...

Ingénieur hydrologue vieillissant, et sourcier d'amours qu'il abandonne dès qu'elles se tarissent, Gabriel croise le regard de Suzanne, spécialiste mondiale des chauves-souris. De leur rencontre découle un geyser de sentiments et un mariage trop hâtivement prononcé pour ne pas voguer rapidement en eaux troubles. Raconté sous forme de confession à une magistrate des affaires familiales, qui cache sous sa robe le lecteur pris à témoin... voire sommé d'être juge, Briser en nous la glace gelée se conçoit comme la résurgence d'un amour englouti, devenu souterrain, et qui finit par rejaillir. Si la première partie - alerte - charme, séduit sans enchanter (clin d'oeil adressé à feu Jean d'Ormesson), la seconde, située dans le Grand Nord et son feu sous la glace, engourdit ledit lecteur. Reste de jolies saillies comme " dans apprendre, sans comprendre il y a prendre. Le savoir est une sensualité ". Au cours de cette exploration du détroit qui unit deux continents humains, le lucide narrateur-auteur des passions éternelles et donc sans âge, se fait visionnaire : évoquant le patient zéro de la fièvre Ebola mordu par une chauve-souris ou les 778 personnes décédées de par le monde d'un coronavirus... en 2003 ! Dystopie ? Uchronie ? Non, pandémie. Celle du virus de l'amour... Erik Orsenna : Briser en nous la mer gelée (Éditions Gallimard)