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En Belgique, Hélène Gérin était accompagnante à la naissance et thérapeute spécialisée en accueil de la famille et de la petite enfance, jusqu'il y a quatre ans. Dans sa pratique professionnelle, elle a eu l'occasion d'accueillir des parents ayant perdu un bébé, durant la grossesse, à l'accouchement ou peu de temps après. Et quand ils prenaient rendez-vous chez elle, elle savait pourquoi ils venaient. Elle pouvait anticiper la douleur de leur deuil. Par contre, elle avoue avoir été très surprise d'entendre une douleur supplémentaire, celle de la maladresse de l'entourage ; des petites phrases blessantes ou encore le silence gênant. Au fond d'elle, elle se demandait s'il n'y avait pas moyen de réagir différemment par rapport au deuil des tout petits. Hélène Gérin est alors partie à la rencontre de ces parents endeuillés pour recueillir leurs récits. Elle a entendu des centaines d'histoires, de parents qui souffraient, de relations avec les proches maladroits ou de tabou. Et d'un autre côté, des histoires où les parents avaient vécu des moments magiques avec leur entourage parce qu'ils avaient réussi à être présents pour eux. Tout cela, à travers de petits gestes, parfois un regard, une main sur une épaule, un texto et dans d'autres cas, un accompagnement, un soutien plus présent, durable sur le temps qui se répétait de semaine en semaine. Il y a deux ans, elle publiait Dans ces moments-là, un livre destiné à accompagner les parents et les proches lors de la perte d'un bébé. Un recueil de récits tous très différents mais aussi une boite à outils de conseils pour les parents et les proches. L'idée de la formation est venue plus tard, quand après avoir écouté ces témoignages, beaucoup de parents lui parlaient de ces mêmes problèmes rencontrés avec le personnel médical. " Il est arrivé que des gynécos, des sages- femmes ou des psy soient maladroits, voire très blessants et puis d'autres, au contraire, avaient une humanité incroyable. Et de ces derniers, ces parents s'en souvenaient encore des années après", raconte l'auteure. Elle s'est rendu compte que le personnel soignant avait aussi besoin d'outils. "C'est d'ailleurs très rarement abordé dans les formations professionnelles, que ce soit pour les sages-femmes, les infirmiers ou les médecins", poursuit-elle . "Et en tant que médecins, ils sont amenés à accompagner la vie, à se battre pour elle mais la place qu'on fait à la mort n'est pas le coeur de la formation." Beaucoup de professionnels lui ont écrit pour savoir comment ils devaient faire. Ils avaient envie de faire plus mais ne savaient pas comment car ils n'avaient pas appris. " à côté de cela, le personnel soignant joue un rôle clé. Ils sont les premiers à intervenir. Leurs mots, leurs gestes et leur attitude auront un impact à très long terme et seront parfois les seuls. Dans le cas du décès périnatal, la société ne les reconnaît pas, et il y a même parfois un tabou. Et les rares personnes qui auront interagi autour de ce petit être, seront les professionnels de la santé présents." Hélène Gérin avait envie de partager son travail avec les soignants pour qu'ils puissent mieux accompagner et avoir une présence plus juste. C'est une formation qui a été construite suivant une chronologie précise, explique-t-elle. Depuis le moment de l'annonce du décès du bébé à un an après, lors d'une visite pour une nouvelle grossesse par exemple. "Dans la ligne du temps, il y a le moment du choc, du déni, de l'annonce. Et je voulais porter un soin particulier à ces premiers instants où tout bascule dans la tête des parents. Mais il y a aussi d'autres moments importants plus tard, et ce n'est pas le même type d'accompagnement", précise l'auteure de la formation. à côté de la chronologie, il lui paraissait important dans la formation de s'attacher aux mots utilisés, aux gestes et aux attitudes, prenant appui sur des témoignages. "Il y en a un ou deux qui m'ont marquée, c'est tout d'abord celui d'une maman qui me racontait que deux infirmières étaient passées le lendemain du décès du bébé et parlaient de leurs vacances au ski. Elles ne voyaient pas le drame que la maman vivait. Et à l'inverse, à une autre maman, au moment de l'accouchement de son bébé déjà décédé, la sage- femme lui disait de s'imaginer qu'elle était un chêne solide et de se laisser tomber dans ses bras, de s'abandonner complètement car elle était là et elle pouvait compter sur elle. Et pendant ce temps-là, l'anesthésiste lui massait le dos après la péridurale. Ce duo, cette maman s'en rappellera toute sa vie. Il est important de donner de nombreux cas concrets pour que les soignants puissent s'inspirer des bonnes pratiques de leurs collègues."La formation prévoit également des exercices pratiques pour faire le point sur son propre rapport à la mort. " Une personne peut avoir aussi vécu une fausse couche ou un avortement, et de vieux souvenirs peuvent ressurgir lors d'un accompagnement alors qu'on a vécu quelque chose de similaire. On peut aussi tout simplement faire le point sur nos deuils parce qu'on a presque tous vécu à un moment donné, un décès autour de nous. Ensuite, un module propose des ressources à donner aux parents au moment où ils quittent l'hôpital et des ressources lors des visites, une fois de retour chez eux." Cette formation en ligne suit les besoins des soignants et des parents. Tout ce qui peut rendre le séjour hospitalier plus doux pour les parents, qui n'est pas coûteux ni en temps ni en argent. Une infirmière qui a allumé une bougie dans la chambre, ou une sage-femme qui vient apporter une tisane, par exemple. Ces petits gestes permettent de transformer l'horreur en un moment de répit. Suivant le principe de participation libre et consciente au niveau du prix, les participants à la formation peuvent donner ce qui leur semble juste ou possible. " Ce qui me parait juste", conclut Hélène Gérin , "c'est 120 euros, mais parfois certains services n'ont pas cette somme-là et les gens peuvent donner ce qu'ils peuvent." Certaines personnes donnent plus, d'autres moins, le but étant que la formation reste accessible et que l'argent ne soit pas un frein, pourvu que les personnes qui ont envie de bien accompagner les parents endeuillés le fassent.