Avec "Track and Trace", festival de photographie, Courtrai révèle ses (grandes) ambitions culturelles.
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Dans l'optique de sa candidature en tant que Ville européenne de la culture 2030 sans doute pour éviter un caractère trop belgicain vu l'année, (outre Bruxelles, Malines et Gand sont aussi sur les rangs comme par hasard...), la ville de Courtrai a imaginé un festival de photographie qui se décline partout dans la ville, mais s'ancre sur quatre lieux centraux: le premier est le musée Texture, ancienne draperie qui dispose en son sommet d'un espace muséal conséquent, lequel accueille une exposition intitulée Track and Trace qui est d'ailleurs la thématique générale du festival: dans un monde inondé d'images, elle interroge les notions d'identification, de communication et d'enregistrement. Chloe Rosser identifie d'abord les corps qu'elle fixe dans des postures qui les montrent faussement incomplets ou camouflés. Katrien De Blauwer reprend des images de parties de corps féminins, tirés de vieux magazine de mode noir et blanc dans des collages qui visent à sa propre introspection concernant son identité. Quant à Lennert Depreterre, s'il invite le visiteur à se prendre en selfie, le résultat échappe complètement à ce dernier, qui voit son image ensuite également découpée et morcelée. La communication renvoie évidemment au monde pixelisé auquel se réfère notamment Claudia Angelmaier, qui reproduit en pixels une photo de nuage, fameux cliché du célèbre photographe Edward Weston. Quant au tableau La baigneuse de Ingres, l'artiste allemand se saisit d'une carte postale du Louvre qu'elle prend de verso laissant apparaître légèrement l'image, reproduite comme sur la carte mais à la taille originale de la toile: beaucoup plus imposante. Au Louvre toujours, Antonio Perez Rio filme et photographie des visiteurs prenant en photos des oeuvres du musée parisien: un travail qui évoque une mise en abîme muséale déjà vue chez Thomas Struth. Dans la section "Enregistrement" enfin, John Ryan Brubaker a repris des photos censurées (et donc exagérément pixelisées) sur internet par les algorithmes, notamment celle d'une femme donnant le sein... Chris Depoorter s'est branché sur plus de 1.000 caméras de surveillance dans le monde, diffusées tour à tour sur quatre écrans et que des joysticks permettent de faire défiler: l'on passe du cul de vaches en France à un parking aux États-Unis en passant par l'atelier d'un luthier à Paris... par exemple. Enfin, l'Américain d'origine bengalie Hasan Elahi arrêté à plusieurs reprises par le FBI à sa descente d'avion pendant 15 ans à partir de 2001, car suspecté de terrorisme, il décide, devant les interpellations à répétition, de contribuer à sa propre filature, en prenant en photos les lieux qu'il visite et jusqu'aux repas qu'il prend. Le résultat rempli tout un mur: instagram avant la lettre. Hors des murs de Texture, un autre point de "fixation" du festival est la piscine non couverte de Courtrai, merveille moderniste des années 50 ; elle accueille les clichés sur bâches ou Dibond de photographes amateurs de la capitale du "Texas belge" qui ont interagi avec des personnes âgées, du milieu défavorisé, d'un restaurant social, de jeunes en difficulté ou de personne souffrant d'un handicap: le résultat est d'une grande diversité et d'une qualité constante et excellente. À l'abbaye de Groeninghe, devenue Musée Kotrijk 1302 (qui célèbre la Bataille des Éperons d'Or), le travail de Bieke Depoorter explore la relation qui lie l'artiste à son sujet: le récit d'Agata, rencontrée dans un club de strip-tease parisien et en quête de son identité. Enfin à la pardenstallen (écuries en néerlandais), cinq récits photographiques documentaires dont quatre d'un noir et blanc expressif notamment sur les pêcheurs ou les hooligans. À tout cela s'ajoutent des panneaux disposés dans tout le centre-ville et qui mettent en exergue le travail des photographes amateurs locaux (plus d'une soixantaine pour un total de 130 panneaux disposés notamment le long de la Lys). Certains arborent un QR code qui permet de visualiser les lieux au travers des clichés du passé. Moins moderne mais plus charmant, l'antique tour Broel est transformée en énorme caméra obscura. Enfin, comme tout bon festival qui se respecte dorénavant, Track and Trace comporte un volet of qui verra des oeuvres de Dirk Braeckam exposées à Waregem et celle de la jeune Liégeoise Lara Gasparotto à la librairie Theoria.Bref, de la photographie Courtrai tire un joli portrait de groupe...