...

Les alternatives à l'expérimentation animale ont le vent en poupe. Quatre ministres se partagent le domaine en Wallonie (Willy Borsus, MR, ministre de la Recherche et de l'Innovation), et Céline Tellier, Ecolo, ministre en charge du Bien-être animal), en Fédération Wallonie-Bruxelles (Valérie Glatigny, MR, ministre de le la Recherche scientifique) et à Bruxelles (Bernard Clerfayt, Défi, ministre du Bien-être animal). Ces derniers ont rassemblé l'expertise de quatre des cinq universités francophones (ULiège, UNamur, ULB et UCLouvain) et de la Haute-École Charlemagne au sein de la plateforme "Alternatives aux expérimentations animales". L'objectif de cette dernière: diminuer le plus fortement possible l'expérimentation sur animaux au sein des laboratoires universitaires et académiques francophones en développant des alternatives viables à l'expérimentation sur animaux. "Nous voulons réduire et remplacer au maximum l'usage d'animaux d'expérience dans les laboratoires francophones. Pour atteindre cet objectif ambitieux, nous tablons évidemment sur l'innovation technologique, mais aussi et surtout sur le talent de nos chercheurs qui s'engagent depuis de nombreuses années déjà dans cette voie", souligne Valérie Glatigny. Actuellement les gouvernements wallon, bruxellois et de la Fédération Wallonie-Bruxelles financent ce projet à hauteur de 1.540.000 euros. "Au vu de l'ambition, c'est une somme ridicule", réagit le Pr Éric Muraille (ULB), biologiste et directeur de recherches au FNRS. "Il y a d'innombrables questions qui se posent en biologie et il faudrait développer des modèles de remplacement pour chacune de ces questions spécifiques. Il faudrait des milliards sur la table pour atteindre partiellement cet objectif.""Il faut réaliser que c'est enfoncer des portes ouvertes, car les chercheurs utilisant des modèles animaux sont aussi ceux qui ont développé la plupart de ces méthodes depuis très longtemps. En effet, quand la question posée peut être résolue via des systèmes plus simples, c'est plus facile à analyser, plus rapide et moins coûteux", souligne le Pr Alban de Kerchove d'Exaerde (ULB), neurobiologiste, directeur de recherches FNRS et membre exécutif du Comité sur la recherche animale (CARE) de la Fédération européenne des sociétés de neurosciences (FENS). "Cela paraît, pour certains, relever d'une méconnaissance de cette question ou d'une forme d'électoralisme émotionnel bien plus que rationnel""Les expérimentations in vivo et in vitro coexistent depuis le 19e siècle", ajoute le Pr Éric Muraille. "La modélisation in silico s'est quant à elle développée dans la deuxième moitié du 20e siècle, avec l'apparition des ordinateurs. Mais cette dernière se base souvent sur des données issues de l'expérimentation animale. En bref, toutes ces méthodes sont complémentaires. Remplacer l'animal est totalement exclu dans un avenir proche. D'autant plus que se posent aujourd'hui toute une série de questions que l'on ne se posait pas hier. Par exemple, quel est l'impact sur la santé humaine et animale des perturbateurs endocriniens? Comment étudier in vitro leurs effets sur la reproduction ou sur le comportement? Il existe de nombreuses questions qui, si l'on ne dispose pas de la complexité d'un animal vivant, ne trouveront pas de réponses."La ministre Glatigny mentionne trois technologies parmi les champs investigués. D'abord, la bio-impression 3D de modèles in vitro, qui permet de produire artificiellement des tissus biologiques. "On est très loin d'un cerveau traitant des informations sensorielles permettant d'adapter un comportement", contextualise le Pr de Kerchove d'Exaerde. "En effet, sa diversité cellulaire et son organisation sont tellement complexes qu'aucun argument scientifique ne permet de dire actuellement que cela sera possible un jour. On peut créer, à partir de cette technologie, des tissus simples, comme de la peau par exemple. Dans certains contextes, c'est utile et nécessaire. Mais cela reste pour l'heure fort limité."Ensuite, les systèmes in vitro multi-organes visant à reproduire la complexité biologique du corps humain, par exemple pour tester des vaccins ou étudier le développement de maladies. "Cela existe depuis longtemps. Et cela suppose bien souvent de prendre des tissus chez l'animal. Encore une fois, développer un système complexe d'interactions entre organes paraît très prématuré. Ces systèmes permettent de répondre à des questions, mais pas à toutes les questions", explique le neurobiologiste. "C'est de la science-fiction pour le moment", ajoute Éric Muraille. "Je ne dénigre pas les approches avec organoïdes qui permettent de reconstruire de manière intéressante un système et de comprendre comment cela fonctionne in vivo. Ce sont des outils d'étude géniaux. Mais il faut les considérer pour ce qu'ils sont: des méthodes complémentaires et non alternatives."Enfin, le développement de méthodes in silico - comme par exemple la simulation par ordinateur d'une expérience afin de choisir les molécules qui seront testées. "Encore une fois, cela se fait depuis longtemps et récemment l'intelligence artificielle permet d'affiner ces analyses complexes", explique Alban de Kerchove d'Exaerde. "La modélisation in silico se fait depuis le siècle précédent."