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Globalement, les militaires réunis en cartel et qui ont pris contact avec le Jdm accusent le système d'évaluation dans son ensemble de sous-estimer systématiquement leur degré d'invalidité pour des raisons inconnues, mais "liées probablement à des économies budgétaires sur leur dos". Le premier problème soulevé par le groupe de militaires est que le président de facto de l'OML (Office de médecine légale), le Dr P., serait juge et partie puisqu'il donne l'approbation des expertises médicales à la place des médecins fonctionnaires habilités à le faire. Le Dr P., pourtant pensionné en 2019, a été désigné nouveau président de l'OML. Une forme d'auto-désignation donc d'un médecin qui continue d'exercer son magistère à titre bénévole bien que pensionné et d'approuver les évaluations médicales, comme l'a confirmé le Dr Libert Van Den Bempt (médecin néerlandophone), responsable de la qualité médicale francophone dans un email à l'avocat des militaires. De fait, le Dr P., continue d'approuver les protocoles d'expertises médicales (notamment un protocole du 22/1/2019 signé du Dr Sondag) faits par les médecins experts de l'OML alors qu'il est président de l'OML et non plus médecin du service qualité du Medex, seul ce dernier pouvant approuver l'avis du médecin expert de l'OML (selon l'AR de 1975 modifié le 14/12/2018). Une interprétation toutefois non partagée par Jean-Paul Gabry, DG Santé et Travail du SPF Santé publique, qui considère qu'en tant que président de l'OML, le Dr P. peut bien "veiller à la qualité médicale et au respect de la jurisprudence de l'OML en apposant son visa pour approbation à l'égard d'un échantillon d'expertise médicale". Un problème existe également auprès de la commissaire rapporteuse qui, selon les plaignants, renvoie les protocoles de manière "contraire à la réglementation". Selon le groupe de militaires, soutenu par deux avocats spécialisés, le vrai sujet, ce sont les expertises médicales: "Celles-ci seraient en réalité illégales, faites par des médecins experts soi-disant indépendants, mais qui, en réalité, ne décident pas en toute indépendance des taux d'invalidité. La conséquence est que les magistrats qui ont à juger des décisions médicales ont entre les mains des protocoles illégaux et irréguliers (actuellement, sans signature avec la mention 'signé électroniquement')." La procédure de "renvoi complémentaire" après dépôt de documents additionnels circonstanciés sur la pathologie du militaire est également sujette à caution. Ainsi un protocole concernant un certain Raymond Toussaint qui avait déposé une demande de renvoi complémentaire en aggravation le 26/8/2020 conclut... le 10 décembre 2023 qu'il n'y a pas d'aggravation d'acné sur le cuir chevelu ni de troubles psychologiques. Le 16/1/2024, Hubert Bernard, son "défenseur", estime que ce protocole "est la conclusion du Dr P., président de l'OML". Sa certitude se base sur le fait qu'au moment du passage de M. Toussaint à l'OML, "le Dr Depierreux, médecin expert indépendant de l'OML, n'avait aucun dossier papier sous la main et affirme l'avoir appris par coeur (quand et où? )". Le Dr Depierreux a reconnu d'ailleurs à cette occasion que la supervision de la section médicale de l'OML et du Président relevait "d'une certaine forme de flou", selon un courrier de l'avocat des militaires. La cheffe de service Évaluation du dommage corporel du SPF Santé publique rappelle en revanche dans un courrier au militaire Christian Verdoodt (autre militaire plaignant dans cette affaire): "Le visa pour approbation [du président de l'OML] consiste à vérifier si la mission a été correctement exécutée", mais "le président ne peut en aucun cas intervenir sur le fond et la forme et veille scrupuleusement à la totale indépendance des médecins experts de l'OML".Autre écueil: les procédures d'appel. Un appel des décisions est possible dans les 60 jours - ce qui est peu pour s'organiser. Une fois la décision de justice prise, il n'y a plus rien à faire si ce n'est lors d'une "révision quinquennale" de l'état physique de l'invalide (ces révisions tous les cinq ans portent très rarement le taux d'indemnité à la hausse, selon les plaignants). Au surplus, le groupe de militaires fâchés affirme que les révisions quinquennales sont faites par le même médecin responsable des expertises médicales qu'en première instance, une constatation confirmée