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Il y a l'usage illicite de substances. L'expression peut concerner les médecins quand ils prescrivent hors indications (Ouh, les vilains! ). Et puis il y a l'usage de substances illicites. Cette expression bienséante concerne plutôt ceux que, de manière moins bienséante, on appelle toxicomanes (Ouh, les vilains! ). Si proches et pourtant si différentes, les deux formulations se télescopèrent dans mon esprit, alors que je prenais connaissance de la thèse de doctorat de la Dre Lou Richelle sur les différents aspects de la prise en charge de la toxicomanie (lire aussi en page 18), et ce choc réveilla en moi une évidence: l'apprentissage de cette prise en charge a sur le médecin un effet à long terme qui se manifeste sur la prise en charge de toutes les maladies chroniques et entraîne à une empathie qui forme durablement le généraliste. Elle n'a pas toujours bonne presse, l'idée de se frotter à des pathologies complexes truffées de paramètres sociopsychologiques... Et pourtant, quelle fécondité pour notre pratique! La formation médicale fait appel aux capacités intellectuelles et rationnelles, et ne laisse pas de place aux aspects émotionnels de la relation avec le patient. Pourtant, l'empathie et une attitude clinique non jugeante sont des outils d'une efficacité redoutable. Ces dernières années, des travaux sérieux ont montré que le pouvoir d'identifier ses émotions, de détecter celles des autres et d'établir une communication efficace améliore sans conteste les performances dans le domaine des soins. J'ai reçu tout à l'heure un nouveau patient, par ailleurs charmant, avec un diabète de type 2, une hémoglobine glyquée à 10, une hypertension et un tabagisme féroce. Une discussion franche et amicale a complété le tableau avec la consommation compulsive de gâteaux et de Coca-Cola et recueilli une confession: il n'a pas peur de mourir. On pourrait se décourager devant le défi que représente ce "mauvais patient" ou, à l'opposé, se ruer sur les précieuses molécules qui pourraient lui convenir à merveille et ainsi se battre contre les chiffres sans prendre le contexte en compte. Ce serait négliger une première étape indispensable: l'écouter. À cette condition, je suis persuadé que ce patient peut grandement améliorer ses facteurs de risque et faire siennes des recommandations proposées dans la bienveillance. Les carences de la formation quant à l'aspect relationnel de notre exercice sont aggravées par la toxicité de nombreux lieux de stages qui découragent les stagiaires de toute aménité, et leur offrent le modèle de certains chefs de service qui se comportent comme des stars de cinéma en toute impunité, ainsi qu'en témoignent les rapports de stagiaires en médecine générale que nous sommes amenés à examiner. La manière dont les urgences accueillent les toxicomanes et les patients souffrant de troubles mentaux est un autre exemple de cette toxicité, manière que les stagiaires vont intégrer dans la construction de leur être-médecin. On estime que c'est vers la 5e année de formation que beaucoup de carabins se font griller leur humanisme. Il y a une bipolarisation du corps médical avec, d'une part, les enthousiastes qui se soucient autant du soin (care) que de la thérapeutique (cure) et d'autre part, ceux qui se focalisent sur l'acte technique et snobent toute autre approche... Si la sélection se fait uniquement sur l'excellence en matière d'achalasies dues à la trypanosomiase américaine, on n'est pas sorti de l'auberge. D'autres encore fuient tout contact avec les patients en se réfugiant dans les services administratifs de la profession, accomplissant des tâches certes nécessaires mais creusant ainsi la pénurie médicale. Et le problème ne s'arrête pas à la formation car un nombre toujours plus grand de généralistes formés abandonne le métier après moins de cinq ans de pratique. Il serait intéressant d'analyser leurs parcours pour évaluer dans quelle mesure la formation de base et les stages sont un facteur majeur d'abandon ou de burn-out.