Le Collège de médecine générale organisait le 19 février dernier un webinaire dédié aux questions éthiques qui entourent la vaccination. Jean-Michel Longneaux, docteur en philosophie, chargé de cours à l'UNamur et rédacteur en chef de la revue Ethica Clinica, a abordé le sujet de la désobéissance du corps médical aux injonctions à la limite de la légalité des autorités.
J ean-Michel longneaux avait-il une boule de cristal quand il a posé cette question aux médecins généralistes: "Y-aurait-il des raisons pour que vous preniez la décision de désobéir en tant que médecin? Une problématique devrait vous amener à réfléchir à la question dès aujourd'hui: c'est le problème du secret professionnel qui est malmené." Effectivement, depuis lors, l'Absym a introduit un recours au Conseil d'État ( lire page 3). La levée de boucliers touche également le GBO et d'autres sphères, comme celles de logiciels médicaux avec Medispring ( lire le numéro précédent du jdM).
La cause éthique
Le philosophe namurois était l'invité du CMG pour s'exprimer sur trois thématiques qui entourent la campagne de vaccination: les peurs, les privilèges et les responsabilités. Jean-Michel Longneaux a d'abord abordé la responsabilité du corps médical par rapport au secret professionnel. "Il y a plusieurs entorses qui doivent attirer votre attention. Le secret professionnel est la base de votre métier, la base de la relation médecin-patient."
En cause, pour rappel, l'État demande aux médecins et aux mutuelles de transmettre les données des patients vulnérables afin de pouvoir les contacter et leur accorder la priorité dans les soins. Les données liées à la vaccination elle-même sont également concernées. "D'abord, il ne faut pas être niais: une telle liste permet de facto de savoir qui est vacciné, mais également qui ne l'est pas. On n'est donc pas à l'abri de potentielles discriminations. Des juristes attirent également l'attention sur un arrêté passé l'an dernier qui accorde le droit au Fédéral de pouvoir changer l'usage des informations stockées dans sa base de données. L'utilisation des données n'est donc pas définitivement arrêtée." Enfin, le philosophe mentionne la crise que traverse actuellement l'Autorité de protection des données (APD). "On se rend compte que l'indépendance de cette autorité n'est plus garantie aujourd'hui."
"Quand vous mettez tout cela ensemble, et qu'on vous demande de transmettre des données sur vos patients vulnérables et vaccinés, le tout sous fond d'une crise de l'APD, ne pensez-vous pas qu'il faut commencer à penser à une forme de désobéissance, à dire non?", questionne Jean-Michel Longneaux. "Les garde-fous ne sont pas assurés aujourd'hui."
Faut-il imposer la vaccination?
Jean-Michel Longneaux pense également plus loin et pose une deuxième question aux généralistes. "Et si demain on imposait le vaccin pour atteindre l'immunité collective, est-ce qu'il faudra jouer le jeu et devenir un outil au service de cette obligation?" et de répondre, si tôt la question posée. "Pour moi, la réponse ne saurait être positive que si quatre conditions sont réunies: Il faudrait un danger imminent bien réel et qui concerne une majorité d'entre nous ; que le traitement qu'on nous propose soit d'une efficacité garantie ; que ceux qui fournissent ces traitements aient travaillé de manière éthique en amont ; et qu'on n'ait pas d'alternative. Si ces quatre conditions sont remplies, il me semble qu'effectivement on puisse obliger la vaccination. Mais pour l'heure, je ne suis pas convaincu que l'on puisse trancher avec aisance sur ces quatre points."
