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Chez un patient qui se présente avec une douleur thoracique, il est important d'évaluer dans un premier temps si la douleur est d'origine coronarienne et si elle nécessite donc un renvoi urgent vers un cardiologue ou un service d'urgence. En d'autres termes, s'agit-il d'un angor? Globalement, l'angor se caractérise par les symptômes suivants: · Douleur rétrosternale ; · Oppressante, en étau ; · Provoquée par un effort, des émotions, le froid, un repas ; · Irradiant vers la moitié gauche de la poitrine, l'épaule, le bras, la région gastrique, le dos, le cou, la mâchoire ; · Qui dure de 1 à 15 minutes ; · Qui cède à la prise de dérivés nitrés. Parfois, le patient se plaint également de dyspnée, de transpiration et de faiblesse. "Un piège classique est l'infarctus, où le patient ne ressent qu'une douleur dans la région de l'estomac, sans douleur thoracique", avertit le Pr Steven Haine, chef de clinique en cardiologie interventionnelle à l'UZA. "Chez les patients souffrant d'angor, une douleur épigastrique accompagne la douleur thoracique dans 23% des cas. Mais il arrive aussi que seule une douleur épigastrique soit ressentie." La description ci-dessus peut être réduite à trois critères mentionnés dans la littérature pour déterminer la probabilité que la douleur thoracique soit d'origine coronarienne. Il est question d'un angor typique si le tableau répond aux trois critères suivants: · Douleur rétrosternale, dont la nature et la durée sont identiques à celles décrites ci-dessus ; · Provoquée par un effort ou un stress émotionnel ; · Cédant au repos ou à la prise de dérivés nitrés. On parle d'angor atypique si seulement deux des trois conditions sont réunies. Si une seule ou aucune des conditions n'est remplie, la douleur est considérée comme non angineuse. Le Pr Haine souligne les limites de ce cadre conceptuel: la douleur due à un infarctus du myocarde ne disparaît généralement pas au repos ou à la prise de dérivés nitrés et persiste plus de 15 minutes. Il est donc préférable de n'utiliser la stratification évoquée ci-dessus que chez les patients souffrant d'angor stable (voir ci-dessous). Dans la plupart des cas, les douleurs thoraciques d'origine coronarienne (angor) ont pour substrat pathologique l'athérosclérose, où une plaque d'athérome rétrécit la lumière du vaisseau sanguin. La plaque peut se rompre et provoquer un syndrome coronarien aigu. Le contenu de la plaque entre alors en contact avec le sang et un thrombus se forme localement. Si le vaisseau sanguin est ainsi complètement ou presque complètement occlus, un infarctus se produit. En se basant sur les caractéristiques de la douleur, on peut estimer à quel stade de ce processus se trouve le patient. Il ne s'agit toutefois pas d'une règle absolue. Certains patients ont une sensibilité limitée à la douleur au niveau du myocarde et ne ressentent donc pas de douleur en cas d'infarctus. Aucune mesure n'est prise jusqu'à ce qu'une tachycardie ou une fibrillation ventriculaire et une mort subite surviennent. Environ 75 à 80% des cas de mort subite sont dus à un événement coronarien aigu. Chez les patients qui ressentent une douleur d'origine coronarienne, on distingue: · Angor stable. Une caractéristique très importante est la prévisibilité de la douleur: le patient peut prévoir quand la douleur surviendra et quand elle disparaîtra. Une autre condition pour parler d'angor stable est que les symptômes existent depuis au moins trois mois. Tout comme pour la dyspnée, il existe une classification NYHA pour l'angor: o Classe I: pas de limitation de l'activité quotidienne (uniquement lors d'un effort lourd, de longue durée) ; o Classe II: limitation légère de l'activité quotidienne (monter > 1 étage) ; o Classe III: limitation sévère de l'activité quotidienne (en montant 1 étage) ; o Classe IV: aucune activité possible sans angor (au moindre effort). · Angor instable (subdivisé en classes de Braunwald): o Classe I: angor nouvellement apparu ou progressivement croissant, pas d'angor au repos ; o Classe II: angor au repos depuis les 48 dernières heures. "Cette classification est moins importante que la reconnaissance de la nature instable", souligne le Pr Haine. "Les patients souffrant d'angor stable peuvent présenter des lésions importantes, avec une large zone distale sujette à l'ischémie. Mais le risque d'occlusion coronaire