par la députée Muriel Gerkens, dans une question parlementaire orale du 24 avril 2016. Ce médecin toucherait 5.300 euros bruts par mois pour six demi-jours de travail par semaine selon un militaire (qui possède une fiche de paie à l'appui de ses dires, le document ayant été envoyé à une mauvaise adresse email par le Medex). Le délai entre la réception de la mission par l'OML et la transmission de l'évaluation médicale à la Commission ad hoc est en principe de 180 jours, mais la députée Muriel Gerkens constatait qu'un dossier a traîné six mois, un record. Certains dossiers ont duré 17 ans. "Un scandale", s'exclamait-elle. Depuis, ces records ont été battus. Pour couronner le tout, le groupe de militaires déplore la perte de dossiers médicaux qu'ils jugent suspecte (un courrier d'une fonctionnaire confirme la perte de deux bacs, dont certains retrouvés ensuite comme par magie et qui avaient soi-disant été détruits). Certains de ces dossiers militaires retrouvés seraient, selon les militaires, "reconstitués". Des cas "d'indisponibilité provisoire" de dossiers médicaux sont à déplorer comme le confirme un courrier de l'attachée au contentieux du SPF Santé publique qui présente ses sincères excuses. La fonctionnaire assure cependant "qu'aucune fuite d'information sensible n'a eu lieu" et que la perte provisoire est due au déménagement du SPF Santé publique dans le centre de Bruxelles. Entre-temps, la perte de son dossier médical "par divers services de l'administration" serait, selon un plaignant, Luc Petit, à l'origine du délai de quatre ans (! ) entre la demande de pension (août 2019) et la décision de la commission des Pensions (novembre 2023). Du coup, une nouvelle demande de révision sur le genou droit "en carrière" déposée par M. Petit n'a pas été possible, car elle risquait de suspendre la révision quinquennale... M. Bernard ose y voir carrément "une magouille interne à l'administration des pensions". Depuis la digitalisation des dossiers, leur accès a été rendu quasi impossible, affirment les plaignants.Plaintes pour infraction au RGPD ont été déposées La Commission d'appel médical serait sujette à caution, la "preuve": sont apposées des signatures électroniques non valables de la part de cette commission car ne mentionnant ni le nom ni la date (ces documents montrés au jdM relèvent en effet d'une signature électronique "simple" - signature scannée et placée sur le document en tant qu'image sans force probante incontestable contrairement à la signature électronique "qualifiée"). D'ailleurs, la mention de "médecin-directeur", titre disparu depuis un AR de 2013, figure toujours sur certains protocoles. Les militaires s'estiment donc en droit de contester que les médecins experts ont bien signé eux-mêmes après examen minutieux des documents de leur propre chef. Dans une réponse parlementaire écrite (q4290), l'ancienne ministre de la Santé publique, Maggie De Block, précise d'ailleurs que chaque visa pour approbation (d'un protocole) doit porter la signature manuscrite d'un médecin de la section médicale de l'OML ainsi que la date et est toujours identifiable sur le protocole de l'expertise. Par ailleurs, selon le ministre des Pensions de l'époque, le Dr Daniel Bacquelaine, 80% des protocoles retournent vers l'OML pour corrections... Les plaignants fournissent plusieurs protocoles signés de cette manière notamment par le Dr Depierreux. Deux protocoles concernant les problèmes du militaire Koenraad Vanderborght divergent ainsi sur le taux d'invalidité relatif à une "tendinopathie calcifiante épaules gauche et droite". Le 13 janvier 2023, le patient reçoit un taux global de 11% pour les deux épaules. Le 20 octobre 2023, le patient reçoit 11% pour l'épaule gauche et seulement 5% pour l'épaule droite. Le 10 novembre 2023, un troisième protocole décide à nouveau d'un taux global de 11% pour les deux épaules... Une "plainte au pénal avec constitution de partie civile" est actuellement en cours d'enquête. Les plaignants affirment n'avoir pas reçu de feed-back, ni du syndicat des militaires, ni du Conseil de l'Ordre, ni de la ministre de la Défense, ni de la ministre des Pensions, ni du ministre de la Santé publique. Seule l'ancienne ministre de la Santé publique, Maggie De Block, a répondu aux questions parlementaires mais rien n'a été appliqué. Seule la députée écologiste Muriel Gerkens a, par le passé, soutenu les militaires de manière cohérente...