Comprendre la peur
Jean-Michel Longneaux n'était pas le seul intervenant. Florence Caeymaex, professeur et chercheuse en éthique et philosophie politique (ULiège), a abordé l'inquiétude la population face à la vaccination. "Pour y répondre, en tant que médecin, il est important d'accueillir cette peur comme étant légitime", estime la Liégeoise. "Cette peur est légitime pour une raison simple: dans notre société, la vaccination est intégrée dans nos pratiques, elle est banalisée. Mais nous n'avons pas véritablement de souvenirs liés à l'acte vaccinal. Nous étions enfants, voire adolescents, et nous n'avions pas nécessairement le temps de la réflexion. Ici, on s'adresse à une population adulte qui a eu le temps de se faire un avis."
Pour la chercheuse FNRS, cette campagne de vaccination fait ainsi effraction dans la vie des Belges, qui se sentaient à l'abri des maladies infectieuses et qui voyaient la vaccination comme un rouage derrière les rideaux de leur quotidien. "Nous vivons dans une sécurité sanitaire qui est exceptionnelle. Cela nous a porté à croire que les maladies infectieuses n'étaient pas pour nous. C'était le cas pour le Sida, qui venait d'une communauté à part. C'était également le cas pour Ebola ou Zika qui venait d'ailleurs. Ici, le virus est à nos portes. C'est une nouvelle effraction dans nos vies qui nous rappelle que nous sommes vulnérables."
Florence Caeymaex porte le même regard sur l'industrie pharmaceutique. "L'industrie pharmaceutique est au coeur de nos systèmes de santé dont le citoyen ordinaire ignore tout. Mais elle s'est retrouvée à l'avant plan d'un coup et est devenue centrale. C'est comme une énorme machinerie qui nous apparaît. Il y a donc toute une série de réalités qui étaient à l'arrière-plan de nos vies qui sont apparues au premier plan, ce qui explique les peurs."
Que faire dès lors pour rassurer ses patients en consultation? "La peur face à l'inconnu est tout à fait naturelle. Et nous répondons à cette peur par l'imagination qui vient combler les trous formés par ces inconnues. Il ne convient pas de balayer l'imagination, mais de l'alimenter avec nos savoirs. En expliquant le système de santé, l'industrie pharma, les vaccins. Cela ne va pas de soi, même pour les médecins. Alors il ne faut pas demander ce qu'il en est pour la population 'ordinaire'. Il ne s'agit pas de faire du matraquage mais de partager ce que nous savons ou apprenons. Cela participe à la démocratie sanitaire."
J ean-Michel longneaux avait-il une boule de cristal quand il a posé cette question aux médecins généralistes: "Y-aurait-il des raisons pour que vous preniez la décision de désobéir en tant que médecin? Une problématique devrait vous amener à réfléchir à la question dès aujourd'hui: c'est le problème du secret professionnel qui est malmené." Effectivement, depuis lors, l'Absym a introduit un recours au Conseil d'État ( lire page 3). La levée de boucliers touche également le GBO et d'autres sphères, comme celles de logiciels médicaux avec Medispring ( lire le numéro précédent du jdM). Le philosophe namurois était l'invité du CMG pour s'exprimer sur trois thématiques qui entourent la campagne de vaccination: les peurs, les privilèges et les responsabilités. Jean-Michel Longneaux a d'abord abordé la responsabilité du corps médical par rapport au secret professionnel. "Il y a plusieurs entorses qui doivent attirer votre attention. Le secret professionnel est la base de votre métier, la base de la relation médecin-patient."En cause, pour rappel, l'État demande aux médecins et aux mutuelles de transmettre les données des patients vulnérables afin de pouvoir les contacter et leur accorder la priorité dans les soins. Les données liées à la vaccination elle-même sont également concernées. "D'abord, il ne faut pas être niais: une telle liste permet de facto de savoir qui est vacciné, mais également qui ne l'est pas. On n'est donc pas à l'abri de potentielles discriminations. Des juristes attirent également l'attention sur un arrêté passé l'an dernier