"La surenchère sur le bon d'État mine la rentabilité des banques", déclarait voici peu Michael Anseeuw, administrateur délégué de BNP Paribas Fortis. Le propos se réfère aux rendements améliorés que les institutions financières proposent à leurs clients pour récupérer les 22 milliards prêtés à l'État l'an dernier. Les conditions sont diverses et changeantes, au point qu'il est bien difficile de s'y retrouver! Où en est-on?
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Le bon d'État de septembre 2023 n'a, dans l'absolu, pas été le déclencheur de la hausse des rendements sur les produits d'épargne, mais il a accentué une tendance déjà bien en route. Comme le révèle le site de comparaisons guide-epargne.be, le meilleur taux en comptes d'épargne avoisinait 0,6% à peine en été 2022. Un an plus tard, il avait déjà grimpé à 2,5% et il se situe aujourd'hui au-delà de 3%. Il s'agit là du meilleur taux, proposé par une banque ne faisant pas partie des quatre ténors du marché belge que sont Belfius, Fortis, ING et KBC. Le grand mérite du bon d'État, c'est d'avoir obligé ce quatuor (et quelques autres) à suivre les outsiders. Autrement dit, le rendement moyen de l'épargne des Belges a bel et bien grimpé de fort sympathique façon! Le patron de la première banque du pays est bien placé pour savoir de quoi il parle, puisque Fortis a, comme les autres cet été, lancé des produits d'épargne affichant des rendements censés attirer les citoyens en mal de réinvestissement des capitaux dégagés du fameux bon d'État "Van Peteghem" de septembre 2023. La banque a en effet, le 4 septembre dernier, proposé des bons de caisse affichant un rendement brut de 3,1%, soit 2,17% net après précompte de 30%. C'est sensiblement mieux que le 1,93% du nouveau bon d'État. Et ceci pour un, deux mais aussi trois ans, ce qui est une nouveauté. La filiale belge du groupe français BNP Paribas avait même frappé assez fort sur deux plans. D'une part, en accordant ces conditions à tous les capitaux et non seulement aux "nouveaux", soit l'argent provenant d'ailleurs, en ce compris du bon d'État. D'autre part, en accordant une compensation de 0,2% aux clients ayant, un peu plus tôt, souscrit à ses bons de caisse affichant un rendement brut de 2,9%. Sympathique et malin: on sait combien il est vexant pour un client de la première heure de se voir moins bien traité que les suivants! Le groupe KBC a embrayé à 3,1% pour un an, tandis qu'ING affiche 3,05% et que quelques autres institutions offrent 3% brut. C'est sur le terrain du compte à terme que d'autres acteurs, mais parfois les mêmes, mettent l'accent. ING lançait ainsi, dès le 26 août, un compte à un an affichant 3,8% brut, soit 2,66% net. Comme le bon de caisse, mais contrairement au compte d'épargne (du moins jusqu'à 1.020 euros d'intérêts), le compte à terme est en effet soumis au précompte mobilier. C'était alors le taux le plus élevé du marché, d'autant que les personnes ayant déjà "réservé" le produit avaient droit à un bonus de 0,2%, portant donc le rendement brut à 4%. Du coup, la banque en ligne MeDirect s'est sentie obligée de porter le rendement de son compte de 3,3 à 3,6% brut, soit 2,52% net. ING s'était de doute façon fait coiffer sur le poteau par le groupe CBC/KBC. Il offrait des conditions identiques pour 13 mois, mais avait arrondi à 4% (soit 2,80% net) pour six mois, prenant la tête du classement. Ce ne sont là que quelques exemples d'offres plutôt attrayantes, mais... Il y a en vérité plusieurs "mais". D'une part, ces taux en quelque sorte promotionnels ne valent que pour de l'argent frais, c'est-à-dire ne se trouvant pas déjà sur un compte détenu dans l'institution en question. D'autre part, ces offres sont souvent très temporaires, véritablement liées au remboursement du bon d'État de 2023. Alors que l'offre d'ING vaut jusqu'à la fin du mois, celle de KBC fut déjà clôturée le 15 septembre. Et chez MeDirect, devant le succès (excessif? ) de l'opération, le taux est revenu à 3,3% dès le 10 septembre. Le taux affiché par un compte à terme vaut par définition jusqu'au terme, c'est-à-dire pour la totalité de la période de placement, comme c'est le cas pour un bon de caisse. Signalons que plusieurs établissements proposent des taux assez attrayants pour des périodes de plusieurs années. La petite banque d'épargne CKV, basée à Waregem (Flandre occidentale) et travaillant avec des courtiers, affiche 3,65% brut (2,555% net) pour cinq ans. Beobank offre 3,4% brut pour cette même durée et 3,5% pour huit ans. Confronté à ces taux changeants et offres éphémères, l'épargnant aura sans doute tendance à se tourner vers ce bon