À l'aide de différents supports, ils ont établi et illustré le lien entre une société connectée et son impact sur la santé mentale. Ce projet participe également à déstigmatiser les personnes souffrant de troubles psychiques, notamment au travers de l'exposition de photos réalisées par Jean-Pierre Ruelle, exposant pêle-mêle personnes soignées, soignants, personnel administratif, sans préciser qui est qui.

L'exposition, accessible jusqu'au 4 novembre, s'intègre dans un plan global d'activités qui se clôturera le 5 décembre au Centre culturel de Bertrix par un congrès: "TikTok ou Toc Toc: l'impact d'une société connectée sur la santé mentale." Nathalie Clochard, directrice infirmière et coordinatrice du projet en explique la teneur.

Le journal du Médecin: En quoi consiste cette exposition?

Nathalie Clochard: Elle s'inscrit dans un projet mené par le département médical et infirmier, dans une volonté d'humaniser les soins, d'ouvrir l'hôpital à l'extérieur. Des ateliers ont été mis sur pied, mettant en présence artistes extérieurs, patients et soignants, incluant tout le personnel et qui se concrétisent dans cette exposition. Nous organisons par ailleurs un congrès sur l'internement qui a lieu jeudi toute la journée. Durant toute la deuxième semaine de ce mois d'octobre, ont été organisés des ateliers 'théâtre' réunissant patients et soignants, ainsi qu'une journée mini olympiades clôturée par un escape game et un concert donné par un artiste extérieur.

Ce sont donc les patients qui exposent leurs oeuvres dans le cadre des expositions?

C'est un mélange: nous avons notamment convié un artiste photographe qui a réalisé les portraits, tous les mêmes, en noir et blanc, de patients, des agents du personnel administratif, RH, des soignants... sans que l'on sache qui est qui. Mais par ailleurs, nous exposons une cinquantaine de photos prises par des patients: chaque pavillon et unité ont réfléchi et ont produit une oeuvre d'art autour de la thématique des réseaux sociaux notamment, et de l'impact qu'ils ont sur la santé mentale.

Il ne s'agit pas seulement de photographies...

Dans l'exposition, on retrouve de la peinture, de la photographie, des aquarelles, un artiste graffeur de rue est venu travailler, notamment avec les adolescents qui en ont produit toute une série, dont un décore désormais notre réfectoire. Le travail tournait non seulement autour de la thématique des réseaux sociaux, mais aussi de la stigmatisation des personnes qui ont des troubles psychiatriques. L'objectif était surtout de pouvoir proposer les mêmes ateliers que ceux proposés aux personnes vivant hors de l'institution.

Le travail tournait non seulement autour de la thématique des réseaux sociaux, mais aussi de la stigmatisation des personnes qui ont des troubles psychiatriques.

Signature

Ce sont toujours des oeuvres collectives ?

Non, on compte nombre d'oeuvres individuelles, une patiente a notamment réalisé trois triptyques à l'encre de Chine, des aquarelles.

Des oeuvres qu'ils signent ?

Les patients avaient le choix de signer ou pas leurs oeuvres mais, dans la première option, en ne spécifiant pas leur statut de patient dans une volonté de mélanger patients et non-patients et de ne pas faire la distinction, et en plaçant ces oeuvres parmi celles des artistes.

Les artistes invités ont donc joué un grand rôle. Qu'en est-il des médecins?

Les médecins ont soutenu le projet, notamment dans l'organisation des congrès. Ils n'ont pas participé, par manque de temps, parce que ce projet d'expo a démarré au mois de mai, et que durant tout l'été nous nous sommes réunis chaque semaine pour pouvoir tout coordonner. Les médecins ont été un peu moins actifs au niveau des groupes de travail, mais tenus au courant via leurs réunions médicales, et ils ont soutenu l'initiative. Par ailleurs, au niveau du congrès qui se déroulait le jeudi, le Dr Dobrin a fait une intervention et quant au congrès du 5 décembre, le Dr Udovenko interviendra également.

