Quelles sont les raisons de votre engagement pour les listes Destexhe ?

D'abord, quitter un parti après de nombreuses années de service est quelque chose de courageux. Le courage manque aujourd'hui en politique. Le fait qu'Alain Destexhe l'ait fait, soit médecin et ait travaillé pour Médecins sans frontière m'a convaincue. La presse présente LD comme un parti très à droite. Or ce sont en fait simplement des personnes qui ne sont pas politiquement correctes et pas démagogues. On confond la bienveillance et la complaisance. Il y a une permissivité par rapport à des actes qui ne sont pas acceptables mais qu'on accepte par confort ou pour ne pas apparaître comme méchants ou bien parce que dire non nécessite du courage. Et le courage manque à tous les échelons.

En politique, on confond la bienveillance et la complaisance.

J'ai été pendant un an adjointe à la direction de l'hôpital Tivoli à La Louvière qui est clairement un fief rouge. Là j'ai pu vivre personnellement la caricature des dysfonctionnements de ce que notre Parti socialiste a mis en oeuvre en Wallonie. Je ne dis pas que le PS fonctionne entièrement comme ça ou que tous les socialistes fonctionnent comme ça. Par contre, lorsque cela dysfonctionne, c'est totalement inadmissible. Ce sont presque des comportements mafieux. Insultes, menaces, intimidations... Surprenant. Il faut là aussi le courage de se positionner et de remettre de l'ordre.

Réseaux hospitaliers

Restons dans la politique hospitalière. Maggie De Block a poursuivi la politique des réseaux hospitaliers. Y êtes-vous favorable ?

Pour moi, la rationalisation de l'offre médicale est indispensable. Les réseaux sont aussi une opportunité de revoir le fonctionnement des hôpitaux. Ceux-ci fonctionnent en vase clos depuis des années. Les réseaux les forcent à l'ouverture, la remise en question. Ils permettent de travailler l'efficience. De se nourrir de nouvelles perspectives. Par contre, cette mise en réseau doit être accompagnée, ce qui ne me semble pas le cas. On n'est pas suffisamment outillé en termes de gestion de projet, de gestion de changement. On manque de professionnels expérimentés pour accompagner ces projets. La difficulté, c'est commencer le processus. Les gens sont compétents pour leur boulot mais pas pour le changement. Des liens avec le privé sont indispensables mais les hôpitaux hésitent car ce sont deux mondes qui se jugent et ne se comprennent pas toujours. Il y a pourtant de belles complémentarités à mettre en place. J'y ai travaillé à Tivoli et dans d'autres institutions.

Etant donné votre expérience en hôpital, pensez-vous que les médecins sont suffisamment écoutés des gestionnaires hospitaliers ?

Il y a encore un fossé entre les directions hospitalières et les médecins. Les problèmes de communication sont tellement banaux que peu s'en occupent. La plupart des médecins voient surtout leur partie médicale mais moins la structure hospitalière et son fonctionnement. On ne nous apprend pas cela pendant nos études de médecine. On ne nous dit pas qu'on va être un des éléments d'un système beaucoup plus large que nous. Et que nous ne sommes pas la pierre angulaire du système. Or pour moi, l'hôpital est comme un corps humain. Si on retire le cerveau, cela ne marche pas mais si l'on retire un autre organe, les reins, le coeur, cela ne fonctionne pas non plus. Les uns et les autres ne comprennent pas que chacun a un rôle essentiel. Il faut apprendre les métiers des uns et des autres, les besoins, les contraintes.

Ingérence de l'État

Au niveau du programme des Listes Destexhe, on retrouve la notion de bureaucratie pesante qui mine le système, notamment l'Inami, la Santé publique, des doublons, une perte d'énergie. Une MG anonyme (ndlr : lire notre dernière édition) nous expliquait qu'elle reçoit quasi tous les jours des injonctions, directives, rapports de l'Inami à lire et à respecter, des profils avec des petites croix de couleur comme à l'école 1 primaire...

L'ingérence de l'État dans les métiers est trop importante. Le législatif est devenu un pouvoir micro-exécutif. Alors que l'État ne devrait que fixer le cadre à l'intérieur duquel les opérations doivent se réaliser. Orl'État décide du quoi, du comment et même du fondement de notre activité. C'est ingérable ! Tout cela est décidé par des personnes qui ne savent pas comment cela fonctionne sur le terrain. Il faut redon - ner à chacun la possibilité de faire ce qu'il a à faire et remettre un minimum de confiance. La méfiance fait que tout est contrôlé. C'est extrêmement coûteux. Il faut supprimer les arrêtés sur des formulaires à remplir. Car en cas de modification des formulaires, il faut modifier l'arrêté. Or l'Exécutif et le Législatif ne sont pas suffisamment rapides pour suivre les évolutions du monde du travail. Encore moins dans le monde qui s'accélère. Il faut aller vers une simplification.