vieux compte d'épargne, aussi appelé carnet de dépôt, pour placer ses liquidités. D'autant qu'on trouve des rendements assez attrayants (moyennant les remarques faites plus loin), puisque les intérêts sont exempts de précompte mobilier jusqu'à 1.020 euros par personne. Avec un rendement de 3%, ceci correspond à un placement de 34.000 euros. Voici les institutions offrant actuellement les taux les plus élevés, avec le nom du produit, éventuellement en raccourci: Vdk (Rythme): 3,15% Argenta (accroissement): 3% ING (Tempo): 3% Santander (Bank Vision Max): 3% Santander (Bank Vision Plus): 2,85% Medirect (Essential): 2,80% NIBC (fidélité): 2,75% Au-delà du taux global, c'est la composition de ce dernier qui recèle des différences. Tandis que les trois comptes offrant 3% se composent de 1,20% de taux de base et de 1,80% de prime de fidélité, Vdk pousse le premier à 1,40%. Cette petite banque flamande s'est fait connaître du côté francophone en rachetant la banque coopérative NewB après son échec. Elle a depuis ouvert une agence à Bruxelles et compte s'étendre en Wallonie. La banque en ligne maltaise MeDirect va beaucoup plus loin, avec pas moins de 2% de taux de base, un record. Bon à savoir si on n'est pas sûr de la disponibilité de son épargne. Situation inverse pour certains comptes qui affichent 2% de taux global mais n'offrent que 0,25% de taux de base. C'est le cas tant chez Argenta que chez Belfius, mais aussi Crelan et Triodos. Il est quand même à noter qu'un taux de base très faible n'est pas nécessairement une tare. De fait, si un taux de base élevé a pour avantage de ne pas faire perdre trop de rendement en cas de retrait après moins d'un an, il présente aussi un inconvénient: la banque peut l'abaisser à tout moment, pour s'adapter à l'évolution du marché. La prime de fidélité est au contraire garantie pour 12 mois. À chacun de juger en fonction de l'échéance supposée de son épargne... De toute manière, la réflexion ne saurait s'arrêter là. Ne rappelle-t-on pas qu'en période de baisse des taux, il vaut mieux viser une échéance plus lointaine? Investir à 3% par exemple pour plusieurs années est clairement plus avantageux que le faire à 3,25% pour un an, mais de devoir ensuite replacer l'argent à 2,75, puis 2,5% par exemple. Or, personne ne doute que l'on se situe bel et bien dans une telle période de baisse des taux. Par ailleurs, les prix des actifs financiers, en particulier les valeurs de rendement, n'intègrent pas encore vraiment cette donnée. Beaucoup pointent du doigt l'immobilier. Tant les SIR (sociétés immobilières réglementées) belges que les entreprises et fonds immobiliers internationaux se sont effondrés en bourse, et non sans raison. Avant la dramatique hausse des taux d'intérêt de 2022, le secteur avait déjà subi les conséquences de la crise du covid: horeca en perdition, centres commerciaux désertés, bureaux excédentaires suite au télétravail... On n'imagine pas un retour aux cours du début 2020 (quand Cofinimmo dépassait 150 euros! ): ils étaient euphoriques et extrapolaient abusivement les taux d'intérêt quasiment nuls de l'époque. Par contre, leur rattrapage semble encore fort timide et, surtout, au point mort cette année, alors que la marche des affaires ne s'est pas détériorée de manière dramatique ou qu'elle a bien rebondi. L'indice STOXX 600 Europe immobilier (dans lequel les SIR belges pèsent 6,2%) a gagné 19,4% sur un an, c'est vrai, contre 14,6% pour l'indice général. Par contre, dividendes compris, sa performance est encore de -31,2% sur trois ans, contre +11,5% pour l'ensemble des actions européennes. Et il fait quasiment du surplace depuis le début de l'année, avec +1,8%, contre +9,6%. C'est un peu sévère... Ce constat vaut pour nombre de SIR belges, avec une Cofinimmo en timide rebond ces derniers mois, mais toujours en chute de 47% sur cinq ans et encore un peu dans le rouge sur un an. La société doit acter de petites moins-values sur ses actifs, mais la décote par rapport à sa valeur intrinsèque est de l'ordre de 30%. Et le dividende de 6,2 euros annoncé pour l'exercice en cours, soit 4,34 euros après précompte, offre un rendement net de 6,4% sur la base de ses cours récents. KBC a récemment glissé cette SIR parmi ses actions favorites. À l'attention des investisseurs intéressés par des valeurs défensives offrant un bon rendement. Également investie dans le fort défensif immobilier de santé, Aedifica offre un rendement moindre (4,2% net), mais affiche un parcours historique plus dynamique (+42% sur dix ans, contre -23% pour Cofinimmo), qui s'est d'ailleurs traduit par une hausse de 14% depuis le début de l'année.