L'accrochage de l'exposition a été effectué par les patients, le personnel médical ou les artistes?

Par tous. Nous avons commencé à accrocher le 2 octobre en compagnie des artistes. Le service technique était partie prenante, tout comme l'équipe des infirmiers en chef, des médecins qui sont venus voir et ont parfois donné un coup de main, et puis bien entendu des patients.

Quelle est la vertu de l'art pour les patients, s'il y en a une?

La première, c'est l'expression: c'est un média des émotions. Un patient a notamment écrit un poème très interpellant autour des réseaux sociaux. Au travers de leurs oeuvres, les résidents ont voulu faire passer des messages principalement autour de ce qu'ils peuvent vivre en étant étiquetés 'patients psy' et de la stigmatisation. L'art permet également une gestion des émotions, favorise la communication, la convivialité et le retour à une certaine forme de normalité dans la société.

Y aurait-il un type de patient plus doué ?

Non, je peux faire référence à Raphaël Gaillard et à son livre sur la créativité. La folie est-elle créatrice ? Pas spécialement, et souvent on est même surpris. Des patients dits déficitaires peuvent produire des oeuvres magnifiques et très interpellantes, alors que des patients disposant de toutes leurs capacités cognitives et intellectuelles ne se montreront pas spécialement doués. Il en est de même que chez les sujets classiques.

Avez-vous remarqué au cours de la préparation de l'exposition une proximité des artistes avec les patients ?

Tout comme les patients, les artistes possèdent une expression et une sensibilité différentes. Ils ont été plutôt surpris du contact qu'ils ont avec les patients : ils s'attendaient à une rencontre avec une différence ou une étrangeté qu'ils n'ont pas connue comparé aux ateliers classiques qu'ils animent. Le photographe qui a réalisé la série de 60 photos était positivement étonné du résultat et de la réaction des patients et des soignants.

Art-thérapie

Vous croyez à l'art-thérapie?

Son impact sur la thérapie de manière générale a été démontré scientifiquement. C'est un élément parmi d'autres. Elle permet également de développer toute une série des cognitions et des facultés qui peuvent être défaillantes.

Quelle est la réaction à la fois des patients et des soignants?

Les patients sont plutôt fiers d'être montrés positivement et de manière non différenciée. Il ne s'agit pas de la production de personnes qui ont des problèmes psychiatriques. Nous leur avons accordé un crédit et nous avons misé sur eux pour monter une exposition, ce qui, au départ, n'était pas évident. En ce qui concerne les soignants, les conclusions sont similaires. Cette initiative différente, positive, instaure un dynamisme au sein de l'hôpital et rapproche, met sur un même niveau patients et soignants. Cela les sort de relations parfois judiciarisées.

Et cela met sur le même plan médecins et soignants?

Oui, on le voit dans l'organisation du congrès du 5 décembre: les médecins vont ralentir l'activité pour qu'un maximum de soignants puissent y participer. Ce projet est l'initiation d'une nouvelle ouverture, d'une dynamique de soins pour La Clairière de s'inscrire dans le rétablissement d'un modèle de soins humanistes, puisque l'on pense à reconstruire l'hôpital. On enclenche tout un processus avec des journées de travail que soutiennent fortement les médecins. C'est une concrétisation pratique de ce qui est en train de se mettre en place en termes de dynamique de changement.

L'art révèle le patient et permet de mieux le comprendre ?

Oui, l'art peut révéler quelque chose de la personne à condition qu'on en parle. Ensuite, l'oeuvre parle différemment à chacun. La lecture en est complètement différente en fonction de qui regarde.

Une initiative à répéter, d'après vous?

C'est la conclusion provisoire à laquelle nous sommes parvenus. D'autant plus que dans les unités, il y a beaucoup de production artistique. Habiller régulièrement les couloirs de l'hôpital par les gestes des patients et des soignants ou d'artistes, même sans le côté événementiel de cette exposition temporaire, le rend vivant.

