Au vu de la gravité de la méningite et de ses complications, la vaccination contre cette maladie figure en bonne place sur la liste des priorités... et doit y rester! Pour Berthold Aman, spécialiste en neurologie pédiatrique au service de pédiatrie de l'UZ Brussel, c'est l'un des principaux messages à faire passer à l'occasion de la Journée mondiale de la lutte contre les méningites, ce 5 octobre.
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La méningite peut être d'origine virale ou bactérienne, mais la forme bactérienne est globalement la plus grave et peut provoquer diverses complications, dont des dommages cérébraux et pertes auditives. "Suite à une épidémie due au méningocoque C (MenC) en 2001, nous avons commencé à vacciner tous les enfants contre ce dernier à partir de 2002", recadre le Dr Aman. "Ces efforts ont clairement porté leurs fruits: alors que le sérotype C était le plus courant à l'époque, ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui. L'incidence des méningites à MenC a clairement réagi à la vaccination, avec à la clé un joli recul."Le Conseil supérieur de la Santé (CSS) préconise actuellement de vacciner contre les méningocoques vers l'âge de 13 à 15 mois, avec un rappel vers 15-16 ans. Dans sa recommandation, il met en avant le vaccin conjugué contre les méningocoques ACWY, les sérotypes W et Y étant en augmentation depuis quelque temps - ou c'est du moins ce qu'il ressort des chiffres les plus récents mis à disposition par Sciensano, qui concernent l'année 2018. Dans les faits, on continue toutefois dans notre pays à administrer le vaccin contre le sérotype C dans le cadre du schéma de vaccination de base, alors que nos voisins néerlandais, par exemple, utilisent déjà pour cela le vaccin contre les sérotypes ACWY. En 2018, 110 patients (adultes et pédiatriques) ont été victimes d'une méningite à méningocoques dans notre pays. "En soi, ce n'est pas énorme, mais la mortalité reste élevée", commente Berthold Aman. "Environ 10% des enfants qui contractent une méningite à méningocoques décèdent en dépit du traitement - pour les médecins, c'est une raison de référer le plus rapidement possible les petits patients à l'hôpital lorsqu'ils suspectent une méningite. Les mesures pour limiter le risque doivent toutefois aussi faire l'objet d'une réflexion à l'échelon de la population. C'est d'autant plus vrai que les méningocoques peuvent être responsables non seulement de méningites mais aussi de septicémies, qui ne sont pas moins préoccupantes."Entre-temps, c'est le méningocoque B (MenB) qui est devenu le sérotype le plus courant en Belgique. "Il existe également un vaccin contre cette souche, mais il ne figure pas dans le schéma de base défini par le Conseil supérieur de la Santé", poursuit le Dr Aman. "La question de savoir s'il faudrait l'y intégrer est actuellement en discussion et il y a des arguments qui plaident en ce sens, mais les autorités doivent faire des choix dans l'offre existante en tenant compte des possibilités budgétaires. En attendant, les médecins ont évidemment toujours la possibilité d'en parler aux parents ou aux patients adultes atteints de certains troubles du système immunitaire, qui pourront alors faire un choix en concertation avec lui. Lorsque l'administration du vaccin MenB est envisagée chez un enfant ou adolescent, le CSS recommande de se concentrer sur les groupes d'âge dans lesquels l'incidence des méningites à MenB est la plus élevée, à savoir les 0-5 ans et les 15-19 ans."À côté des méningocoques, trois autres grands types de bactéries sont susceptibles de provoquer des méningites aiguës nécessitant un traitement urgent: Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae (pneumocoque) et les streptocoques du groupe B (group B streptococcus, GBS). "Le taux de mortalité des méningites à Haemophilus influenzae atteint 73% en l'absence de traitement et reste élevée même lorsqu'elles sont correctement soignées", souligne le pédiatre bruxellois. "C'est l'une des raisons pour lesquelles le schéma vaccinal de base comprend également un vaccin contre ce pathogène et plus précisément contre Haemophilus influenzae b, le plus dangereux des six sérotypes existants. L'immunisation repose sur l'une des composantes du vaccin hexavalent, dont le CSS recommande quatre doses (à 4, 8 et 12 semaines puis entre 13 et 15 mois). Le vaccin antipneumococcique est administré à l'âge de 8 et 16 semaines, puis à 12 mois.""La vaccination contre le Covid a fait remonter certaines choses à la surface", observe encore le Dr Aman. "Nous voyons actuellement passer un nombre croissant de parents qui choisissent sciemment de ne pas faire vacciner leurs enfants et qui, en consultation, invoquent un certain nombre d'arguments pour justifier leur décision. Je pense qu'en tant que médecins, notre tâche est d'écouter ces personnes et d'entrer en dialogue avec elles, tout en continuant à souligner l'importance de la vaccination pour prévenir des maladies comme les méningites bactériennes. Le schéma vaccinal de base est mûrement réfléchi et en principe, tout enfant devrait être immunisé sur cette base. En tant que neurologue pédiatrique, j'ai vu des enfants mourir d'une méningite à Streptococcus pneumoniae. C'est vraiment le genre d'expérience dont on se passerait.""Ce que nous observons aussi chez certains parents, c'est une tendance à reporter la vaccination parce qu'ils pensent que le système immunitaire d'un petit de deux mois n'est pas suffisamment mûr. Nous devons clairement leur faire comprendre que l'immunité d'un bébé de deux mois est déjà bien développée et supporte parfaitement la vaccination, mais est aussi capable d'y apporter la réaction voulue. C'est une information importante, d'autant plus que la méningite se rencontre surtout chez les enfants de zéro à cinq ans et qu'une partie non négligeable des cas touche des nourrissons de moins d'un an. Reporter la vaccination, c'est prolonger cette période à risque."