Florence Hut, directrice médicale du Chwapi, présente les caractéristiques spécifiques des deux vagues pandémiques qui ont submergé les hôpitaux au printemps et en automne.
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"D urant la 2e vague, nous avons dû ouvrir quatre unités Covid en une semaine. Au pic, nous en avions sept", explique le Dr Florence Hut. "Début octobre, l'hôpital a dû prendre en charge très rapidement de nombreux patients. Le 2 novembre, dans la phase la plus aiguë, nous avions 154 patients Covid hospitalisés au Chwapi, pour 90 patients lors du pic de la première vague."En mars, l'hôpital tournaisien a créé un poste médical d'urgences dissocié pour accueillir les patients (suspectés) Covid. 47 patients y ont été vus en une journée durant la deuxième vague. "Un record. Au Chwapi, en période normale, nos urgences voient 140 patients par jour. Un jour, nous avons hospitalisé 17 patients Covid. En une journée, nous avions rempli plus que la moitié d'une unité."Le Dr Florence Hut estime qu'au niveau de l'organisation la deuxième vague a été plus facile à gérer que la première parce que l'hôpital disposait enfin d'équipements de protection individuelle et de médicaments. "Nous avions au moins 21 jours de réserve pour tout, à consommation constante. Au printemps, par contre, le personnel s'inquiétait de ne pas disposer de FFP2 et de blouses. D'autant plus que la maladie était une inconnue. Certains travailleurs ne voulaient pas être affectés aux unités Covid. Durant la deuxième vague, les équipes étaient moins inquiètes."À l'instar de ses confrères (lire notre grande enquête sur l'analyse de la première vague par les directeurs hospitaliers dans jdM n°2650), la directrice médicale souligne que le niveau d'absentéisme a été plus important en automne qu'au printemps. "Durant la première vague, nous avons eu au maximum dix personnes absentes en même temps à cause du Covid. En novembre, nous en avions une cinquantaine à la fois."Florence Hut souligne que durant la deuxième vague le Chwapi a dû faire face à des clusters dans ses unités de soins (en psychiatrie, en gériatrie, en revalidation et en dialyse), provoqués par les visites et le personnel qui avait été infecté. "Durant la première vague, nous pouvions déplacer des patients Covid hospitalisés dans les unités de soins classiques vers nos unités Covid sur un seul de nos sites. Ces transferts n'ont pas été possibles en automne, faute de places disponibles."Autre constat du Dr Hut, Sciensano modifiait moins souvent ses recommandations durant la deuxième vague qu'au début de la crise . "Au début de la pandémie, elles changeaient plusieurs fois par jour en nous indiquant qui tester et comment. Après, nous avons pu compter sur une certaine stabilité au niveau des recommandations. Ce qui est beaucoup plus simple pour les équipes."La directrice médicale souligne que la prise en charge hospitalière du Covid est relativement simple: le diagnostic est facile à poser et le traitement est aisé à administrer. "En réalité, 90% du travail est effectué par le nursing. Et 10% par les médecins. Pour les infirmières, le travail est très lourd en raison des protections à prendre et parce que les patients, qui n'ont plus de visites, sont demandeurs d'interactions et d'attention. En plus, durant la deuxième vague, les cas étaient plus graves qu'au printemps puisque nous n'avons gardé que les patients les plus atteints à l'hôpital. Leur état pouvait se dégrader très rapidement, ce qui est très angoissant pour les infirmières. Nous n'avons toujours pas identifié les patients qui sont susceptibles de subir cette dégradation rapide. À part, les obèses, les diabétiques, les vieux, les hommes plus que les femmes... mais sur le terrain, on est parfois surpris de l'évolution rapide des patients."Le Chwapi a ouvert un service middle-care, géré par les anesthésistes, pour surveiller les patients qui ne doivent pas être intubés mais nécessitent une ventilation non invasive et deux extensions des soins intensifs. Les patients intubés sont uniquement pris en charge aux soins intensifs. "L'USI peut donc se concentrer sur les patients les plus graves. Ce qui n'est pas toujours facile à vivre pour cette équipe parce que le nombre de patients qui retournent en salle est moins élevé qu'avant.". Entre le 15 mars et le 17 novembre, 148 personnes sont décédées du Covid au Chwapi. Pouvant compter sur un nombre de lits d'USI relativement élevé, le Chwapi n'a dû, durant la deuxième vague, transférer que sept patients vers d'autres hôpitaux. Autre différence notable entre les deux vagues, le Chwapi a pu moins compter sur les médecins en formation en octobre parce qu'ils venaient d'intégrer l'hôpital. "En mars, nous avions réquisitionné tous les assistants. Ils ont travaillé dans les salles Covid sous la supervision d'un médecin expérimenté. Cela s'est très bien passé. En octobre, les assistants venaient d'arriver à l'hôpital. Ils découvraient encore les procédures, le dossier médical et les équipes. Nous avons donc réduit le niveau de responsabilité des assistants et réquisitionné d'autres spécialistes comme les chirurgiens. Toutes les disciplines chirurgicales ont participé à cet effort. Cette belle mobilisation a permis de faire travailler ensemble des spécialistes qui n'ont pas l'habitude de collaborer. Les chirurgiens ont été exemplaires. Dans une crise d'une telle ampleur, on ne peut pas mobiliser les ressources humaines en se basant sur le volontariat. Cela ne fonctionne pas et en plus, ce mode de fonctionnement avalise une injustice. C'est également plus respectueux des assistants qui ne sont pas privés complètement de leur formation en étant exclusivement assignés aux unités Covid."