Les suppléments d'honoraires doivent être soutenus.

Comment vous situez-vous dans la " querelle " à l'acte/au forfait ?

Le paiement à l'acte a généré dans les hôpitaux un individualisme des médecins qui n'est pas sain. Mais il est difficile de travailler autrement lorsqu'on est payé à l'acte. Avec l'accréditation des hôpitaux, il y a un besoin que les médecins s'impliquent pour améliorer le fonctionnement de l'hôpital mais ce n'est pas du tout rémunéré. Il est difficile aussi de travailler gratuitement ! Cela n'encourage pas non plus aux collaborations. Ce système ne tiendra pas.

Abordons les suppléments d'honoraires : l'Absym les estiment mérités eu égard à la compétence et l'expérience du médecin qui doit réinvestir en matériel et qui cède une partie de son honoraire pour refinancer l'hôpital dans lequel il travaille, certains veulent les encadrer voire les supprimer au profit d'un système totalement différent...

Les suppléments d'honoraires doivent être soutenus. Il y a le principe du mérite, la liberté, le choix du médecin d'en réclamer ou pas, le choix du patient d'aller se faire soigner chez un médecin qui n'en réclame pas. En Belgique, on a la chance de n'avoir pas une médecine de qualité différente selon qu'on paie ou pas des suppléments. On paie essentiellement pour un confort supplémentaire en chambre. Le patient qui a plus d'argent et rémunère davantage le médecin, c'est une forme de reconnaissance. C'est pertinent. Il faut sortir du paradigme " la santé doit être accessible inancièrement, donc toute rémunération supplémentaire qui reconnaît la compétence du médecin doit être écartée ".

e-santé

On nous tend un peu tel un hochet la révolution digitale comme solution majeure à la simplification administrative, notamment la prescription électronique, l'autorisation plus rapide du médecin-conseil, etc. D'autres se plaignent que cela prend " encore plus de temps "...

L'e-santé doit être promue de même que l'innovation liée à ces parties-là. On n'ira pas contre ce vent-là. En plus, la Wallonie dispose d'une expertise par rapport à ces domaines-là. On a des scientifiques, des moyens technologiques... À condition évidemment de ne pas en profiter pour rajouter une couche au mille-feuille administratif !

Vous pensez que l'e-santé permettra des économies d'échelle ?

Bien sûr ! Des doublons seront évités. L'accès plus rapide à l'information va simplifier les procédures et les réponses aux besoins seront plus rapides que par téléphone... Mais il faut que les bonnes informations se trouvent au bon endroit. D'ici cinq ans, on aura mis le pied à l'étrier et le dossier patient informatisé sera complètement opérationnel. Ce temps épargné en administration permettra au médecin de se concentrer davantage sur ses tâches médicales et donc lutter contre les pénuries.

Comment gérer l'inadéquation entre l'offre de médecins (jeunes étudiants en médecine théoriquement surnuméraires) et la demande qui augmente sans cesse à tel point qu'on importe des centaines de médecins étrangers ?

Les Listes Destexhe ont la volonté que les quotas ne soient plus aussi serrés : on le voit dans les hôpitaux et au niveau de la médecine générale. Les réponses arrivent trop tardivement, les délais de rendez-vous s'allongent... Il faut qu'à l'issue des six années du tronc commun, il y ait accès à la profession. C'est fondamental. Il faut éviter l'importation massive de médecins étrangers sans fermer la porte évidemment aux compétences étrangères dont le pays a besoin.

Dix priorités des Listes Destexhe

1. Assurer le libre choix du médecin par le patient, pas de système d'inscription obligatoire ou d'échelonnement imposé.

2. Le paiement à l'acte doit rester possible et le tiers-payant ne peut devenir une obligation.

3. Simplifier le volet administratif du travail des médecins généralistes.

4. Continuer de permettre aux médecins de choisir entre être conventionnés ou non, maintenir le système de supplément des honoraires, tout en luttant contre les abus.

