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L'augmentation des troubles psychiques au cours de la grossesse et autour de la naissance n'est pas inhabituelle, mais la pandémie actuelle constitue une situation exceptionnelle, où les sensations d'angoisse et d'incertitude peuvent prendre des proportions inédites. " Le coronavirus met notre santé mentale à rude épreuve, en particulier chez les femmes enceintes et leur partenaire, ainsi que chez les jeunes parents ", explique Inge Tency, chargée de cours et chercheuse dans la section obstétrique de la haute école Odisee. " La gynécologue Els Dufraimont de l'hôpital Imelda de Bonheiden a remarqué que les gens étaient certes plus anxieux et préoccupés, mais aussi qu'il était difficile de définir quand cette peur pouvait être qualifiée de trouble ou quand la situation devenait ingérable. Il est normal de redouter l'accouchement en ces temps de crise, mais le problème est parfois plus grave. Els m'a ainsi parlé de situations préoccupantes, celle d'une femme par exemple, dont le mari travaille aux urgences et qui n'ose plus dormir avec lui. Ou d'une mère en suivi postnatal et qui raconte qu'elle risque de devenir folle ou de quitter son mari si on ne l'aide pas. Son conjoint doit en effet travailler de la maison et exige qu'elle fasse taire les deux enfants pendant sa réunion en ligne, alors qu'elle allaite son bébé... "Par souci de simplicité et d'accessibilité, l'autotest se passe en ligne. Celui-ci est basé sur les outils de dépistage existants : l'échelle de dépression postnatale d'Edimbourg (EPDS) et l'échelle de dépistage des troubles anxieux (GAD-7). Celle ou celui qui obtient un haut score sur l'EPDS en termes d'angoisse répond à des questions complémentaires tirées du GAD-7. En fonction du score final, les couples en attente d'un enfant et les jeunes parents reçoivent un avis adapté. En cas de score bas, la personne est rassurée et renvoyée vers une page reprenant des liens utiles et fiables, ainsi que des infos sur le coronavirus. Si le test révèle une angoisse ingérable ou une dépression, l'intéressé-e est encouragé-e à prendre contact avec une autre personne de confiance. " Cela peut être un généraliste, une sage-femme ou une autre personne de confiance ", poursuit Inge Tency, " mais nous avons également posté un lien vers la page Facebook Mentale zorgen bij corona en zwangerschap (Soins mentaux aux personnes enceintes en temps de coronavirus, ndt) du centre d'expertise en psychiatrie périnatale Moeder & Baby de Zoersel et de Gand, où il est possible de prendre rendez-vous en ligne avec un prestataire de soins spécialisé ou dans l'un des centres de santé mentale partenaires. Les personnes peuvent également être redirigées vers des centres de maternité. "Le conjoint de la femme enceinte peut également remplir un questionnaire. " Nous ne les oublions pas, car eux/elles aussi ressentent de l'angoisse ou se font du souci. Le coronavirus les empêchent d'assister aux consultations sur place, et beaucoup d'interrogations restent sans réponses. "" Nous avons délibérément choisi de ne pas donner de score aux participants ", poursuit Inge Tency. " Par contre, nous leur donnons un code, de sorte que les prestataires de soins puissent savoir où ces personnes en sont. L'avis est libre, puisque les gens décident seuls s'ils veulent faire appel à une aide ou non. "Inge rappelle que le projet a vocation d'outil pour les femmes enceintes, leur conjoint et les jeunes parents, et non d'étude scientifique. " Nous ne collectons aucune donnée et la participation est complètement anonyme. Nous ne tirerons donc aucune conclusion des résultats. Le plus important pour nous est d'associer le dépistage à une offre de soins. Nous apprenons beaucoup grâce à ce projet et, qui sait, peut-être celui-ci sera-t-il utilisable hors crise... "Pour développer l'autotest, la haute école Odisee a collaboré avec les collègues chercheurs d'Artesis Plantijn, le psychiatre et Dr Kristiaan Plasmans et Helga Peeters du Moeder en baby de Zoersel, des étudiants, des sages-femmes et des gynécologues. Les hautes écoles Odisee et Artesis Plantijn sont impliquées dans le Path, projet européen autour de la santé mentale périnatale. La section IT de l'université de Bournemouth, partenaire britannique du projet PATH, a également apporté son soutien au développement du site web et de l'outil digital 1. Nous avons soumis le test à Eva, jeune mère qui donnera naissance à son deuxième enfant en juin. Ses réponses indiquent qu'elle souffrent peu ou modérément de sentiments dépressifs ou d'angoisse. " Cela a été un vrai soulagement de voir que les questions qui me taraudent sont légitimes. Pour moi, le fait d'avoir déjà été enceinte est clairement un avantage ", reconnaît-elle. " Si cela avait été mon premier enfant, je me serais fait bien plus de soucis. "" Une première grossesse accroît en effet les risques d'angoisse et d'incertitude ", confirme Inge Tency. " C'est pourquoi nous avons ajouté une question sur le nombre de grossesses et d'accouchements. Libre à chacune de ne pas répondre à cette question. Une fois de plus, ce n'est pas un instrument de recherche, mais bien un outil pour aider les gens et leur montrer le chemin d'une assistance professionnelle. "