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Le Centre psychiatrique universitaire de la KULeuven (Kortenberg) a levé le voile sur une partie de ses archives à l'occasion de la journée d'étude consacrée à 55ans d'art thérapie. La collection est à découvrir jusqu'à la fin du mois de juin.Les arts plastiques sont aujourd'hui l'un des moyens d'expression non verbaux utilisés par les personnes souffrant de troubles psychiques pour exprimer et traiter leurs émotions.Sofie Mulier, art thérapeute : "Le Dr Michel Outtier a commencé avec les premières formes d'art thérapie dès 1963. De renommée internationale, il fut un véritable pionnier dans le domaine en Belgique. Il a participé à des congrès et a exposé dans le pays et à l'étranger. À Kortenberg, il était chef du service 'Thérapie créative et ergothérapie', service qu'il avait d'ailleurs lui-même développé. Le Dr Outtier était un touche-à-tout. Il peignait et avait l'oeil pour les oeuvres résultant de la thérapie. Il en distinguait les meilleures sans le moindre effort. "Bart Marius et Arnout De Cleene, deux experts du Musée du Docteur Guislain à Gand, se sont récemment rendus aux ateliers d'art thérapie du Centre psychiatrique universitaire sur le campus situé à Kortenberg. Ils ont été surpris par l'importance et l'exhaustivité de ses archives qui ont encore une grande valeur en termes historiques et scientifiques.Sofie Mulier: "Ici, les patients peuvent travailler librement autour de leurs rêves, de leurs préoccupations... ils ont l'opportunité de faire ressortir quelque chose de leur monde intérieur. C'est de manière délibérée que nous ne travaillons pas sur base de missions, comme le libre parler en psychothérapie. En tant que thérapeutes, nous sommes présents et nous les accompagnons pendant tout le processus. Pour nous, le processus est plus important que la production finale. Ce qu'il y a de bien avec l'art thérapie, c'est que cela reste tangible : les travaux sont rassemblés dans un dossier personnel que nous conservons. On peut donc y revenir et considérer tout le processus comme une sorte de journal intime. "Les archives sont en grande partie composées de peintures, de dessins et de sculptures en argile. Aujourd'hui, d'autres matériaux sont aussi abordés."Le matériel dont nous disposons est assez basique, mais les patients déterminent eux-mêmes ce qu'ils désirent utiliser. Il peut s'agir d'argile, de fusain ou de matériaux de récupération. Nos patients recherchent le matériau qui leur parle le plus", poursuit Sofie Mulier." Entre 1962 et 1984, nous avons certainement constitué un millier de dossiers et chacun comprend au moins dix travaux. Certains contiennent des travaux de moindre qualité, mais ils ont une valeur en tant que documents temporels. Les experts du Musée du Docteur Guislain ont trouvé que ces documents étaient intéressants. Il est aussi intéressant de conserver les archives dans leur intégralité. Un collage constitué de photos datant des années '60 nous renvoie par exemple directement au passé, même si le travail est sans doute de moindre qualité. "Les dossiers ont été annotés d'observations médicales et d'analyses sur les travaux visuels. Cette méthode a été appliquée jusqu'au milieu des années 1980. Cette quantité d'archives est d'une qualité exceptionnelle et en dit long sur une phase importante du développement de l'art thérapie en Belgique." C'est précisément parce que ce sont des archives importantes que nous aimerions pouvoir mieux les conserver. Actuellement, les conditions de conservation ne sont pas optimales. Les anciens travaux, datant des années '60, ont certainement été dessinés sur du papier de moindre qualité. Nous savons qu'ils vont se perdre avec le temps si nous ne pouvons pas mieux les archiver et les conserver. Le financement nécessaire et une expertise suffisante sont les conditions primordiales pour y parvenir. "Ces archives comprennent des travaux qui, d'un point de vue artistique, pourraient être exposés au sein d'un musée. La valeur historique de ces archives est d'autant plus importante que, outre les développements personnels de chacun, on retrouve des visions médicales et des pratiques changeantes, ainsi que des évolutions institutionnelles et des théories internationales sur la thérapie créative et l'expression artistique des patients psychiatriques.Outre les travaux, les archives contiennent également des articles, des coupures de presse et des échanges de lettres du fondateur, le Dr Outtier. Il s'agit d'une riche matière pour la recherche scientifique sur l'histoire de l'atelier même, sur la vision de son fondateur ainsi que sur les liens éventuels et des développements en Belgique et à l'étranger.L'exposition peut se visiter sur rendez-vous jusque fin juin au Centre psychiatrique universitaire de la KULeuven sur le campus de Kortenberg. À l'automne 2020, le Cera consacrera une exposition plus importante aux travaux des archives à destination du grand public. Elle se tiendra dans le forum du bâtiment Cera à Louvain.