Enième problème entre les deux réseaux liégeois. Cette fois-ci, c'est la fin de la collaboration entre le Groupe santé CHC et le CHR de la Citadelle dans le cadre de la prise en charge des patients atteints de mucoviscidose qui pose question. Le débat dépasse cependant les sphères liégeoises puisque l'Inami, "sans raisons fondées", refuse de donner suite à la demande du CHC de devenir un centre de référence pour la prise en charge de la mucoviscidose.
L'an dernier, le CHR de la Citadelle signifie au Groupe santé CHC la rupture du partenariat les unissant depuis 2003 dans le cadre de la prise en charge des patients atteints de mucoviscidose. Ce partenariat concrétisait la convention conclue en 2001 entre l'Inami et le CHR de la Citadelle pour la création d'un Centre liégeois de rééducation fonctionnelle pour la mucoviscidose, actif sur deux sites: l'hôpital de la Citadelle et la clinique de l'Espérance (ensuite MontLégia).
Depuis un an, aucune solution n'a pu être trouvée. Le 11 février dernier, le Groupe santé CHC apprend que l'Inami se borne à constater le différent entre les deux institutions, refuse de prendre position sur le plan qualitatif et met fin à la période qu'il avait accordée aux deux partenaires pour trouver un terrain d'entente. Le 22 février, les 70 patients du CHC sont informés de la fin de la collaboration entre les deux hôpitaux et de l'obligation de se tourner vers un autre centre de référence pour le 1er avril 2021.
Retour sur les faits avec le Dr Philippe Olivier, directeur médical du Groupe santé CHC.
Le journal du Médecin: Pourriez-vous nous expliquer le fond du problème?
Dr Philippe Olivier: Quand l'Inami a créé la convention mucoviscidose dans les années 2000, l'institut a fixé des critères, l'idée étant d'améliorer la qualité de la prise en charge et l'efficience. La condition initiale pour qu'un hôpital puisse créer un centre de référence était d'avoir en charge 50 patients atteints de mucoviscidose. Au moment de la création du centre à Liège en 2003, le CHR et le CHC se sont unis pour atteindre ce seuil requis de patients. Cette collaboration s'est bien déroulée durant une bonne dizaine d'années, jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle coordinatrice au centre du CHR en 2013. Nous avons ressenti que la volonté était de reprendre toute l'activité mucoviscidose au CHR de la Citadelle et d'exclure l'activité mucoviscidose du CHC. C'est là que les ennuis ont commencé.
Vu l'échec annoncé des négociations entre les deux hôpitaux, vous avez sollicité l'Inami pour devenir le second centre de référence en Wallonie.
Effectivement. En juillet 2019, le seuil des 50 patients est atteint, et, pour s'affranchir de la menace de rupture de collaboration du CHR, nous avons introduit une demande de création d'un second centre de référence en Wallonie, le huitième en Belgique.
Le projet présenté répond en tout aux exigences du texte de la convention Inami-mucoviscidose. Nous pensions naïvement que dès lors que l'on remplissait les critères conventionnels écrits noir sur blanc par l'Inami, nous allions pouvoir être reconnus comme centre indépendant. Mais fin octobre 2019, après de nombreux mois d'attente, l'Inami a rejeté cette possibilité.
A priori, il n'y pas de raison de refuser la convention de la part de l'Inami.
Non. Nous nous échinons à le répéter mais nous parlons dans le vide. Il y a une volonté politique de ne pas accroître le nombre de centres de maladies rares. C'est presque un mantra, un dogme.
Il n'y a pourtant qu'un seul centre de référence en Wallonie, alors que la Belgique en compte sept au total.
Exactement. Le problème, selon l'Inami, est que cela en ferait deux à Liège. Mais dans le même temps il y en a quatre à Bruxelles pour un million d'habitants. Il y a quelque chose qui m'échappe dans le raisonnement.
Quel est l'avenir de l'équipe soignante et pour les patients?
En date du 31 mars, le pouvoir de prescription des médecins du CHC sera retiré. Ils n'auront donc plus la possibilité de prescrire les traitements très onéreux liés à la mucoviscidose. Cela rend de facto la prise en charge des patients inopérante. Cela veut dire que pour les patients, la prise en charge s'arrête brutalement. Et certains patients sont suivis depuis 15 ans par l'équipe médicale du CHC. Ils se retrouvent donc amputés de ce lien thérapeutique particulier avec l'équipe soignante. C'est un drame absolu.