complète soudaine n'est pas très élevé. Dans ces circonstances, on a donc le temps de référer le patient à un cardiologue en vue d'examens complémentaires et d'un traitement. Par contre, les patients souffrant d'angor instable présentent généralement une rupture de plaque avec formation d'un thrombus naissant et doivent donc recevoir des soins d'urgence. Dans ces circonstances, il y a de grands risques que le thrombus s'étende au cours des jours suivants et finisse par occlure complètement ou presque complètement le vaisseau sanguin, entraînant un infarctus du myocarde. Il convient de noter qu'auparavant, ces patients ne présentaient pas toujours une plaque sévèrement sténosante. Cela explique pourquoi ils étaient parfois asymptomatiques jusqu'à ce que l'angor instable se développe (voir également l'encadré "La pertinence d'un examen préalable négatif", NdlR)." · En cas d'infarctus du myocarde, le patient présente des douleurs rétrosternales depuis plus de 15 minutes qui persistent au repos et qui ne s'atténuent pas à la prise d'un dérivé nitré. En pratique, un syndrome coronarien aigu doit toujours être envisagé en cas de douleur rétrosternale, surtout si la douleur est présente au moment de la consultation. Si l'anamnèse n'est pas totalement concluante, la première mesure à prendre en première ligne est de réaliser un ECG: · En cas d'élévation du segment ST, il s'agit d'un STEMI (infarctus du myocarde avec élévation du segment ST). · S'il n'y a pas d'élévation du segment ST, mais que l'ECG est anormal (inversions du segment T ou dépression du segment ST), le patient doit également être référé. Si les troponines augmentent, on parle de non-STEMI (infarctus du myocarde sans élévation du segment ST). Si elles restent normales, il s'agit d'un angor instable. Un STEMI survient en cas d'occlusion complète et persistante d'une artère coronaire. En cas d'occlusion incomplète et/ou transitoire, il s'agit d'un non-STEMI. Un patient se présente parce qu'il a eu une douleur thoracique, mais au moment de la consultation, la douleur a disparu. Que faites-vous? Dans cette situation, il a été démontré que la réalisation d'un ECG dans la première ligne réduit la mortalité parce qu'elle permet un renvoi adéquat. Cependant, il ne faut pas se laisser piéger par un ECG normal. L'ECG est normal chez la moitié des patients qui viennent asymptomatiques en consultation après un épisode de douleur thoracique, et chez qui un syndrome coronarien aigu est finalement diagnostiqué. En résumé, un ECG anormal peut révéler un syndrome coronarien aigu, mais un ECG normal n'exclut pas un syndrome coronarien aigu. En cas de symptômes évocateurs récents, le dosage des troponines est donc indiqué. "En ce qui concerne la place des troponines dans les soins de première ligne, on entend parfois dire que ce test est laborieux parce qu'il faut le répéter", souligne Steven Haine. "Ce n'est pas toujours vrai. Si un patient avec un infarctus du myocarde reçoit un dosage des troponines dans la première heure de l'incident, il peut être négatif. En effet, il faut un certain temps pour que les troponines s'infiltrent dans le sang à partir des cellules myocardiques nécrosées. Dans ce cas, il convient donc de répéter le test. Mais si l'épisode de douleur dure déjà depuis plusieurs heures, un ECG normal et un test de troponines négatif peuvent laisser supposer que le patient souffre tout au plus d'un angor instable. À l'inverse, un dosage de troponine positif chez un patient présentant une douleur thoracique et un ECG normal permet précisément de mettre en évidence un infarctus du myocarde. Une hospitalisation urgente s'impose alors." Dans certaines circonstances, un dosage de troponines négatif peut même rendre très improbable un syndrome coronarien aigu: "Prenons l'exemple d'un patient qui vient consulter après avoir eu la veille une douleur continue pendant trois heures, sans interruption. L'ECG et le dosage des troponines sont normaux. Trois heures d'ischémie sans nécrose myocardique, c'est quasiment impossible. La douleur n'est donc vraisemblablement pas d'origine coronarienne." Enfin, il ne faut pas oublier les autres causes graves de douleur thoracique (dissection aortique, pneumothorax, embolie pulmonaire...). Et quelle est la politique à suivre chez un patient qui présente une douleur thoracique au moment de la consultation? Nous y reviendrons dans le prochain article.