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Le Journal du médecin : Le côté patchwork de certaines de vos compositions viendrait-il de votre côté lainier ?Y.Z : Non pas du tout. Parlons plutôt de décollage, de dadaïsme, de Matisse. Je pense être dans la suite du collage, sauf qu'il n'y a pas de collage. Mais il s'agit de la même liberté, transposée à la peinture.Vous avez commencé par cette technique du collage ?J'ai débuté par des collages papier dans la peinture. J'en plaçais avant de peindre par-dessus, je ne laissais que les parties apparentes avant de les retirer : ce sont les fenêtres qui m'ont intéressé. On revenait de la sorte au passé de la toile, ce qui procurait une dimension intemporelle.Pourquoi le jaune domine-t-il vos derniers travaux ?Parce que c'est la lumière, comme chez les impressionnistes. Avec les fenêtres, il s'agit d'un élément très important à mes yeux. J'ai connu une période noire et sombre, mais je crois que l'âge venant les peintres vont souvent vers la lumière, puisque l'on triche avec la vie. (il sourit) Rien de mystique : simplement vivre dans la lumière sur terre.Plutôt que pop, vous êtes un artiste jazz ?Très jazz. Jeune je fus pop, en 68 avec Jimi Hendrix, Janis Joplin c'est mon époque. J'étais complètement dans la révolution hippie. Je suis venu au jazz plus tard et au free jazz ensuite : désormais je vis du matin au soir dans le jazz.Vous travaillez donc en musique ?Absolument. Le son est très important : étant un peintre abstrait, mon paysage est très musical. Je vis la peinture : cela m'accompagne, m'enivre, me donne de la joie... bref, le jazz fait partie intégrante de mon travail.Et vous êtes musicien ?Non. J'aurais aimé l'être, mais la peinture m'a tellement pris. Je le serais devenu si je n'avais été peintre. Je vais très peu au concert, mais je possède une excellente installation hi-fi, contrairement aux artistes qui ont voulu peindre comme des musiciens, Kandinsky, Paul Klee. Eux ne disposaient évidemment pas de telles installations dans leur atelier. Quand la musique a fait irruption dans l'atelier du peintre, les vibrations notamment ont bouleversé beaucoup d'artistes.Vous êtes donc musicalement un contemplatif qui agit sur la peinture ?Oui, mais je ne suis pas quelqu'un qui attend l'inspiration. Plus je travaille, plus les choses surgissent. Être peintre c'est une vie ; je ne suis pas un peintre du dimanche : c'est mon métier, ma passion depuis 45 ans. M'accompagner de tous ces merveilleux jazzmen fait partie de mon jeu. Ma peinture n'est pas paysagiste, politique ou sociologique, je suis dans le jeu artistique. Je me suis intéressé aux artistes et aux musiciens de mon siècle : j'ai commencé avec Beethoven puis Berg, Schönberg et puis le jazz a déboulé.La musique est donc une question d'humeur ?Oui, car lorsque je tends les toiles et en préparant mon travail, j'écoute des chanteurs noirs comme Nina Simon, Sarah Vaughan et tant d'autres.... La musique est comme un temple pour moi. Chaque artiste dispose chez moi de sa boite... à musique dans laquelle je puise des cds.Le fait d'être autodidacte, vous a-t-il permis de ne pas avoir toutes ses références et contraintes en tête ?Peut-être... En fait, j'ai débuté avec un artiste, puis deux, puis trois et j'ai découvert en peignant. Chaque fois que je faisais une peinture, je ressemblais à un autre artiste. Alors je cassais.Ce fut une école, un apprentissage qu'il valait peut-être mieux ne pas avoir intellectualisé, c'est-à-dire avoir fait des études universitaires. Peut-être.... Les artistes qui ont fait ces études ont gagné beaucoup de temps. J'ai fait tout mon écolage dans la vie, ce qui était une autre façon de faire. Mais je n'ai pas eu cette chance d'entrer dans une grande école d'art. J'ai étudié l'art en autodidacte. Jeune, j'ai eu pas mal d'amis artistes plus âgés qui m'ont beaucoup appris. J'achetais des diapositives de tableaux et je passais mes soirées à regarder les Primitifs flamands ainsi à 16 ans. Ce fut le début...Comme dans le jazz, l'improvisation et la spontanéité sont-elles importantes dans votre travail ?Essentielles. Quand je commence un tableau, je suis vraiment comme un joueur de free jazz qui monte sur scène, qui sait où il va, et qui effectue quelque chose dans cette voie là, j'oublie tout et tout devient improvisé.L'important c'est la sincérité ?C'est l'intensité. En peinture on peut être visionnaire, en avance sur son temps ou simplement être dans son temps. Le tableau reste un grand mystère....