Notre équipe pluridisciplinaire dispose fort heureusement d'autres activités au sein de l'hôpital. Mais il faudra faire le deuil de l'activité mucoviscidose, une activité dans laquelle ils se sont investis et formés des années durant.
Cela veut-il dire que c'est un point final à la prise en charge mucoviscidose pour le Groupe santé CHC?
On se battra jusqu'au bout. On continue à considérer que les décisions du CHR de la Citadelle et de l'Inami ne sont pas justes. Ce dernier fait fît de ses propres critères! C'est difficile à entendre. C'est une décision purement politique, contre laquelle il n'y a pas de recours possible.
Je sais que les patients sont attachés à un centre et non à un médecin ou un service en particulier, mais la relation est évidemment personnalisée dans le cadre du suivi de patients chroniques tels que les patients atteints de la mucoviscidose. C'est une relation thérapeutique qui dure quelques dizaines d'années. Ce combat mérite donc d'être mené.
L'Inami fait le pari que le centre liégeois fonctionnera mieux en concentrant toute son activité au CHR de la Citadelle. Or, ce n'est pas un fonctionnement résilient. On le voit avec la crise du Covid-19, une approche concentrationnaire conduirait à l'échec. La Wallonie peut-elle se permettre de n'avoir qu'un seul centre "muco"? Que se passerait-il s'il venait à faire défaut? Dans ce contexte, la décision de l'Inami appauvrit la compétence médicale. Il n'y a pourtant pas un euro de plus dépensé par l'Inami, pas plus qu'une perte d'efficience. Nous avons d'ailleurs envoyé nos indicateurs de qualité pour montrer que nous étions bons, et même très bons. Pourquoi dès lors nous refuser la convention? Les arguments ne sont pas recevables.
Ce n'est quand même pas la première passe d'armes entre les deux réseaux liégeois. Est-ce que cela va cesser un jour?
Je ne saurais pas répondre. Effectivement, on en arrive à une confrontation entre les deux réseaux où l'un se positionne contre l'autre. Ce modus operandi qui consiste à appauvrir l'un pour renforcer l'autre n'est pas notre vision des choses.
On a quelques exemples, qui ne sont pas majoritaires, où les choses fonctionnent bien. Quand il y a la volonté sur le terrain, cela fonctionne. Mais dès lors qu'il y a un enjeu en termes de monopole médical, la relation devient hyper concurrentielle.
Quand est-ce que cela cessera? Je ne sais pas.
L'an dernier, le CHR de la Citadelle signifie au Groupe santé CHC la rupture du partenariat les unissant depuis 2003 dans le cadre de la prise en charge des patients atteints de mucoviscidose. Ce partenariat concrétisait la convention conclue en 2001 entre l'Inami et le CHR de la Citadelle pour la création d'un Centre liégeois de rééducation fonctionnelle pour la mucoviscidose, actif sur deux sites: l'hôpital de la Citadelle et la clinique de l'Espérance (ensuite MontLégia). Depuis un an, aucune solution n'a pu être trouvée. Le 11 février dernier, le Groupe santé CHC apprend que l'Inami se borne à constater le différent entre les deux institutions, refuse de prendre position sur le plan qualitatif et met fin à la période qu'il avait accordée aux deux partenaires pour trouver un terrain d'entente. Le 22 février, les 70 patients du CHC sont informés de la fin de la collaboration entre les deux hôpitaux et de l'obligation de se tourner vers un autre centre de référence pour le 1er avril 2021. Retour sur les faits avec le Dr Philippe Olivier, directeur médical du Groupe santé CHC. Le journal du Médecin: Pourriez-vous nous expliquer le fond du problème? Dr Philippe Olivier: Quand l'Inami a créé la convention mucoviscidose dans les années 2000, l'institut a fixé des critères, l'idée étant d'améliorer la qualité de la prise en charge et l'efficience. La condition initiale pour qu'un hôpital puisse créer un centre de référence était d'avoir en charge 50 patients atteints de mucoviscidose. Au moment de la création du centre à Liège en 2003, le CHR et le CHC se sont unis pour atteindre ce seuil requis de patients. Cette collaboration s'est bien déroulée durant une bonne dizaine d'années, jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle coordinatrice au centre du CHR en 2013. Nous avons ressenti que la volonté était de reprendre toute l'activité mucoviscidose au CHR de la Citadelle et d'exclure l'activité mucoviscidose du CHC. C'est là que