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On a longtemps pensé que les transgenres n'étaient pas intéressés de conserver leur potentiel reproductif. Il n'en est apparemment rien, plusieurs études prouvant même le contraire. Pour les hommes trans, la procréation médicalement assistée peut reposer sur une cryoconservation des ovules ou de tissu ovarien. Le transfert d'embryons frais ou congelés est également possible. Les hommes trans qui ont déjà pris de la testostérone dans le cadre de leur traitement de transition forment un cas à part. Jusqu'à présent, il n'était pas certain que ce traitement influait sur les chances de réussite du prélèvement d'ovocytes et sur la FIV. Resetkova et son équipe ont analysé la situation à la lumière de données rétrospectives sur des hommes trans traités dans une clinique américaine spécialisée dans les FIV. Tous ces hommes avaient suivi un traitement par stimulation ovarienne, avec une attention particulière pour la cryoconservation des ovules, la cryoconservation d'un embryon ou le transfert embryonnaire. Chaque homme trans a été comparé à cinq femmes cis, qui se ressemblaient en termes d'âge, d'IMC et de taux d'hormone anti-müllerienne (qui donne une bonne mesure de la réserve ovarienne de follicules primaines). Les femmes cis atteintes de troubles de l'ovulation ont par contre été écartées. Les hommes trans avaient entre 14 et 39 ans, avec une moyenne de 28 ans au début du traitement par stimulation ovarienne. La plupart d'entre eux (61%) avaient déjà pris de la testostérone. La durée moyenne du traitement s'élevait à 3,7 ans, étalé sur une période allant de 3 mois à 17 ans. La récolte chez les hommes trans ne pouvait pas être moindre que chez les femmes cis : 19,9 +/- 7 ovules par cycle contre 15,9 +/- 9,6. Chez les hommes cis, de plus hautes doses de gonadotropine étaient administrées que chez les femmes cis. Les thérapeutes étaient libres de choisir la dose. Peut-être ont-ils donné de plus hautes doses aux hommes trans, dans le but d'optimaliser les chances de réussite dès le premier cycle de stimulation. Sur les 26 hommes trans de l'étude, 16 ont opté pour la cryoconservation des ovules. Sept hommes ont choisi le transfert d'un embryon frais ou congelé. Dans les sept cas, cela a permis une naissance viable de l'enfant. Deux des sept ont même porté eux-mêmes le bébé. Chez les cinq autres, le choix s'est porté sur le transfert embryonnaire vers une femmes cis avec qui la personne vivait en couple. Les auteur-e-s de l'étude en concluent que l'utilisation préalable de testostérone n'a pas de contrecoup négatif sur la disponibilité des ovules, dans le cadre d'une FIV. Les hommes trans savent donc aujourd'hui qu'ils peuvent avoir des enfants avec leur propre matériel, même après plusieurs années de traitement par testostérone. " Nous avons même constaté que les hommes ayant pris de la testostérone avaient tendance à fabriquer davantage d'ovules ", explique la chercheuse en chef Nina Resetkova. Certes, elle reconnaît que le nombre réduit de participants à l'étude ne permet pas de donner de conclusions définitives. Mais s'il en était vraiment ainsi ? L'endocrinologue Resetkova compare leur cas avec celui des femmes souffrant d'un trouble de l'ovaire polykystique (OMPK). Elles aussi ont un taux de testostérone en augmentation et fournissent par conséquent un plus grand nombre d'ovules lors du prélèvement. Dans une phase ultérieure, il faudra vérifier que le prélèvement d'ovules chez les hommes trans sera bien envisageable sans interruption du traitement à base de testostérone. De nombreux hommes trans vivent en effet difficilement l'arrêt de cette hormone, ne fut-ce que parce qu'elle signe souvent le retour des menstruations.