"Et si la psychiatrie c'était nous?" Exposition Photo et Art en santé mentale à l'hôpital psychiatrique de Bertrix, jusqu'au 4 novembre.

Infos :https://www.vivalia.be/expo-photos-et-art-en-sante-mentale

À l'aide de différents supports, ils ont établi et illustré le lien entre une société connectée et son impact sur la santé mentale. Ce projet participe également à déstigmatiser les personnes souffrant de troubles psychiques, notamment au travers de l'exposition de photos réalisées par Jean-Pierre Ruelle, exposant pêle-mêle personnes soignées, soignants, personnel administratif, sans préciser qui est qui.L'exposition, accessible jusqu'au 4 novembre, s'intègre dans un plan global d'activités qui se clôturera le 5 décembre au Centre culturel de Bertrix par un congrès: "TikTok ou Toc Toc: l'impact d'une société connectée sur la santé mentale." Nathalie Clochard, directrice infirmière et coordinatrice du projet en explique la teneur. Le journal du Médecin: En quoi consiste cette exposition? Nathalie Clochard: Elle s'inscrit dans un projet mené par le département médical et infirmier, dans une volonté d'humaniser les soins, d'ouvrir l'hôpital à l'extérieur. Des ateliers ont été mis sur pied, mettant en présence artistes extérieurs, patients et soignants, incluant tout le personnel et qui se concrétisent dans cette exposition. Nous organisons par ailleurs un congrès sur l'internement qui a lieu jeudi toute la journée. Durant toute la deuxième semaine de ce mois d'octobre, ont été organisés des ateliers 'théâtre' réunissant patients et soignants, ainsi qu'une journée mini olympiades clôturée par un escape game et un concert donné par un artiste extérieur. Ce sont donc les patients qui exposent leurs oeuvres dans le cadre des expositions? C'est un mélange: nous avons notamment convié un artiste photographe qui a réalisé les portraits, tous les mêmes, en noir et blanc, de patients, des agents du personnel administratif, RH, des soignants... sans que l'on sache qui est qui. Mais par ailleurs, nous exposons une cinquantaine de photos prises par des patients: chaque pavillon et unité ont réfléchi et ont produit une oeuvre d'art autour de la thématique des réseaux sociaux notamment, et de l'impact qu'ils ont sur la santé mentale. Il ne s'agit pas seulement de photographies...Dans l'exposition, on retrouve de la peinture, de la photographie, des aquarelles, un artiste graffeur de rue est venu travailler, notamment avec les adolescents qui en ont produit toute une série, dont un décore désormais notre réfectoire. Le travail tournait non seulement autour de la thématique des réseaux sociaux, mais aussi de la stigmatisation des personnes qui ont des troubles psychiatriques. L'objectif était surtout de pouvoir proposer les mêmes ateliers que ceux proposés aux personnes vivant hors de l'institution.Ce sont toujours des oeuvres collectives ?Non, on compte nombre d'oeuvres individuelles, une patiente a notamment réalisé trois triptyques à l'encre de Chine, des aquarelles.Des oeuvres qu'ils signent ?Les patients avaient le choix de signer ou pas leurs oeuvres mais, dans la première option, en ne spécifiant pas leur statut de patient dans une volonté de mélanger patients et non-patients et de ne pas faire la distinction, et en plaçant ces oeuvres parmi celles des artistes.Les artistes invités ont donc joué un grand rôle. Qu'en est-il des médecins?Les médecins ont soutenu le projet, notamment dans l'organisation des congrès. Ils n'ont pas participé, par manque de temps, parce que ce projet d'expo a démarré au mois de mai, et que durant tout l'été nous nous sommes réunis chaque semaine pour pouvoir tout coordonner. Les médecins ont été un peu moins actifs au niveau des groupes de travail, mais tenus au courant via leurs réunions médicales, et ils ont soutenu l'initiative. Par ailleurs, au niveau du congrès qui se déroulait le jeudi, le Dr Dobrin a fait une intervention et quant au congrès du 5 décembre, le Dr Udovenko interviendra également.L'accrochage de l'exposition a été effectué par les