les ennuis ont commencé. Vu l'échec annoncé des négociations entre les deux hôpitaux, vous avez sollicité l'Inami pour devenir le second centre de référence en Wallonie. Effectivement. En juillet 2019, le seuil des 50 patients est atteint, et, pour s'affranchir de la menace de rupture de collaboration du CHR, nous avons introduit une demande de création d'un second centre de référence en Wallonie, le huitième en Belgique. Le projet présenté répond en tout aux exigences du texte de la convention Inami-mucoviscidose. Nous pensions naïvement que dès lors que l'on remplissait les critères conventionnels écrits noir sur blanc par l'Inami, nous allions pouvoir être reconnus comme centre indépendant. Mais fin octobre 2019, après de nombreux mois d'attente, l'Inami a rejeté cette possibilité. A priori, il n'y pas de raison de refuser la convention de la part de l'Inami. Non. Nous nous échinons à le répéter mais nous parlons dans le vide. Il y a une volonté politique de ne pas accroître le nombre de centres de maladies rares. C'est presque un mantra, un dogme. Il n'y a pourtant qu'un seul centre de référence en Wallonie, alors que la Belgique en compte sept au total. Exactement. Le problème, selon l'Inami, est que cela en ferait deux à Liège. Mais dans le même temps il y en a quatre à Bruxelles pour un million d'habitants. Il y a quelque chose qui m'échappe dans le raisonnement. Quel est l'avenir de l'équipe soignante et pour les patients? En date du 31 mars, le pouvoir de prescription des médecins du CHC sera retiré. Ils n'auront donc plus la possibilité de prescrire les traitements très onéreux liés à la mucoviscidose. Cela rend de facto la prise en charge des patients inopérante. Cela veut dire que pour les patients, la prise en charge s'arrête brutalement. Et certains patients sont suivis depuis 15 ans par l'équipe médicale du CHC. Ils se retrouvent donc amputés de ce lien thérapeutique particulier avec l'équipe soignante. C'est un drame absolu. Notre équipe pluridisciplinaire dispose fort heureusement d'autres activités au sein de l'hôpital. Mais il faudra faire le deuil de l'activité mucoviscidose, une activité dans laquelle ils se sont investis et formés des années durant. Cela veut-il dire que c'est un point final à la prise en charge mucoviscidose pour le Groupe santé CHC? On se battra jusqu'au bout. On continue à considérer que les décisions du CHR de la Citadelle et de l'Inami ne sont pas justes. Ce dernier fait fît de ses propres critères! C'est difficile à entendre. C'est une décision purement politique, contre laquelle il n'y a pas de recours possible. Je sais que les patients sont attachés à un centre et non à un médecin ou un service en particulier, mais la relation est évidemment personnalisée dans le cadre du suivi de patients chroniques tels que les patients atteints de la mucoviscidose. C'est une relation thérapeutique qui dure quelques dizaines d'années. Ce combat mérite donc d'être mené. L'Inami fait le pari que le centre liégeois fonctionnera mieux en concentrant toute son activité au CHR de la Citadelle. Or, ce n'est pas un fonctionnement résilient. On le voit avec la crise du Covid-19, une approche concentrationnaire conduirait à l'échec. La Wallonie peut-elle se permettre de n'avoir qu'un seul centre "muco"? Que se passerait-il s'il venait à faire défaut? Dans ce contexte, la décision de l'Inami appauvrit la compétence médicale. Il n'y a pourtant pas un euro de plus dépensé par l'Inami, pas plus qu'une perte d'efficience. Nous avons d'ailleurs envoyé nos indicateurs de qualité pour montrer que nous étions bons, et même très bons. Pourquoi dès lors nous refuser la convention? Les arguments ne sont pas recevables. Ce n'est quand même pas la première passe d'armes entre les deux réseaux liégeois. Est-ce que cela va cesser un jour? Je ne saurais pas répondre. Effectivement, on en arrive à une confrontation entre les deux réseaux où l'un se positionne contre l'autre. Ce modus operandi qui consiste à appauvrir l'un pour renforcer l'autre n'est pas notre vision des choses. On a quelques exemples, qui ne sont pas majoritaires, où les choses fonctionnent bien. Quand il y a la volonté sur le terrain, cela fonctionne. Mais dès lors qu'il y a un enjeu en termes de monopole médical, la relation devient hyper concurrentielle. Quand est-ce que cela cessera? Je ne sais pas.