la gale commune, qui participent au développement de résistances. Le nettoyeur vapeur est une bonne solution pour les divans et fauteuils (laisser 4-5 secondes sur chaque zone).

Dans de bonnes conditions, la contagiosité se termine dans les 24h suivant le traitement (= durée du certificat médical).

En collectivités

Qui gère en collectivité? Le directeur/responsable de la collectivité est le garant des mesures à appliquer, avec l'aide des référents médicaux (ONE, médecin scolaire/ du travail, coordinateurs MRS). La personne qui déclare n'est pas celle qui suit le cluster. Il est possible de déclarer un regroupement, un nombre de cas confirmés/potentiels. En milieu scolaire, il est conseillé de prévenir les parents comme en cas de pédiculose, en demandant d'être attentifs aux symptômes pendant quatr eà six semaines.

Il faut faire un bilan de la situation, "avoir une réflexion sur l'origine de la transmission (elle peut venir de l'extérieur) et faire une analyse de risques nuancée", insiste Muriel van Durme. Notamment en crèche, où les contacts physiques rapprochés sont légion, afin de limiter le nombre d'enfants à traiter. Il faut vérifier que le cas index est bien traité, et traiter les proches (une seule dose pour l'entourage asymptomatique).

A noter que la gale n'est pas reconnue comme maladie professionnelle, l'employeur ne doit donc pas obligatoirement prendre en charge les frais inhérents à l'infection. Il n'existe pas (encore) de protocole spécifique en cas de gale profuse, notamment en MR/MRS.

Vrai ou faux?

© Getty

* L'acarien de la gale humaine (Sarcoptes scabiei var hominis) n'est pas celui des animaux. VRAI, la transmission est uniquement interhumaine (contacts intimes, prolongés).

* La maladie ne touche jamais le visage chez l'adulte. VRAI, contrairement aux enfants.

* Il faut porter des gants pour examiner le patient. FAUX: il suffit de se laver soigneusement les mains, comme après chaque patient (sauf si gale profuse, qui comporte énormément d'acariens). Le gel hydroalcoolique n'élimine pas l'acarien: il faut un frottement mécanique sous l'eau.

* La biodisponibilité de l'ivermectine (traitement oral) est meilleure lors d'un repas. VRAI, contrairement à ce que dit la notice (2012) qui conseille de le prendre à jeun.

* Il n'est pas possible d'être contaminé par la gale via des vêtements de seconde main. FAUX, c'est possible s'ils ont été portés et non lavés moins de trois jours auparavant (95% des contaminations se font toutefois par contact cutané direct et prolongé).

* La gale profuse, avec ses milliers de sarcoptes (contre une dizaine dans la gale commune), entraîne de fortes démangeaisons. FAUX, le prurit peut justement être diminué chez le patient sous traitement immunodépresseur.

* Un patient vous dit au téléphone: "Docteur, on se gratte beaucoup, en famille, et surtout le soir..." Pouvez-vous poser un diagnostic de gale? VRAI, le prurit familial et vespéral est typique.

* On peut tuer le sarcopte en mettant les effets contaminés dans un sac fermé, pendant quatre jours, à température ambiante, ou 24 h au congélateur (-18°). VRAI, il est d'ailleurs possible de louer un camion frigorifique de l'armée pour traiter une contamination en collectivité.