5. Le remède à la pénurie des médecins : une juste rémunération des honoraires, souvent inférieurs à ceux des pays voisins.

6. Exiger un numéro Inami pour tous les médecins qui auront terminé leur formation, mais respect dès 2020 par la Fédération Wallonie-Bruxelles du quota fédéral.

7. Interdire aux stagiaires et assistants médecins, pour leur sécurité et celles de leur patient, de dépasser un horaire hebdomadaire de 48 heures par semaine portées à 60 heures dans certains cas.

8. Organiser un test linguistique pour les médecins provenant d'un autre pays de l'Union européenne voulant exercer en Belgique.

9. Délivrer une carte de stationnement " toutes zones " aux médecins qui font des visites à domicile et pour les urgences.

10. Refédéraliser la politique de prévention

Quelles sont les raisons de votre engagement pour les listes Destexhe ?D'abord, quitter un parti après de nombreuses années de service est quelque chose de courageux. Le courage manque aujourd'hui en politique. Le fait qu'Alain Destexhe l'ait fait, soit médecin et ait travaillé pour Médecins sans frontière m'a convaincue. La presse présente LD comme un parti très à droite. Or ce sont en fait simplement des personnes qui ne sont pas politiquement correctes et pas démagogues. On confond la bienveillance et la complaisance. Il y a une permissivité par rapport à des actes qui ne sont pas acceptables mais qu'on accepte par confort ou pour ne pas apparaître comme méchants ou bien parce que dire non nécessite du courage. Et le courage manque à tous les échelons.J'ai été pendant un an adjointe à la direction de l'hôpital Tivoli à La Louvière qui est clairement un fief rouge. Là j'ai pu vivre personnellement la caricature des dysfonctionnements de ce que notre Parti socialiste a mis en oeuvre en Wallonie. Je ne dis pas que le PS fonctionne entièrement comme ça ou que tous les socialistes fonctionnent comme ça. Par contre, lorsque cela dysfonctionne, c'est totalement inadmissible. Ce sont presque des comportements mafieux. Insultes, menaces, intimidations... Surprenant. Il faut là aussi le courage de se positionner et de remettre de l'ordre.Restons dans la politique hospitalière. Maggie De Block a poursuivi la politique des réseaux hospitaliers. Y êtes-vous favorable ?Pour moi, la rationalisation de l'offre médicale est indispensable. Les réseaux sont aussi une opportunité de revoir le fonctionnement des hôpitaux. Ceux-ci fonctionnent en vase clos depuis des années. Les réseaux les forcent à l'ouverture, la remise en question. Ils permettent de travailler l'efficience. De se nourrir de nouvelles perspectives. Par contre, cette mise en réseau doit être accompagnée, ce qui ne me semble pas le cas. On n'est pas suffisamment outillé en termes de gestion de projet, de gestion de changement. On manque de professionnels expérimentés pour accompagner ces projets. La difficulté, c'est commencer le processus. Les gens sont compétents pour leur boulot mais pas pour le changement. Des liens avec le privé sont indispensables mais les hôpitaux hésitent car ce sont deux mondes qui se jugent et ne se comprennent pas toujours. Il y a pourtant de belles complémentarités à mettre en place. J'y ai travaillé à Tivoli et dans d'autres institutions.Etant donné votre expérience en hôpital, pensez-vous que les médecins sont suffisamment écoutés des gestionnaires hospitaliers ?Il y a encore un fossé entre les directions hospitalières et les médecins. Les problèmes de communication sont tellement banaux que peu s'en occupent. La plupart des médecins voient surtout leur partie médicale mais moins la structure hospitalière et son fonctionnement. On ne nous apprend pas cela pendant nos études de médecine. On ne nous dit pas qu'on va être un des éléments d'un système beaucoup plus large que nous. Et que nous ne sommes pas la pierre angulaire du système. Or pour moi, l'hôpital est comme un corps humain. Si on retire le cerveau, cela ne marche pas mais si l'on retire un autre organe, les reins, le coeur, cela ne fonctionne pas non plus. Les uns et les autres ne comprennent pas que chacun a un rôle essentiel. Il faut apprendre les métiers des uns et des autres, les besoins, les contraintes.Au niveau du programme des Listes Destexhe, on retrouve la notion de bureaucratie pesante qui mine le système, notamment l'Inami, la Santé publique, des doublons, une perte d'énergie. Une MG anonyme (ndlr : lire notre dernière édition) nous expliquait qu'elle reçoit quasi tous les jours