...

Le contexte est primordial avant de prendre connaissance des propos du président de la MC: la mutualité a, pour la première fois, analysé le profil de santé (entre 2016 et 2022) de plus d'un million de ses membres âgés de plus de 65 ans (lire "Pour les patients âgés, un universalisme des soins ''proportionné''" sur www.lejournaldumedecin.com). Pourquoi? Parce que le vieillissement - les 65+ ans représenteront un quart de la population en 2050 et le nombre d'octogénaires va doubler - constitue un enjeu de santé considérable, en particulier en termes de coordination et de continuité des soins. En bref, les résultats de cette étude révèlent que huit seniors sur dix présentent au moins une pathologie chronique. Quasi 70% prennent des médicaments en lien avec des troubles cardiovasculaires et/ou une hypertension, et 42% des antiplaquettaires/anticoagulants. Un senior sur cinq se rend aux urgences au moins une fois sur l'année (l'étude complète est à lire sur www.mc.be, onglet 'Santé & Société', NdlR). Forte de ce constat, la MC préconise d'investir dans les soins de première ligne et de miser sur la qualité de vie en vertu du concept de 'vieillissement actif' cher à l'OMS. Interviewé par Pieter Lesaffer dans les colonnes de Het Nieuwsblad le 8 avril, Luc Van Gorp, pour commenter ces résultats, plaide pour "une approche radicalement différente", davantage axée sur le principe "d'ajouter de la vie aux années, et non des années à la vie." Et d'expliquer: "Il est faux de croire que l'on ne peut lutter contre le vieillissement qu'en y consacrant plus d'argent. (...) Les médecins et autres professionnels de la santé s'efforcent aujourd'hui de faire en sorte que tout le monde vive plus longtemps, mais dans quel but? Vivre plus longtemps n'est pas une fin en soi? Il faudrait avant tout se poser la question suivante: combien de temps puis-je vivre une vie de qualité? (...) Certaines personnes âgées de plus de 80 ans n'auront besoin de rien du tout pour vieillir dans de bonnes conditions. Elles seront même capables d'aider les autres, par exemple en leur tenant compagnie. D'autres nécessiteront beaucoup de soins, que nous devons continuer à fournir. Mais qu'en est-il des personnes âgées qui bénéficient d'un maximum de soins mais sans toujours avoir la qualité de vie qu'elles souhaiteraient? Cette question est trop peu posée."C'est ensuite que ses propos ont suscité des commentaires, certains soulignant son courage de lancer le débat, d'autant plus émanant de quelqu'un aux commandes d'une organisation historiquement fondée sur des valeurs chrétiennes: "Il existe déjà une réglementation pour l'euthanasie, très stricte et encadrée par la loi. Cela fonctionne bien pour les personnes qui souffrent de manière insupportable. Mais il devrait aussi y avoir une forme plus douce, pour les personnes qui estiment que leur vie est terminée. (...) De nombreuses personnes âgées sont fatiguées de la vie. Pourquoi voudrions-nous nécessairement prolonger une telle existence? Ces personnes elles-mêmes ne le souhaitent pas et, en termes de budget, cela représente un coût pour l'État." Un suicide allégé pour cause de lassitude? "Je parlerais plutôt de 'restituer la vie'. Je sais que c'est délicat, mais nous devons réellement oser ce débat. Tout au long de l'Histoire, nous avons mis la mort dans une case à part. Elle est du ressort des uniformes noirs, par opposition aux blouses blanches qui s'occupent des vivants. Mais les deux mondes s'entremêlent: la mort fait partie de la vie.""À l'heure actuelle, nous nous crispons quand il s'agit d'aborder la mort, mais cela ne devrait pas être le cas. Interrogeons les gens eux-mêmes. Certains patients cancéreux en fin de vie reçoivent des traitements lourds et coûteux pour prolonger leur vie de quelques jours, voire parfois, littéralement, de quelques heures. Est-ce vraiment ce qu'ils souhaitent à ce moment-là? Ces médicaments coûtent très cher et n'offrent guère de qualité de vie en retour. (...) Il faut consacrer le plus de ressources possible à la santé et aux soins à condition qu'ils offrent une meilleure qualité de vie. Mais quel que soit le montant de l'investissement, il ne suffira pas. Il n'y a tout bonnement pas assez de personnel soignant pour faire le travail."Puis, à propos des maisons de repos: "Avons-nous vraiment besoin de tous ces centres de soins résidentiels supplémentaires? Se contenter d'ajouter des chambres sans rien faire pour remédier à la pénurie de personnel n'est pas tenable. (...) Un seul membre du personnel doit parfois s'occuper de 30 résidents. Avec tout le respect dû au personnel qui y travaille énormément, cela est-il bien humain? Si des animaux vivaient dans certains de ces centres au lieu d'êtres humains, Gaia aurait depuis longtemps déposé plainte et ils seraient fermés sur-le-champ. Alors pourquoi investir encore plus, de la même manière? Demain, plus personne ne voudra travailler ainsi. Et bientôt, il n'y aura peut-être plus, non plus, de personnes âgées pour y vivre. Car qui aura encore envie d'aller en maison de repos et de soins, si la qualité de vie n'y est pas centrale?"