Face à l'augmentation de cas sous nos latitudes, tant en collectivités qu'au cabinet des généralistes, l'Aviq, sous la houlette de Muriel van Durme, gestionnaire en santé, a organisé un webinaire à destination des médecins et autres professionnels de santé (ONE, services PSE et CPMS, etc.) susceptibles de se retrouver face à cet acarien 'enfouisseur' de tissus cutanés qui, malgré ces 0,3 mm à peine, peut rapidement faire des ravages. Voici, pratico-pratique, ce qu'il faut en retenir pour sa consultation, ainsi que les liens pour s'informer/déclarer un cas.Si l'incubation exige trois à six semaines en primo-infection, un à trois jours peuvent suffire en récidive: "l'immunité n'existe pas!", rappelle le Dr Dominique Tennstedt, dermatologue. La gale ne guérit pas spontanément, il faut traiter. Les acariens ne survivent qu'un ou deux jours en dehors de la peau, ils ont donc besoin de nous.Les lésions peuvent être caractéristiques et/ou suggestives. Typiques, de mini-sillons noirâtres, un peu tortueux: "Les femelles fécondées s'enfoncent, de 2 à 3 cm par jour, dans de petites galeries sous la peau, et y laissent des dépôts composés d'oeufs et d'excréments (scybales)", poursuit le Dr Tennstedt. En bout de sillon, de petites ailes en deltaplane, distinctives au dermatoscope (nettoyer l'appareil à l'eau, en frottant, pour le désinfecter). Autres signes, un prurit, des nodules et petites excoriations sur l'ensemble du corps, avec des zones de prédilection: espaces interdigitaux et mains, poignets, aisselles, organes génitaux, pieds... Chez l'enfant, le diagnostic, complexe car la pathologie est davantage polymorphe, peut prendre jusqu'à 60 jours. Prurit, nodules et vésicules sont très présents: "De manière étonnante, le visage peut être atteint, le cuir chevelu et, surtout, les pieds (plante et dos). Au niveau des aisselles, de petites boules dures font songer à de vieilles piqûres d'insectes, c'est assez pathognomonique", constate le Dr Tennstedt. Quelques pistes de diagnostics différentiels: un prurit diffus peut signer une dermatite atopique (la maladie touche un enfant sur cinq) et les nodules, un prurigo, une histiocytose Langerhansienne (HL) ou une mastocyose (mais plus rares). Pour les pieds, des lésions semblables à celles de la gale mais sans sillons peuvent être dues à une acropustulose infantile. -Benzoate de benzyle (à 10% chez l'enfant, 25% chez l'adulte - Ascabiol®ou en formule magistrale): le soir après sa douche, le patient se badigeonne des pieds à la tête (derrière les oreilles, sur le visage en évitant le triangle yeux-coin des lèvres, dans le nombril, entre les orteils, mais pas sur les muqueuses), enfile des vêtements propres (lavés dix minutes au moins à 60°) et laisse en place 12 à 24 h (sans se laver pendant 8 à 12 h, remettre de la crème après lavage des mains / change de langes). Efficace, bon marché mais très irritant (surtout en cas d'eczéma)... Donc peu compliant et source d'échecs, mieux vaut le savoir. -Permétrhine (5%, Zalvor®: en délivrance libre, moins irritant (parfois allergisant). Un tube entier (30 g) par personne et par traitement (demi-tube pour les 6-12 ans): peut revenir un peu plus cher si toute la famille est touchée. -Ivermectine (Stromectol®: ce traitement, oral, n'est pas encore remboursé, mais la hausse des cas, objectivée par les déclarations désormais obligatoires, va faire pression sur le remboursement. Le patient prend quatre comprimés (=12 mg) en une seule prise (six comprimés au-delà de 90 kilos, la posologie des traitements contre la gale doit être adaptée en fonction de la morphologie du patient). Pas recommandé chez les personnes âgées qui souffrent d'insuffisance cardiaque/respiratoire (préférer l'option topique). Quel traitement choisir en première intention? "Cela dépend vraiment des médecins", explique le Dr Tennstedt, "le traitement oral est évidemment plus simple, et on risque moins de rater une zone corporelle qu'avec un badigeon.""Dans le cas où beaucoup de personnes dans la famille sont infectées, ou dans les cas graves / persistants, je n'hésite pas à donner un traitement local + oral", conseille le Dr Tennstedt. "Par ailleurs, les nodules post-scabieux peuvent subsister longtemps. On peut recourir aux corticoïdes, mais uniquement après les deux traitements contre la gale, pas en même temps.""La réussite du traitement repose sur l'éducation du patient", insiste Muriel Van Durme. Le patient peut être déstabilisé à l'annonce de la maladie, stressé par tout ce qu'il va devoir faire... et donc n'écouter qu'à moitié. Or les recommandations sont essentielles: "Il faut prendre son traitement + traiter l'environnement + assurer la prophylaxie des contacts... simultanément dans les 24 h!" La spécialiste de l'Aviq attire l'attention sur les cas contacts entre meilleures amies qui dorment l'une chez l'autre, en milieu estudiantin, en kot/colocation, enfants de parents divorcés dont l'un n'assurera pas le second traitement... Et le Dr Tennstedt de rappeler aussi que la gale est souvent une IST: "La localisation des premières lésions indique généralement le lieu de contamination: s'il s'agit des parties génitales, c'est sans doute par contacts sexuels ; si c'est aux pieds, c'est parce qu'on marche pieds nus à la maison, dès lors toute la famille risque d'être atteinte." Et d'ajouter: "Il est possible de prescrire l'application de la pommade via une infirmière à domicile pour les patients qui vivent seuls, pour badigeonner le dos."L'acarien se nourrit de particules de peau, il se cache donc dans l'environnement: vêtements, linge de toilette, literie, chaussures et toutes surfaces potentiellement poreuses. Il est toutefois inutile de s'épuiser à frotter les murs et plafonds, le nettoyage doit être raisonné: il faut rassurer le patient qui ne doit pas développer une phobie, "ce n'est pas une maladie honteuse", soulignent les deux spécialistes. Mieux vaut éviter les acaricides dans la gale commune, qui participent au développement de résistances. Le nettoyeur vapeur est une bonne solution pour les divans et fauteuils (laisser 4-5 secondes sur chaque zone).Qui gère en collectivité? Le directeur/responsable de la collectivité est le garant des mesures à appliquer, avec l'aide des référents médicaux (ONE, médecin scolaire/ du travail, coordinateurs MRS). La personne qui déclare n'est pas celle qui suit le cluster. Il est possible de déclarer un regroupement, un nombre de cas confirmés/potentiels. En milieu scolaire, il est conseillé de prévenir les parents comme en cas de pédiculose, en demandant d'être attentifs aux symptômes pendant quatr eà six semaines.Il faut faire un bilan de la situation, "avoir une réflexion sur l'origine de la transmission (elle peut venir de l'extérieur) et faire une analyse de risques nuancée", insiste Muriel van Durme. Notamment en crèche, où les contacts physiques rapprochés sont légion, afin de limiter le nombre d'enfants à traiter. Il faut vérifier que le cas index est bien traité, et traiter les proches (une seule dose pour l'entourage asymptomatique). A noter que la gale n'est pas reconnue comme maladie professionnelle, l'employeur ne doit donc pas obligatoirement prendre en charge les frais inhérents à l'infection. Il n'existe pas (encore) de protocole spécifique en cas de gale profuse, notamment en MR/MRS.