des injonctions, directives, rapports de l'Inami à lire et à respecter, des profils avec des petites croix de couleur comme à l'école 1 primaire...L'ingérence de l'État dans les métiers est trop importante. Le législatif est devenu un pouvoir micro-exécutif. Alors que l'État ne devrait que fixer le cadre à l'intérieur duquel les opérations doivent se réaliser. Orl'État décide du quoi, du comment et même du fondement de notre activité. C'est ingérable ! Tout cela est décidé par des personnes qui ne savent pas comment cela fonctionne sur le terrain. Il faut redon - ner à chacun la possibilité de faire ce qu'il a à faire et remettre un minimum de confiance. La méfiance fait que tout est contrôlé. C'est extrêmement coûteux. Il faut supprimer les arrêtés sur des formulaires à remplir. Car en cas de modification des formulaires, il faut modifier l'arrêté. Or l'Exécutif et le Législatif ne sont pas suffisamment rapides pour suivre les évolutions du monde du travail. Encore moins dans le monde qui s'accélère. Il faut aller vers une simplification.Comment vous situez-vous dans la " querelle " à l'acte/au forfait ?Le paiement à l'acte a généré dans les hôpitaux un individualisme des médecins qui n'est pas sain. Mais il est difficile de travailler autrement lorsqu'on est payé à l'acte. Avec l'accréditation des hôpitaux, il y a un besoin que les médecins s'impliquent pour améliorer le fonctionnement de l'hôpital mais ce n'est pas du tout rémunéré. Il est difficile aussi de travailler gratuitement ! Cela n'encourage pas non plus aux collaborations. Ce système ne tiendra pas.Abordons les suppléments d'honoraires : l'Absym les estiment mérités eu égard à la compétence et l'expérience du médecin qui doit réinvestir en matériel et qui cède une partie de son honoraire pour refinancer l'hôpital dans lequel il travaille, certains veulent les encadrer voire les supprimer au profit d'un système totalement différent...Les suppléments d'honoraires doivent être soutenus. Il y a le principe du mérite, la liberté, le choix du médecin d'en réclamer ou pas, le choix du patient d'aller se faire soigner chez un médecin qui n'en réclame pas. En Belgique, on a la chance de n'avoir pas une médecine de qualité différente selon qu'on paie ou pas des suppléments. On paie essentiellement pour un confort supplémentaire en chambre. Le patient qui a plus d'argent et rémunère davantage le médecin, c'est une forme de reconnaissance. C'est pertinent. Il faut sortir du paradigme " la santé doit être accessible inancièrement, donc toute rémunération supplémentaire qui reconnaît la compétence du médecin doit être écartée ".On nous tend un peu tel un hochet la révolution digitale comme solution majeure à la simplification administrative, notamment la prescription électronique, l'autorisation plus rapide du médecin-conseil, etc. D'autres se plaignent que cela prend " encore plus de temps "...L'e-santé doit être promue de même que l'innovation liée à ces parties-là. On n'ira pas contre ce vent-là. En plus, la Wallonie dispose d'une expertise par rapport à ces domaines-là. On a des scientifiques, des moyens technologiques... À condition évidemment de ne pas en profiter pour rajouter une couche au mille-feuille administratif !Vous pensez que l'e-santé permettra des économies d'échelle ?Bien sûr ! Des doublons seront évités. L'accès plus rapide à l'information va simplifier les procédures et les réponses aux besoins seront plus rapides que par téléphone... Mais il faut que les bonnes informations se trouvent au bon endroit. D'ici cinq ans, on aura mis le pied à l'étrier et le dossier patient informatisé sera complètement opérationnel. Ce temps épargné en administration permettra au médecin de se concentrer davantage sur ses tâches médicales et donc lutter contre les pénuries.Comment gérer l'inadéquation entre l'offre de médecins (jeunes étudiants en médecine théoriquement surnuméraires) et la demande qui augmente sans cesse à tel point qu'on importe des centaines de médecins étrangers ?Les Listes Destexhe ont la volonté que les quotas ne soient plus aussi serrés : on le voit dans les hôpitaux et au niveau de la médecine générale. Les réponses arrivent trop tardivement, les délais de rendez-vous s'allongent... Il faut qu'à l'issue des six années du tronc commun, il y ait accès à la profession. C'est fondamental. Il faut éviter l'importation massive de médecins étrangers sans fermer la porte évidemment aux compétences étrangères dont le pays a besoin.