qui accorde le droit au Fédéral de pouvoir changer l'usage des informations stockées dans sa base de données. L'utilisation des données n'est donc pas définitivement arrêtée." Enfin, le philosophe mentionne la crise que traverse actuellement l'Autorité de protection des données (APD). "On se rend compte que l'indépendance de cette autorité n'est plus garantie aujourd'hui.""Quand vous mettez tout cela ensemble, et qu'on vous demande de transmettre des données sur vos patients vulnérables et vaccinés, le tout sous fond d'une crise de l'APD, ne pensez-vous pas qu'il faut commencer à penser à une forme de désobéissance, à dire non?", questionne Jean-Michel Longneaux. "Les garde-fous ne sont pas assurés aujourd'hui."Jean-Michel Longneaux pense également plus loin et pose une deuxième question aux généralistes. "Et si demain on imposait le vaccin pour atteindre l'immunité collective, est-ce qu'il faudra jouer le jeu et devenir un outil au service de cette obligation?" et de répondre, si tôt la question posée. "Pour moi, la réponse ne saurait être positive que si quatre conditions sont réunies: Il faudrait un danger imminent bien réel et qui concerne une majorité d'entre nous ; que le traitement qu'on nous propose soit d'une efficacité garantie ; que ceux qui fournissent ces traitements aient travaillé de manière éthique en amont ; et qu'on n'ait pas d'alternative. Si ces quatre conditions sont remplies, il me semble qu'effectivement on puisse obliger la vaccination. Mais pour l'heure, je ne suis pas convaincu que l'on puisse trancher avec aisance sur ces quatre points."Jean-Michel Longneaux n'était pas le seul intervenant. Florence Caeymaex, professeur et chercheuse en éthique et philosophie politique (ULiège), a abordé l'inquiétude la population face à la vaccination. "Pour y répondre, en tant que médecin, il est important d'accueillir cette peur comme étant légitime", estime la Liégeoise. "Cette peur est légitime pour une raison simple: dans notre société, la vaccination est intégrée dans nos pratiques, elle est banalisée. Mais nous n'avons pas véritablement de souvenirs liés à l'acte vaccinal. Nous étions enfants, voire adolescents, et nous n'avions pas nécessairement le temps de la réflexion. Ici, on s'adresse à une population adulte qui a eu le temps de se faire un avis." Pour la chercheuse FNRS, cette campagne de vaccination fait ainsi effraction dans la vie des Belges, qui se sentaient à l'abri des maladies infectieuses et qui voyaient la vaccination comme un rouage derrière les rideaux de leur quotidien. "Nous vivons dans une sécurité sanitaire qui est exceptionnelle. Cela nous a porté à croire que les maladies infectieuses n'étaient pas pour nous. C'était le cas pour le Sida, qui venait d'une communauté à part. C'était également le cas pour Ebola ou Zika qui venait d'ailleurs. Ici, le virus est à nos portes. C'est une nouvelle effraction dans nos vies qui nous rappelle que nous sommes vulnérables."Florence Caeymaex porte le même regard sur l'industrie pharmaceutique. "L'industrie pharmaceutique est au coeur de nos systèmes de santé dont le citoyen ordinaire ignore tout. Mais elle s'est retrouvée à l'avant plan d'un coup et est devenue centrale. C'est comme une énorme machinerie qui nous apparaît. Il y a donc toute une série de réalités qui étaient à l'arrière-plan de nos vies qui sont apparues au premier plan, ce qui explique les peurs."Que faire dès lors pour rassurer ses patients en consultation? "La peur face à l'inconnu est tout à fait naturelle. Et nous répondons à cette peur par l'imagination qui vient combler les trous formés par ces inconnues. Il ne convient pas de balayer l'imagination, mais de l'alimenter avec nos savoirs. En expliquant le système de santé, l'industrie pharma, les vaccins. Cela ne va pas de soi, même pour les médecins. Alors il ne faut pas demander ce qu'il en est pour la population 'ordinaire'. Il ne s'agit pas de faire du matraquage mais de partager ce que nous savons ou apprenons. Cela participe à la démocratie sanitaire."