patients, le personnel médical ou les artistes? Par tous. Nous avons commencé à accrocher le 2 octobre en compagnie des artistes. Le service technique était partie prenante, tout comme l'équipe des infirmiers en chef, des médecins qui sont venus voir et ont parfois donné un coup de main, et puis bien entendu des patients.Quelle est la vertu de l'art pour les patients, s'il y en a une?La première, c'est l'expression: c'est un média des émotions. Un patient a notamment écrit un poème très interpellant autour des réseaux sociaux. Au travers de leurs oeuvres, les résidents ont voulu faire passer des messages principalement autour de ce qu'ils peuvent vivre en étant étiquetés 'patients psy' et de la stigmatisation. L'art permet également une gestion des émotions, favorise la communication, la convivialité et le retour à une certaine forme de normalité dans la société. Y aurait-il un type de patient plus doué ?Non, je peux faire référence à Raphaël Gaillard et à son livre sur la créativité. La folie est-elle créatrice ? Pas spécialement, et souvent on est même surpris. Des patients dits déficitaires peuvent produire des oeuvres magnifiques et très interpellantes, alors que des patients disposant de toutes leurs capacités cognitives et intellectuelles ne se montreront pas spécialement doués. Il en est de même que chez les sujets classiques.Avez-vous remarqué au cours de la préparation de l'exposition une proximité des artistes avec les patients ?Tout comme les patients, les artistes possèdent une expression et une sensibilité différentes. Ils ont été plutôt surpris du contact qu'ils ont avec les patients : ils s'attendaient à une rencontre avec une différence ou une étrangeté qu'ils n'ont pas connue comparé aux ateliers classiques qu'ils animent. Le photographe qui a réalisé la série de 60 photos était positivement étonné du résultat et de la réaction des patients et des soignants.Vous croyez à l'art-thérapie? Son impact sur la thérapie de manière générale a été démontré scientifiquement. C'est un élément parmi d'autres. Elle permet également de développer toute une série des cognitions et des facultés qui peuvent être défaillantes. Quelle est la réaction à la fois des patients et des soignants?Les patients sont plutôt fiers d'être montrés positivement et de manière non différenciée. Il ne s'agit pas de la production de personnes qui ont des problèmes psychiatriques. Nous leur avons accordé un crédit et nous avons misé sur eux pour monter une exposition, ce qui, au départ, n'était pas évident. En ce qui concerne les soignants, les conclusions sont similaires. Cette initiative différente, positive, instaure un dynamisme au sein de l'hôpital et rapproche, met sur un même niveau patients et soignants. Cela les sort de relations parfois judiciarisées. Et cela met sur le même plan médecins et soignants? Oui, on le voit dans l'organisation du congrès du 5 décembre: les médecins vont ralentir l'activité pour qu'un maximum de soignants puissent y participer. Ce projet est l'initiation d'une nouvelle ouverture, d'une dynamique de soins pour La Clairière de s'inscrire dans le rétablissement d'un modèle de soins humanistes, puisque l'on pense à reconstruire l'hôpital. On enclenche tout un processus avec des journées de travail que soutiennent fortement les médecins. C'est une concrétisation pratique de ce qui est en train de se mettre en place en termes de dynamique de changement. L'art révèle le patient et permet de mieux le comprendre ?Oui, l'art peut révéler quelque chose de la personne à condition qu'on en parle. Ensuite, l'oeuvre parle différemment à chacun. La lecture en est complètement différente en fonction de qui regarde.Une initiative à répéter, d'après vous?C'est la conclusion provisoire à laquelle nous sommes parvenus. D'autant plus que dans les unités, il y a beaucoup de production artistique. Habiller régulièrement les couloirs de l'hôpital par les gestes des patients et des soignants ou d'artistes, même sans le côté événementiel de cette exposition temporaire, le rend vivant.