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Elles existent, ces personnes insensibles au VIH. Elles ont en elles une mutation homozygote du gène qui code pour CCR5, la protéine présente à la surface des lymphocytes T auxiliaires, à savoir la cible préférée du VIH. Ce dernier a besoin de CCR5 comme co-réceptrice pour pénétrer dans les lymphocytes T auxiliaires, en plus du récepteur CD4. Chez les personnes insensibles au VIH, CCR5 n'est plus produite, suite à une mutation génétique spontanée. Le virus trouve donc porte close.Ces données ont permis de soigner deux patients atteints du VIH. Le premier s'est fait opérer en 2007. Il s'agit de Timothy Ray Brown, mieux connu sous le nom de Patient de Berlin (lieu où l'intéressé était traité), et qui avait contracté une leucémie liée à son VIH. La chimiothérapie n'avait pas eu les effets escomptés et Timothy avait dû subir une greffe de moelle d'une personne non sensible au virus du VIH. Douze ans plus tard, le virus a disparu de son sang et la leucémie est en rémission. Un autre patient a connu le même sort heureux au début du printemps 2019. Celui-ci n'a plus le VIH depuis 18 mois maintenant.1% de la population européenne est porteur homozygote de la mutation de CCR5. Les porteurs proviennent majoritairement des pays scandinaves et peu du reste du monde. Afin de rendre le traitement par lymphocytes porteurs d'une mutation de CCR5 accessible au plus grand nombre, le chercheur chinois Hongkui Deng a développé une nouvelle technologie : CRISPR-Cas9. Cette technique constitue une véritable révolution et permet aux chercheurs d'intervenir bien plus aisément sur le génome de la cellule. Grâce à CRISPR-Cas9, le chercheur a pu traiter des cellules souches normales avec des CCR5 mutées, les rendant par là-même insensibles au VIH. Le patient bénéficiaire de ce traitement était lui aussi atteint de leucémie.Malheureusement, la technique CRISPR n'a pas permis de mettre la mutation complètement en oeuvre. Au final, seuls quelque 18% des cellules du donneur avaient muté. Afin d'optimaliser les chances de guérison, les cellules mutées avaient été mélangées avec des cellules normales du donneur.Neuf mois plus tard, les cellules traitées par CRISPR étaient toujours présentes, mais ne représentaient plus que 5 à 8% du nombre total de cellules souches chez le receveur. Ce qui signifie qu'un peu plus de la moitié des cellules souches traitées génétiquement étaient mortes. La leucémie était certes en rémission, mais l'infection par le VIH était toujours là. Les auteurs étaient conscients que les 5 à 8% de cellules résistantes au VIH ne suffiraient pas à endiguer l'infection. Toutefois, l'objectif premier de cette étude était de démontrer la sécurité du traitement. Il faudra maintenant chercher des moyens d'augmenter le nombre de cellules de donneur résistantes au VIH.Cette méthode est déconseillée à l'ensemble des malades du VIH, car les désagréments du traitement par antirétroviraux ne font pas le poids face aux risques liés à la greffe de moelle osseuse. En outre, la désactivation du récepteur CCR5 pose question. Il était peut-être naïf de penser que cela n'avait aucun effet sur l'état de santé. Une étude suédoise a ainsi montré, au printemps, que des personnes porteuses d'une mutation CCR5 homozygote auraient une espérance de vie plus courte que le reste de la population.